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    Résumé :

     

    Londres, 1889.
    Le détective privé Hector Krine est chargé d'élucider une mystérieuse histoire de vols de cadavres. Son enquête le mène jusqu'au coeur des quartiers populaires de la capitale anglaise, où s'entassent les miséreux et les Grouillants, des créatures surnaturelles débarquées des quatre coins de l'Europe, fuyant les persécutions. Quand la nécromancienne Hécate, son amour de jeunesse, est assassinée, l'affaire prend pour Krine une tournure très personnelle.
    Qui est vraiment Matthew ? Que lui veulent cette meute de loups-garous et cet étrange colosse coiffé d'un chapeau melon ? Quels liens les unissent aux pilleurs de cercueils ? Pour le découvrir, Krine va devoir se confronter à son passé et accepter ses origines...

     

    J'ai aimé

     

    Mon avis :

     

    Il va vraiment falloir que je fasse quelque chose. Le mot loup-garou dans un résumé suffit à me faire céder et craquer pour un livre. Mais je ne sais pas si je suis encore récupérable, en fait.

     

    D'autant plus que je ne regrette absolument pas cet achat. Quand un encore-jeune auteur français écrit de la fantasy, on a envie de le soutenir. Surtout quand il en écrit d'aussi agréable à lire.

     

    Un style percutant, donc, rapide et efficace, pour mettre en scène un Londres des années 1890. Mais pas un Londres parfaitement authentique. J'ai aimé l'idée de faire de l'Angleterre un refuge pour les Grouillants, les créatures surnaturelles. J'ai aimé, même si ce n'est pas franchement d'une originalité à toute épreuve, le fait que ces créatures ne soient pas bien vues, même si elles vivent au grand jour. Exploitées, méprisées, elles tentent de survivre dans la ville.

    J'ai aimé également les allusions aux personnages devenus mythiques, qu'ils soient imaginaires ou réels. Je trouve très intéressant de les voir mis en scène dans un roman, même si l'auteur prend, parfois, des libertés à leur égard.

    A de nombreuses reprises, l'histoire est teintée d'un humour ironique que j'apprécie tout particulièrement et qui permet de faire retomber un peu la pression.

     

    J'ai également aimé les personnages. Krine, bien sûr : détective charismatique, pas toujours doué, pas toujours chanceux, mais à la détermination sans faille. J'ai aimé Matthew, ses réparties, sa maturité et son impertinence. Mais aussi sa fragilité. J'ai énormément aimé le Docteur Jekyll aussi. Le commissaire Petterson est du genre qu'on adore détester, même si ça ne fonctionne pas vraiment. Finalement, ses réactions sont parfois si pathétiques qu'il en devient touchant.

    Une palette de personnages touchants, donc. Pas bouleversants, pas à vous serrer le cœur, mais touchants. C'est déjà beaucoup.

     

    Je regrette un peu que l'intrigue, même si elle nous réserve quelques surprises, soit si « classique ». Certains éléments sont rapidement devinés, d'autres n'apportent pas de réelle surprise. Mais qu'importe. C'est bien amené, bien construit.

     

    Mention spéciale pour la post-face. J'ai beaucoup aimé la manière dont l'auteur prend la parole à la fin du roman, pour parler de sa vision des choses, des lieux et des personnages qui animent son récit. C'est une manière de plonger dans l'univers de l'auteur qui me plait beaucoup, d'en apprendre plus sur lui et sur ses inspirations.

     

    L'auteur laisse entendre qu'il y aura d'autres tomes. Et en fonction de ma pile de livres à lire, je pense que je pourrais encore bien céder....


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  • Ruelle (2)

     

    L'homme, pourtant d'apparence robuste, a été battu à mort. Son visage est méconnaissable, ses membres raidis dans une posture douloureuse. Tout autour de lui sèchent d'immenses flaques de sang. La vieille femme, toute de noire vêtue, qui avait répondu aux questions d'Elland se tient assise sur une chaise, le menton sur la poitrine, comme endormie. Avec une douceur incongrue, le guérisseur lui relève délicatement la tête, dévoilant une entaille profonde qui court d'un côté à l'autre de sa gorge. Pèire s'est retiré dans le couloir, le visage pâle. Elland n'en mène pas bien large non plus. Thémus ordonne la fouille des lieux à la recherche d'indices permettant d'identifier les meurtriers. Pendant de longues minutes, avec minutie, ils examinent les possessions du couple. C'est avec un certain malaise qu'Elland découvre leurs économies, dissimulées dans un pot posé près du foyer. Lorsqu'il fait part de sa découverte aux autres, ils tombent d'accord sur le fait que ces meurtres ne sont pas dûs à un vol qui aurait mal tourné. Le voleur hésite un instant, gêné par l'idée de dérober les possessions des morts. Sauf que ces morts en question sont sans doute liés à l'enlèvement de Ménandre. Et qu'ils n'auront de toutes façons plus besoin d'argent, désormais. Alors il glisse dans ses poches la majorité des pièces, se promettant d'en donner une partie au gamin quand ils l'auront retrouvé. Si les autres l'ont vu faire, ils n'en soufflent pas un mot, aussi Elland reprend-il la fouille comme si de rien n'était. En vain. Rien ne permet d'identifier les assassins.

    Ils n'ont plus de raisons de rester ici plus longtemps, d'autant que la garde pourrait arriver à tout moment si un voisin l'a prévenue, suite à l'absence du couple. Pèire n'est que trop content de respirer l'air relativement pur de la ruelle. Sans se retourner, ils se dirigent vers l'atelier de Thémus, situé non loin.
    Dans l'intimité de l'arrière-boutique, devant un verre de liqueur, « pour se remonter », ils font le point sur la situation. D'après Théoliste, ils sont morts depuis moins d'une journée, ce qui incite Elland à penser qu'ils ont été tués peu de temps après leur visite. D'après Thémus, la femme a été égorgée en première, puis les attaquants s'en sont pris à l'homme. Les attaquants, oui, car d'après lui, ils étaient plusieurs.

    La piste de la vieille femme s'est envolée. Mais il reste celle de Tanorède. Et qui dit Tanorède dit Maelenn. Car c'est peut-être bien elle la clef de cette énigme. Et c'est peut-être bien lui, d'ailleurs, qui a ordonné le meurtre du couple, pour les faire taire à jamais. Ils terminent leur verres rapidement et se remettent en route. Et s'ils ont l'air pitoyables, au milieu des riches habitants du quartier, ils n'en prennent pas ombrage. Elland les conduit jusqu'à la porte richement ornée, se persuadant à mesure qu'il avance de la culpabilité du riche bourgeois. Après tout, comment un couple si modeste pourrait engager quatre hommes de main ?

    La chaleur est encore forte en cette fin d'après-midi. Les riches habitants du quartier commencent à sortir, après s'être protégés de la chaleur dans leurs luxueuses demeures. Elland jette un coup d'œil à ses compagnons : ils ont le visage hagard, leurs vêtements sont froissés, de mauvaise facture. Il sait avoir la même apparence, avec une longue balafre encore fraîche sur la joue en supplément. Ils ne peuvent pas passer inaperçus, mais qu'importe...

    C'est Elland qui frappe à la porte, presque avec délicatesse, comme s'il avait peur de l'abîmer. Dernière, ses amis l'attendent en formant, presque à leur insu, un demi-cercle protecteur, comme pour défendre ses arrières. C'est la même femme que la veille qui lui ouvre la porte, portant son éternel chignon. Cette fois encore, elle ne dit rien quant à leur apparence, ou leur nombre. Après avoir pris une longue inspiration, Elland lui annonce :

    - Bonjour, nous voudrions voir Tanorède Guevois, s'il vous plait.
    - Il n'est pas là.
    - Maelenn alors.
    - Elle n'est pas là non plus.
    - Est-ce que vous savez quand ils rentrent ?
    - Non. Mais ils ne veulent pas vous voir.
    - C'est-à-dire ?
    - Ce sont les consignes. Si vous vous présentez, je dois vous dire qu'ils ne veulent pas vous rencontrer.

    La femme arbore un visage fermé et sévère. Sa voix est froide, sans timbre, presque inhumaine. Pourtant, dans son regard, Elland croit deviner une lueur de compassion. Mais il s'en moque pas mal, de sa compassion. Il veut voir Tanorède et il ne laissera pas une domestique l'en empêcher. Sa voix se fait plus sèche lorsqu'il demande :

    - Et pourquoi ?
    - Parce qu'ils sont en plein préparatifs pour le mariage. Ils n'ont pas que ça à faire.
    - Ça ne prendra que quelques minutes. Nous devons les voir, c'est très important.
    - Ce sont les consignes.
    - Mais la vie d'un enfant est en jeu !

    La femme secoue doucement la tête, presque attendrie, et commence à fermer la porte. Elland, dans un geste réflexe, avance son pied sur le seuil. La femme lui murmure :

    - N'insistez pas, s'il vous plait.
    - La vie d'un enf...

    Une main puissante s'abat sur son épaule, celle de Thémus. Dans un chuchotement rauque, le colosse lui ordonne de retirer son pied. Se retournant pour lui demander ce qu'il lui prend, Elland remarque alors les quatre gardes qui ont interrompu leur patrouille pour les surveiller. Alors, piteusement, il retire son pied. La porte claque aussitôt, fermant à nouveau une piste pour retrouver le gamin.


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  • the-cryptkeeper

     

    La dernière phrase, prononcée sur un ton parfaitement détaché, broie le cœur d'Elland dans un étau de glace. Immédiatement, l'image du corps sans vie du gamin, déposé parmi les immondices dans une quelconque ruelle lugubre, s'imprime dans son esprit. Une chape de silence s'est abattue autour de la table. Thémus semble enfin réaliser ce qu'il vient de dire, et s'agite sur son siège, mal à l'aise. C'est Pèire qui murmure, sur un ton qu'il veut convaincant :

    - Ils ont sans doute plus intérêt à le garder en vie.

    Mais personne n'ose abonder dans son sens. La déclaration de Thémus a jeté un froid sur la petite table, et le doute s'est insinué en chacun d'entre eux. Puis c'est Théoliste, dans un chuchotement rauque, qui partage à son tour ses inquiétudes :

    - Et j'espère que ce chenapan ne les poussera pas à bout.

    Secouant faiblement la tête, Elland lui répond :

    - Non. Il est en danger et il le sait sûrement. Il va sans doute essayer de se faire oublier.
    - Mais que vont-ils faire de lui ?
    - Personne ne peut répondre à cette question pour le moment. Par contre, ce qu'on peut faire, c'est retourner voir la vieille et l'interroger. Nous la ferons parler, affirme Thémus.
    - Et pour lui dire quoi ? « Excusez-moi, vous n'auriez pas enlevé un gamin, par hasard ? »

    Le regard que lance Thémus à Elland le foudroie sur place. Le colosse se passe une main dans les cheveux et lâche, désabusé :


    - C'est moi qui poserait les questions. Il vaudrait mieux que tu t'en abstiennes Elland. Et si cette piste ne mène nulle part, nous irons voir Guevois. Nous pourrons peut-être parler à Maelenn, il est possible qu'elle sache quelque chose.

    Le concerné hoche doucement la tête, vaincu. A aucun moment, l'idée de malmener cette femme ne dérange Elland. Après tout, si elle est liée à leur attaque et à l'enlèvement de Ménandre, elle n'a que ce qu'elle mérite. Impatients de découvrir le fin mot de cette histoire, ils décident de se rendre immédiatement chez elle. Ils prennent tout juste le temps de changer leurs vêtements tâchés de sang et de se laver un peu la figure, pour éviter d'attirer l'attention plus que nécessaire. Ils ne parlent pas beaucoup durant le trajet, se contentant de commenter les nouveaux produits disponibles chez l'épicier, le changement de propriétaire d'une minuscule boutique non loin de la place du marché. Mais le cœur n'est pas à la visite et ils ne traînent pas en chemin.

    Il n'y a pas âme qui vive dans la ruelle lugubre qu'Elland commence à bien connaître. Avec la chaleur de ce mois de juin, les immondices dégagent une odeur putride qui les prend à la gorge. La porte est fermée, comme toujours, et c'est avec fermeté que le voleur tambourine contre le battant. Mais personne ne répond. Elland s’accroupit pour extraire de sa botte ses crochets, mais Thémus le dépasse dans un grognement. Il suffit d'un puissant coup de pied pour que la porte jaillisse hors de ses gonds et vienne mourir contre le mur lépreux. L'obscurité règne à l'intérieur de la demeure et seul le soleil estival apporte un peu de lumière par l'ouverture béante.

    Un silence sinistre accueille cette entrée fracassante. Puis vient l'odeur, doucereuse et entêtante, quasiment masquée par la puanteur de la ruelle. Mais c'est une odeur qui ne trompe ni Théoliste ni Thémus. Ce dernier tire au clair l'épée qu'il a gardé à la ceinture. Avec prudence, ils avancent dans l'étroit couloir, jusqu'à atteindre ce qui semble être la salle principale. Une chandelle agonise, presque entièrement consumée. Elle révèle pourtant suffisamment de détails pour donner des hauts-le-coeur au voleur. Théoliste ouvre grand les volets, illuminant soudainement le drame. Les deux occupants de la maison gisent sur le sol, morts.

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  • L-oeil-des-cieux.gif

     

     

    Résumé :

     

    Blue Perrineau est un membre actif de l'agence très spéciale de détectives Dirk & Steele.
    Spéciale ? Et comment ! Ses membres ont certaines... comment dire... particularités. Celle de Blue est d'être électrokinésiste. L'affaire qui se présente à lui n'est pas habituelle : son père, mourant, lui révèle l'existence de son demi-frère et lui demande de le retrouver. Facile, pour un détective, non ? Si seulement c'était aussi simple...

     

    Sympa!

     

    Mon avis :

     

    Je me suis laissée tenter par ce roman car le début de l'histoire se passe à Jakarta, où je suis allée l'année dernière. Oui, je sais, je suis faible. Bref.

     

    Je me suis rendue compte, un peu tard, que c'était le quatrième tome d'une série. Dont je n'ai, bien évidemment, jamais lu les premiers. Mais ça ne gêne en rien la lecture, bien au contraire : on comprend parfaitement la situation, les différents protagonistes. Au contraire, donc, car j'ai lu sur certains blogs que l'auteur a tendance à répéter un peu toujours les mêmes schémas. Du coup, je n'ai pas cette lassitude.

     

    Par contre, ce qui me gêne un peu, ce sont parfois les raccourcis qu'utilise l'auteur, comme le fait que Blue retrouve directement son frère. J'ai trouvé que ça se passait un peu trop rapidement, même si on se rend bien compte que l'important n'est pas la traque en elle-même mais ce qu'il se passe une fois qu'ils se sont retrouvés.

    Dans ce roman, encore une fois, se pose le problème du héros masculin qui découvre son âme soeur dès la première femme un tant soit peu intéressante dans le récit. Et c'est assez lassant, cette manie.

    Et autre bémol, l'utilisation trop répétitive, à mon goût, de termes vulgaire et grossiers. Pas énormément, certes, pas insoutenables, d'accord, mais je regrette toujours que l'auteur fasse le choix de ce langage alors qu'il y a tant de manière de s'exprimer autrement...

     

    Mais la plume est agréable, l'histoire est menée tambour battant et on ne s'ennuie pas un instant. Même si les personnages ne sont pas bouleversants, on se laisse prendre au jeu et on tourne les pages pour connaître la suite. Comme souvent, on se laisse entraîner par le rythme et on passe un moment, sans pour autant avoir la certitude d'avoir lu un roman absolument inoubliable. Mais on passe un bon moment, c'est l'essentiel, non ?


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  • 1488053510

     

    La taverne est déserte, en ce milieu d'après-midi. Les habitants de Rivemorte vaquent à leurs occupations et délaissent la salle à manger plongée dans une pénombre et une fraîcheur bienvenue. Les mines sont graves quand les quatre hommes s'installent autour de la table. Pèire, retrouvant le visage que tous lui connaissent, se charge de préparer les brocs de bière et quelques tranches de pain et de charcuterie, qu'il amène sur la table. Mais l'appétit ne vient pas, et s'ils se désaltèrent longuement, ils ne touchent pas à la nourriture. C'est Théoliste qui finit par rompre le silence devenu pesant, en déclarant :

    - Bon, reprenons depuis le début. Pour quelles raisons voudrait-on enlever un gamin comme lui ?
    - Pour s'en débarrasser, tente Elland.
    - Sauf qu'il n'a rien vu ni rien volé d'important, d'après Osvan.
    - Pour s'enrichir, renchérit Pèire.
    - Sauf que les esclavagistes n'y sont pour rien, et que les bouges sont surveillés. S'il réapparait, on le saura aussitôt.

    C'est Thémus, qui, implacable, réfute toutes leurs hypothèses. Et alors qu'un sentiment de défaitisme menace de tous les emporter, c'est à nouveau lui qui reprend la parole :

    - Je pense que cette histoire est liée à cette Maelenn. Vous avez dû mettre le doigt sur quelque chose de très important pour qu'ils déploient de tels moyens. Je suis persuadé que l'attaque dont vous avez été victime avait pour unique but de vous faire cesser définitivement vos recherches.
    - Et tu penses que la vieille est impliquée ?
    - J'en suis convaincu. Elle vous a envoyé à Picsuif, sans doute dans le but de vous décourager, ou au mieux, de vous faire perdre votre temps.
    - Elle semblait vraiment sincère quand elle nous a assuré qu'elle ignorait où était Maelenn.
    - Quand les intérêts sont suffisamment importants, jouer parfaitement la comédie devient indispensable. Elle n'en est peut-être pas à son coup d'essai. A moins qu'elle soit une excellente comédienne.
    - Mais elle a nous envoyé chez Tanorède Guevois.
    - En effet. Sans doute espérait-elle que vous renonciez. Aller questionner un noble, ce n'est pas un culot que s'autorise n'importe qui.

    Plongeant le nez dans son broc de bière, Elland rougit. Maintenant que Thémus en parle, il doit bien se l'avouer : c'était incroyablement audacieux de se présenter chez un riche bourgeois pour l'interroger. Et c'est d'autant plus surprenant que ledit bourgeois ait accepté de les recevoir et de les renseigner sans s'offusquer d'un tel geste. Mais s'il tient vraiment à épouser Maelenn, c'est plutôt normal, non, qu'il ne méprise pas les plus pauvres ? Pèire semble suivre le même raisonnement, puisqu'il conclut :

    - Et elle se doutait que Guevois l’enverrait promener. C'est à ce moment là qu'elle a ordonné à ses hommes de main d'agir.
    - Sauf que Guévois l'a accueillit et lui a parlé du mariage, contrecarre Théoliste.
    - Justement, à ce sujet. Pourquoi a-t-il dit ça ? Est-ce que c'est la vérité ? Ou est-ce qu'il est complice ? Demande Elland.
    - Et surtout, pourquoi ont-ils enlevé Ménandre ? Qu'est ce qui peut bien justifier un tel acte ? S'interroge Pèire
    - Je ne suis pas persuadé que c'était prévu. Ils ont envoyé quatre hommes vous suivre. D'après ce que tu nous a dit, ils n'ont pas hésité à vous attaquer et à utiliser leurs armes : ils avaient pris toutes les précautions nécessaires. Mais ils n'avaient pas prévu que vous vous sépareriez. Les hommes se sont donc divisés pour vous attraper tous les deux, ce qui t'a permis de t'en sortir. Je suis certain que l'enlèvement n'était pas prémédité. Ils voulaient se débarrasser de vous.
    - Et ils ont échoué. Sauf qu'ils ont Ménandre maintenant.
    - En effet. Et ils ignorent sans doute ce qu'ils doivent en faire. J'espère simplement qu'ils n'auront pas assez d'intérêts en jeu pour l'abattre de sang-froid.


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  • 2217710942_b460884593.jpg

     

    Aucun mot ne parvient à franchir les lèvres d'Elland. Une accolade silencieuse, bien plus forte que les mots, scelle l'amitié de ces deux hommes. Jusqu'à ce qu'un toussotement les fasse s'écarter, honteux de cette profusion de sentiments. Ils se relèvent comme un seul homme et contemplent les lieux dévastés sans faire le moindre commentaire. L'un des hommes de main de Thémus se tient sur le seuil et leur annonce qu'ils sont prêts pour le départ.

    C'est un étrange groupe qui surgit du moulin, à la fois disparate et étrangement soudé par les récents évènements. Le gamin roux suit Elland à la trace, ne laissant jamais plus de deux mètres entre lui et le voleur. Aussi, lorsque la question des montures se pose, Elland propose tout naturellement de faire monter le gamin devant lui. Les anciens captifs restant insistent pour prendre les chevaux de bâts. Malgré la situation, Elland ne peut s'empêcher de sourire en imaginant le bedonnant guérisseur sur ces pauvres bêtes. Le convoi s'ébranle déjà et le voleur a bien du mal à saisir les paroles de son jeune passager. Son cœur s'est emballé, pourtant, alors il le fait répéter pour être sûr d'avoir bien compris :


    - Tu es un ami de Ménandre, c'est ça ?
    - Oui. Tu le connais ?
    - Un peu. On se croisait des fois quand il était dans la rue.
    - Et depuis qu'il n'y est plus, tu ne l'as jamais revu ?

    Un long silence suit cette question. Elland se penche pour ne pas rater une parole et voit distinctement les oreilles cramoisies de son passager. Il tente de rattraper le coup :

    - Ce n'est pas une...
    - C'est un secret. Il voulait pas que je le dise. Mais... le gros monsieur m'a dit qu'il avait disparu, alors ce n'est plus très important.
    - Le gros monsieur ?
    - Celui qui a soigné les filles.
    - Ah.
    - Ménandre, il est gentil.
    - Oui, je sais. C'est aussi pour ça que je veux le retrouver.
    - Il vient nous voir de temps en temps. Et il s'arrange toujours pour nous trouver les choses qu'on a besoin.
    - Comme quoi par exemple ?
    - A manger. Et des couvertures. Et pis des sous, des fois. Il dit que son patron lui en donne mais qu'il sait pas trop quoi en faire, alors il nous les donne.

    Un large sourire attendri se dessine sur le visage d'Elland quand il comprend soudain pourquoi la cuisinière est de si mauvaise humeur : elle a de quoi enrager, la pauvre, si Ménandre pique régulièrement à manger sans qu'elle puisse le coincer. Mais il revient bien vite au sujet qui le préoccupe :

    - Ménandre t'a parlé de soucis qu'il pouvait avoir ?
    - Comment ça ?
    - Est-ce qu'il aurait vu quelque chose qu'il n'aurait pas dû ? Est ce qu'il aurait pris quelque chose de gênant ?
    - Il ne m'a rien dit. Il pique plus rien depuis qu'il est à la taverne. Et pis, il connaît très bien les dangers de la rue. S'il voit quelque chose de pas normal, il tourne le dos et s'en va. C'est comme ça qu'on fait pour être tranquilles.
    - Il n'était pas suivi ? Il n'avait pas l'air inquiet ?
    - Suivi, non. Il faut beaucoup de détours pour trouver notre endroit. Et c'est surveillé par les petits.
    - Les petits ?

    Seul un haussement d'épaules répond à sa curiosité. Elland n'insiste pas, il a conscience d'entrer dans le monde très secret des enfants de la rue, qui doivent déployer des trésors d'ingéniosité pour survivre face aux multiples menaces qui les guettent tous les jours. En fait, il a même l'intime conviction que le gamin lui en a déjà trop dit. Pourtant, ce dernier poursuit :

    - Et il n'avait pas l'air inquiet. Pas pour lui, ni pour toi. Mais il nous parlait souvent d'une fille qu'il voulait retrouver.
    - Maelenn ?
    - Oui, c'est ça. Tu la connais ? Tu sais où elle est ?
    - Ni l'un ni l'autre. Nous étions justement en train de la chercher quand il a été enlevé.
    - Ben c'est peut-être la raison.
    - Peut-être. Mais pourquoi ils auraient pris tant de risques ?
    - Ça, je ne sais pas. Mais si tu veux, je peux me renseigner.
    - Non. Je ne veux pas qu'il t'arrive la même chose que Ménandre.
    - Ménandre est mon ami. C'est normal que je veux l'aider.
    - Oui. Mais ne prends pas de risque pour autant.
    - Je peux demander aux autres enfants s'ils ont vu quelque chose.
    - Très bien. Mais qu'ils n'essaient pas de mener l'enquête de leur côté. Je suis très sérieux. Aucune mise en danger, d'accord ?
    - D'accord. Et pour que je te donne les informations, il te suffira de trouver un enfant et de lui dire que tu me cherches.
    - Et tu t'appelles comment ?
    - Osvan.
    - C'est noté. Moi, c'est Elland.
    - Oui, je sais. Il nous parle de toi, des fois.
    - Vraiment ?
    - Oui.
    - Et il dit quoi ?
    - C'est un secret.

    Elland bougonne et marmonne entre ses dents, mais le gamin n'en dit pas plus. Et de toutes façons, les portes de la ville sont déjà proches. Le reste du trajet se fait donc dans un silence religieux. Puis ils rendent les montures aux loueurs, avant de se réunir non loin de l'entrée. Les hommes de Thémus sont chargés d'escorter les anciens captifs jusque dans leurs familles respectives. Osvan, lui, n'accepte aucune hospitalité, malgré les offres de Pèire et de Théoliste. Ils cheminent un moment dans les rues de Rivemorte avant que le gamin ne disparaisse soudainement, sans se faire remarquer, comme par enchantement.
    Le retour à la taverne se fait dans un silence glacial, chacun essayant de digérer la déception et de juguler son inquiétude concernant Ménandre.

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    Résumé :

     

    L'aventure commence il y a six mille ans...
    L'Esprit du Mal s'est emparé d'un ours. Seul Torak, douze ans, peut le défier. La prophétie est formelle : il est Celui-qui-écoute. Il doit trouver la Montagne de l'Esprit du Monde pour rétablir l'harmonie entre les hommes, la nature et les animaux. Accompagné d'un jeune loup qui lui ressemble comme un frère, Torak s'engage dans la Forêt Profonde. Alors commence un étonnant périple au cœur d'une nature magique, à la fois fascinante et hostile...

     

    J'ai aimé

     

    Mon avis :

     

    J'ai beaucoup aimé l'idée d'avoir comme contexte la préhistoire, et c'est pour cette raison principalement que je me suis laissée tenter par ce roman.

     

    La plume est très agréable, loin d'être simpliste comme on pourrait s'y attendre pour un roman jeunesse. De même, certains passages sont assez crus. Sans être difficiles à lire, ils prouvent tout de même que nous ne sommes pas au joyeux royaume des Bisounours.

    Car la vie est difficile à cette époque, loin de tout notre confort moderne. L'auteur a su parfaitement nous plonger dans ces temps obscurs, où les croyances règnent en maître et rythment la vie des personnages. J'ai été très touchée par le respect qu'éprouve Torak à l'égard de la forêt, et le simple fait qu'ils ne tuent que pour survivre, qu'ils ne gâchent rien sur un animal, me touche, même si c'est une idée qui revient assez régulièrement. Si seulement notre monde à nous pouvait être encore régit par ce genre d'idées...

     

    La plume de l'auteur est donc très agréable à lire et on suit avec plaisir les péripéties de nos héros. Loup est particulièrement attachant et j'ai adoré lire ses facéties.

    Je regrette juste certaines facilités dans le scénario : la quête semble presque trop facile. Par contre, le rapport entre Torak et les autres clans est très intéressant et bien plus prenant.

     

    J'ai passé d'excellents moments avec notre héros, et je lirai sans doute la suite, quand j'aurai réduit un peu l'imposante pile de livres qu'il me reste à lire ^^


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  • Fantasy 1229

     

    Le murmure chantant d'une rivière perce soudain le silence des sous-bois. L'odeur d'humus semble également plus forte. Les battements de cœur d'Elland s'emballent. Le bâtiment est tout proche désormais. Malgré le soleil resplendissant qui se faufile à travers les branches, Elland se sent oppressé par les lieux, comme s'ils étaient chargés de douleur.

    L'imposant bâtiment surgit soudain au détour du sentier. Le mur menaçant n'est percé que de quelques minuscules fenêtres et s'élève à hauteur des arbres. Le moulin enjambe la rivière, qui coule paresseusement entre les arches, témoin muet du trafic abrité entre les pierres. Le flanc nord du bâtiment est adossé contre une haute falaise. A l'est et à l'ouest, la rivière. La porte au sud est donc l'unique entrée. Tout semble calme, même les oiseaux ont l'audace de chanter joyeusement.
    Un grondement sourd s'échappe de la gorge du voleur à l'idée de découvrir le gamin enchaîné et maltraité dans ce bâtiment. Mais le désir de le retrouver est plus fort et ce n'est que la main massive de Thémus qui l'arrête alors qu'il s'apprêtait à donner, seul, l'assaut du moulin.

    Le colosse prend la direction de la petite troupe. Ses hommes tirent leurs longues épées hors de leurs fourreaux et se tiennent prêt à attaquer. Pèire, légèrement en arrière, se tient à côté du voleur et tout deux ont sorti leurs dagues. Théoliste reste plus loin, n'intervenant qu'au dernier moment, quand le danger sera écarté. Puis d'un geste assuré, Thémus ordonne l'attaque.

    Les esclavagistes ne s'attendaient pas à une attaque frontale. Ils ont l'habitude d'être extrêmement prudents en ville, car les miliciens et la population se méfient d'eux. Mais personne ne s'aventure jamais dans leur antre. C'est pourquoi ils se font surprendre dans la première salle, autour d'une table chargée de papiers, de bourses pleines et de chopes. Ils sont cependant prompts à réagir : ils se lèvent et dégainent leurs armes comme un seul homme. Le voleur les observe, toujours en retrait. Ils sont sept, habillés comme de riches marchands, et nul ne pourrait deviner en les voyant la nature véritable de leur commerce.

    Puis tout se passe très vite. Les hommes de Thémus n'hésitent pas un seul instant et les épées s'élancent vers les hommes, aussitôt parées. Thémus et Pèire s'engagent à leur tout dans la bataille, lançant un cri de guerre effrayant.
    Malgré son envie d'en découdre, Elland reste légèrement en retrait : la bataille fait rage et les épées s'entrechoquent avec violence. Se jeter dans la mêlée, c'est prendre le risque de blesser l'un de ses alliés. Il surveille les opposants, essayant de déterminer qui pourrait avoir besoin d'une aide providentielle. Et il enrage de ne rien pouvoir faire d'autre. C'est Thémus qui, parvenant à se débarrasser d'un adversaire, jette un regard au voleur avant de lui ordonner :


    - Fouille le bâtiment et trouve leurs complices !

    Sonné par la profusion de cris et l'odeur du sang, Elland se contente d'acquiescer avant de s'exécuter. Alors qu'il allait quitter la salle, il sent une présence sur ses talons. Théoliste. Un simple hochement de tête suffit : ils exploreront le bâtiment à deux.
    Laissant derrière eux le tumulte de la bagarre, ils s'aventurent entre les murs clairs et frais du moulin. Les nombreuses pièces qu'ils visitent sont vides d'hommes, mais souvent remplies d'objets divers, dont une lourde barre en bois, qu'Elland récupère, au cas où. Ce n'est qu'en parvenant, avec mille précautions, au premier étage qu'ils entendent des voix. Avec toute la discrétion dont il est capable, Elland jette un regard et découvre deux hommes, assis autour d'une petite table, occupés à jouer aux dés. Deux charognes qu'il se fera un plaisir de mettre hors combat. Faisant signe au guérisseur de rester en arrière, il se glisse le long du mur, dans le dos des joueurs.

    Le temps que l'homme en face de lui réalise l'intrusion, Elland a déjà assené un coup sec sur la nuque du premier esclavagiste, grâce à la barre en bois. Poussant un cri de rage, le second se jette sur lui. Mais le voleur l'attend de pied ferme, et tout en lui n'est plus que rage glaciale. Ses mouvements sont précis, imparables. Son arme s'abat à nouveau, laissant un second corps inanimé sur le plancher. Ils ne représenteront plus de danger avant un bon moment. Alors seulement, Théoliste s'approche lentement, et tâte le cou des deux hommes. Un léger signe de la tête lui indique qu'ils sont toujours en vie, simplement assommés. L'exploration peut se poursuivre.
    La main compatissante du guérisseur se pose sur l'épaule d'Elland, exprimant à la fois le respect et les remerciements. Un hochement de tête sévère lui répond : le voleur n'a qu'une seule idée en tête, retrouver le gamin et regagner Rivemorte. Alors, sans s'attarder davantage près des deux hommes, ils poursuivent leur avancée.

    Les joueurs de dés surveillaient une pièce toute proche, fermée par d'épais barreaux. Un visage hagard, au regard curieux, apparaît soudain dans l'obscurité qui règne dans cette salle sans fenêtre. C'est Théoliste qui, d'une voix douce, rassure les occupants en leur annonçant qu'ils viennent les délivrer. Elland, pendant ce temps, retourne vers les corps inanimés pour trouver les clefs de la serrure. Elles pendent à la ceinture du second homme, oscillant encore de ses derniers mouvements. Hébété, Elland se demande comment il a pu ne pas les voir, ne pas savoir qu'il en aurait besoin.

    Mais cette fois encore, c'est l'idée que Ménandre est peut-être derrière la grille qui le fait réagir, aussi prend-il rapidement le trousseau et s'approche vivement de la pièce. Il ne lui faut qu'une poignée de secondes pour trouver la bonne clef et faire grincer sur ses gonds la lourde grille. Le visage entraperçu quelques minutes plus tôt appartient à un homme dans la force de l'âge, amaigri et visiblement épuisé. Il dévisage longuement Elland et Théoliste, avant de se répandre en remerciements. Puis c'est une jeune femme qui surgit de l'obscurité, accompagnée d'une autre, légèrement plus jeune, et qui lui ressemble énormément. Lorsque les deux soeurs sont sorties, un autre homme émerge, tenant par la main un enfant d'une dizaine d'années. Lorsqu'ils sont tous dans le couloir, Elland se tourne vers la cellule obscure, espérant voir d'autres personnes sortir. Mais plus personne ne sort. La cellule est vide désormais.. Ménandre n'est pas ici.

    Théoliste conduit la petite troupe jusqu'à une pièce plus éclairée et les fait asseoir. Il sort de sa besace ses onguents et autres remèdes mystérieux, tandis qu'Elland part à la recherche d'eau, toujours armé. Il a besoin de solitude pour digérer sa déception, de temps pour accepter le fait que l'espoir de retrouver le gamin ici et maintenant n'était qu'illusion. Il a besoin de temps pour réaliser que la traque continue, que les heures défilent, rendant la situation du gamin de plus en plus précaire. Il trouve des tonneaux d'eau dans une pièce attenante, ainsi qu'une généreuse quantité de nourriture. Prenant autant de victuailles que ses deux bras peuvent en porter, il regagne la salle, le visage inexpressif.

    Le guérisseur s'affaire à étaler l'onguent sur les meurtrissures des deux soeurs. Les autres patientent en silence, comme hébétés. Ils ne manifestent qu'un peu d'intérêt lorsque le voleur leur distribue des rations d'eau et de nourriture. Ce dernier ne peut s'empêcher de détailler du regard ces hommes et ces femmes victimes des esclavagistes, s'interrogeant sur leur histoire, les circonstances de leurs captures.

    Mais la lourdeur d'un regard, qui suit chacun de ses gestes, le fait revenir à la réalité. C'est le gamin, dernier sorti de la cellule, qui l'observe ainsi. Son visage grave, à la peau si blanche qu'elle en est presque transparente, est constellé de tâches de rousseurs. Ses cheveux de feu pendent en mèches désordonnées autour de sa bouille ronde. Et ses yeux, d'un vert éclatant, légèrement globuleux, le fixent constamment.

    Intrigué, Elland s'approche doucement de lui pour ne pas l'effrayer, et s'accroupit à sa hauteur. L'homme qui le tenait par la main s'est totalement désintéressé de lui maintenant qu'il a à manger et que le danger s'est éloigné. Mais alors qu'Elland allait demander au gamin la raison de cette observation, le plancher se met à vibrer soudainement, annonçant l'arrivée de nombreuses personnes.

    La large silhouette de Thémus envahit le seuil de la porte, faisant vivement reculer le gamin, qui se tasse sur lui-même. Le colosse est couvert de sang et son visage fermé et menaçant exprime encore la rage de la bataille. De sa voix grave, il demande :


    - L'ensemble du bâtiment a été fouillé ?
    - Oui. Les deux hommes qui les surveillaient sont dans le couloir. Tous les captifs sont dans cette salle. Ménandre n'est pas ici.

    Théoliste s'approche des combattants, comme si la conversation ne le concernait pas, se limitant au rôle de guérisseur qu'il s'est fixé. Un cri inhumain résonne dans le couloir, les faisant tous sursauter. Un signe de la tête de Thémus ordonne à Elland d'aller rejoindre Pèire, qui vient de hurler sa frustration. Et à en croire les bruits venant de la pièce attenante, le tavernier se défoule sur tous les objets qui lui tombent sous la main. Avec diligence, le voleur s'exécute.
    Précautionneusement, le voleur s'avance lentement dans la pièce mise à mal par la fureur de Pèire. D'une voix douce, il l'appelle, mais rien ne semble atteindre sa rage destructrice.
    Esquivant les objets volants, Elland se résout à attendre qu'il se calme, ce qui arrive après de longues minutes. Et cet homme si fort, si imperturbable, s'écroule à genoux sur le plancher et pousse un gémissement plaintif, qui bouleverse Elland. Faisant preuve d'un tact surprenant, gêné, Elland s'accroupit à ses côtés mais demeure silencieux. Ses mots sonneraient creux, il en a conscience. Le silence s'est déposé sur le moulin, comme si les vieux murs retenaient leur souffle. Et la voix brisée par l'émotion, Pèire psalmodie :

    - Personne n'a le droit de toucher à mes protégés. Personne n'a le droit. Pourquoi en veulent-ils au gamin ?

    Se mordillant la lèvre inférieure, Elland cherche vainement la phrase qui soulagerait la peine du tavernier. Mais rien ne vient. Pèire n'attend visiblement aucune réponse, puisqu'il poursuit :

    - J'attaquerais le Palais du Gouverneur si j'étais sûr d'y trouver Ménandre. Je l'ai sorti de la rue, ce n'est pas pour le laisser mourir entre les mains de son ravisseur. Je tuerai autant d'hommes qu'il le faut pour préserver ce qu'il lui reste d'innocence.
    - Je serai à tes côtés, Pèire. Je t'aiderai, jusqu'à ce qu'on le retrouve.

    Le tavernier se redresse et plonge son regard voilé de tristesse dans celui du voleur. Un rictus déforme son visage, tandis qu'un sentiment étrange luit dans ses yeux. De la tendresse ? Dans un murmure, Pèire lui confie :

    - Toi aussi, tu es mon protégé.


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    Théoliste pousse la porte de la taverne alors que la Grand Tour Célestis annonce les dix heures. L'heure n'est plus à la gêne, et l'épisode de la nuit est quasiment oublié. Leur seul et unique but est de retrouver Ménandre. Quatre hommes de Thémus arrivent également, et Elland ne peut s'empêcher de frissonner. Ils sont massifs, à la mine peu engageante. Leurs bras semblent aussi épais que la cuisse d'Elland, et les longs fourreaux qui claquent contre leurs jambes n'incitent pas à la confiance aveugle. A vrai dire, il est plutôt rassuré de savoir que ces hommes sont de son côté et non des ennemis. Pèire lance le départ, après avoir rapidement expliqué la situation ainsi que leurs déductions. Et même s'ils espèrent tous retrouver le gamin là-bas, ils gardent l'espoir que le destin a lui a épargné ce sort funeste.

    Sans plus discuter, ils traversent la ville jusqu'à la porte nord. Un mendiant, adossé contre un mur, leur adresse un signe discret : la surveillance ne s'est pas relâchée. Les gardes ne leur posent aucune question, malgré le groupe important qu'ils forment, l'absence de bagages, les mines patibulaires et les armes visibles. Soit Pèire a le bras vraiment très long, soit les gardes laissent à désirer. Mais le voleur ne va pas se plaindre et se garde bien de faire la moindre remarque.
    Le long des murs d'enceinte se tiennent de nombreuses écuries, qui louent montures et chevaux de bât aux voyageurs. C'est Thémus qui se charge des négociations, et il ne leur faut que quelques minutes pour obtenir ce dont ils ont besoin : huit puissants chevaux, qui pourront les conduire rapidement jusqu'au Moulin.

    Quelques prés encerclent la ville, savamment positionnés pour éviter toute attaque surprise, bien que la guerre ne se soit plus présentée aux portes de la ville depuis des dizaines d'années. Au delà, d'immenses étendues boisées s'étalent à perte de vue. Ils ont tôt fait de chevaucher sous le couvert des arbres, où les rayons du soleil estival percent difficilement, leur apportant un peu de fraîcheur. Théoliste et Pèire sont en tête et discutent à voix basse. Les quatre hommes de Thémus ferment la marche dans un silence menaçant. Elland, à côté du cordonnier, lui fait part de ses interrogations :


    -J'ai bien réfléchit, cette nuit. Je me doute que tu dois avoir beaucoup d'ennemis...

    Laissant sa phrase en suspens, Elland espère obtenir une réponse de Thémus. Mais le colosse se contente d'un grognement, peu enclin à s'aventurer sur le sujet de son véritable rôle dans la pègre de Rivemorte. Alors, haussant les épaules, Elland poursuit :

    - Est-ce que l'un d'eux pourrait s'en prendre à Ménandre pour te faire chanter ?

    Les moustaches de Thémus frémissent, et un grondement sourd se fait entendre. Puis, à mi-voix, il répond :

    - Oui, j'y ai pensé. Ce n'est un secret pour personne que j'apprécie le gamin. Si mes ennemis voulaient m'atteindre, ils pourraient s'en prendre à lui. Comme ils pourraient s'en prendre à des dizaines de personnes. Mais ils savent également que ce genre de pratique ne fonctionne pas avec moi. Le dernier qui a tenté a assisté à la mort de ses complices, de ses amis et de sa famille avant d'être tué.

    Le silence semble soudain s'abattre sur la forêt et un long frisson parcourt l'échine d'Elland. S'il avait encore quelques doutes quant à sa puissance, ces méthodes pour le moins radicales les balayent. Déglutissant bruyamment, Elland se contente d'un hochement de tête pour signifier qu'il a bien compris. Alors, dans un sourire proprement effrayant, Thémus reprend :

    - Mais j'ai tout de même rendu visite à quelques personnes cette nuit. Aucun n'est lié à l'enlèvement de Ménandre, c'est une certitude. J'aurais préféré, pourtant.
    - Oui... au moins, on aurait une idée de l'endroit où il se trouve, et on pourrait agir efficacement.
    - Tu ne dois pas te sentir coupable, Elland. Tu t'en es bien sorti et tu as fait tout ce que tu as pu. On va le retrouver.

    Le voleur hoche doucement la tête, soudain muet. Thémus a mis le doigt sur une idée fixe qui ne le quitte plus depuis l'attaque de la ruelle. Mais de telles paroles ne peuvent effacer ni les regrets ni les remords.

     

     

    N.B. L'illustration est l'oeuvre de Damian Bajowski. Une galerie de ses oeuvres est présente ici  : link


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    Résumé :

     

    Anna est un loup-garou.
    Elle découvre un nouveau sens à son existence quand le fils du chef des siens débarque en ville pour réprimer les troubles au sein de la meute de Chicago et qu'il insuffle à Anna un courage qu'elle n'avait encore jamais ressenti

     

    Perplexe

     

    Mon avis :

     

    J'aime beaucoup l'univers créé par Patricia Briggs et je n'ai pas hésité longtemps avant de me procurer et de lire ce ''tome 0''.

     

    Le moins qu'on puisse dire, c'est que Milady a tout fait pour rendre ce tome 0 aussi étoffé que possible : pages épaisses, police de caractère énorme. Mais on peine à atteindre les 120 pages.

     

    Nous assistons donc à la rencontre en Charles et Anna, lorsqu'il vient pour mener l'enquête dans la meute de la louve. Les inter-relations entre les personnages sont très intéressantes, même si elles semblent rapides. Pendant ce tête à tête de deux jours, ils vont apprendre à se connaître, à se plaire. A vrai dire, l'enquête sur les agissements de la meute est presque reléguée au second plan, mais révèle quand même quelques surprises.

     

    La plume de Patricia Briggs est toujours aussi agréable à suivre, toujours aussi plaisante. Mais ce tome 0 me laisse un arrière-goût amer dans la bouche.

    Au delà de l'aspect purement marketing et commercial (et ça fonctionne, puisque je l'ai acheté), j'ai un peu l'impression de m'être fait avoir. Car l'histoire qu'elle nous raconte, elle en avait tracé les grandes lignes dans le tome 1.

    Alors pourquoi ne pas avoir fait un vrai roman à partir de cette rencontre ? Pourquoi ne pas se contenter d'un tome 1 plus étoffé, plus complet sur cette rencontre ? Pourquoi avoir voulu passer si rapidement ce moment clef dans le premier tome, et nous sortir cet ersatz de nouvelle, trop vite pliée, trop peu consistante ? Tant qu'à avoir deux tomes, autant qu'ils soient plus équilibrés.

     

    Mais quoiqu'il en soit, je l'ai lu dans la journée, et j'aime toujours autant l'univers et l'écriture. Sentiment mitigé, donc. Mais je me connais, je lirai la suite quand elle sortira


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