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Résumé :
A peine débarquée sur Pointe-de-Gorth, domicile des pires criminels de l'archipel des îles Glorieuses, Braise Sangmêlé se rend compte que quelque chose ne tourne pas rond : son enquête - mettre la main sur une drôlesse réfractaire au mariage - se heurte au mutisme des matelots, et une odeur inquiétante de magie carmine semble s'attacher au moindre de ses pas.
Car, en plus d'être une combattante hors pair, Braise possède le don de Clairvoyance qui lui permet de voir la magie à l'oeuvre. Quoique très utile, ce talent fait d'elle une cible de choix pour les sorciers de tout poil qui n'apprécient guère qu'on se mêle de leurs projets. Autrement dit, Braise s'est encore mise dans de sales draps...Mon avis :
J'ai beaucoup aimé l'idée que ce roman ait pour personnage principal une femme. Une femme à la fois forte et fragile, qui s'assume en tant que tel mais qui ne court pas spécialement après les hommes.
Les premières lignes m'ont légèrement fait tiquer : en guise de récit, il s'agit surtout d'un témoignage, que raconte Brise des années après. Nous avons la correspondance d'un homme pour son oncle, qui met en doute les paroles de Brise. Et pendant les premières pages, lorsqu'elle raconte, elle le prend à témoin (et nous aussi, par la même occasion). Or c'est une chose que je n'aime pas du tout dans les récits, pour la simple raison que j'aime plonger dans un univers sans que l'auteur ne m'interpèle, moi, la lectrice. Mais fort heureusement, ces « vous » ne durent que quelques lignes, et nous sommes tout de suite plongés dans le récit.
Le monde est complexe, les îles offrent une multitude de possibilités que l'auteur n'a pas dédaigné. L'histoire se passe sur Pointe-de-Gorth, une île dure et âpre, à l'image des hommes qui la peuplent. Et de là, un panel de personnages va se dessiner, s'affronter, se dévoiler.
Si l'auteur nous surprend parfois, il arrive également qu'on devine, à travers les indices qu'elle sème, certains fils de l'intrigue.
La plume est très agréable à lire, assez prenante et rend les personnages attachants. Et la lecture a été à l'image de cette écriture : plaisante. Sans être non plus parfaitement époustouflante, elle m'a fait passer un bon moment. C'est tout ce que je demande !
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Les jambes d'Elland vacillent, et il manque de défaillir. Son cœur a raté un battement. Il tarde à reprendre son rythme habituel. Pèire, prévenant, tire une chaise jusqu'à lui. Il se laisse tomber sur le siège et demande d'une voix blanche :
- Le gamin ?
- Non.
Et soudain, la douleur qui lui broyait le ventre et qui l'empêchait de respirer disparaît, comme par enchantement. Il ne peut retenir un soupir de soulagement, qui attire un regard furieux de Thémus. Pèire s'assoit à son retour et demande plus d'explications.
- Mon espion n'est pas revenu. Au petit matin, l'un de mes informateurs m'a annoncé qu'il a été découvert mort.
- Que s'est-il passé ?
- Je n'arrive pas à le savoir. Personne n'a rien vu. Personne n'a rien entendu.
- Il aurait été attaqué en revenant ?
- Je n'y crois pas une seconde. Il porte sur lui la marque des délateurs. Il a dû se faire surprendre.
Elland, bien qu'encore sonné par l'angoisse qui s'est emparée de lui quelques minutes plus tôt, frissonne longuement. Ces caractères, gravés dans la chair, désignent, aux yeux des vivants comme des morts, la victime comme étant un sinistre personnage, à la langue trop pendue et à la curiosité malsaine. Pèire, connaissant lui aussi la signification de cette marque, demande :
- Et ils l'ont tué parce qu'il s'est introduit chez Guevois ?
- Ils l'ont tué pour nous prévenir. Pour nous envoyer un message. Ils ne veulent pas nous voir fouiner dans leurs affaires et nous le font comprendre.
Le voleur déglutit bruyamment. Pèire pousse un long soupir. Ils ont envoyé un homme à une mort atroce. Tanorède Guevois, ou quiconque se trouve derrière se meurtre, est prêt à commettre un crime uniquement dans le but de faire cesser leur enquête. Et Ménandre est entre ses mains !
Puis c'est Théoliste qui arrive, les interrompant. En voyant les mines sombres de ses amis, il comprend aussitôt que quelque chose ne va pas, et range dans sa besace la jolie brioche qu'il tenait dans les mains. Thémus, en quelques mots, lui résume la situation. Et le guérisseur d'opiner du bonnet :
- Le cadavre dans l'impasse, oui. Les gardes sont en alerte maximale.
Dans le cerveau d'Elland, les rouages se mettent en marche. Lentement mais sûrement. Le cadavre. Dans l'impasse. Il jette un rapide regard à Pèire avant de s'exclamer d'une voix fébrile :
- J'étais là quand ils ont mis le corps dans l'impasse.
- Tu les as vu ?
- Oui.
- Tu pourrais les reconnaître ?
- Je ne pense pas. Il faisait sombre, ils avaient le visage masqué par des chapeaux.
- Tu as remarqué un signe particulier ?
- Pas vraiment non. Mais j'ai vu où ils se rendaient ensuite.
Le regard de Thémus s'est animé d'une lueur fiévreuse. Avec avidité, il lui demande de décrire précisément l'endroit, prêt à laver l'affront par le sang de ces hommes. Elland tente, tant bien que mal, d'expliquer le chemin qu'ils ont pris. Mais c'est tellement différent de celui qu'ils ont pris avec Echidna ! C'est Pèire qui propose qu'ils y aillent tous les quatre ensemble : ils ne savent pas à combien d'ennemis ils ont affaire. Théoliste, lui, plonge de temps à autre la main dans sa besace et grignote discrètement la brioche. C'est lui qui émet quelques réserves :
- Les patrouilles sont nombreuses en ville. J'ai entendu dire qu'entre les corps des hommes de main que tu as tué, Elland, ceux du couple et celui trouvé dans l'impasse, ils veulent à tout prix trouver des coupables. Les gens ont peur, d'autant plus que la rumeur court que l'assassinat du couple est un crime crapuleux.
- Pourtant, rien n'avait été volé !
- Quand on est arrivé, oui.
Gêné, Elland baisse la tête et fixe ses pieds avec attention. Effectivement, vu comme ça. Mais bon... ça ne change rien au fait qu'ils soient morts, les deux. Thémus poursuit, semblant ignorer le malaise du voleur :
- Ils n'ont aucune piste pour le moment. Mais tu as raison, nous devrons nous montrer prudents. Le moindre comportement suspect pourrait attirer leur attention.
- Mais si on y va dans la soirée, ce sera encore plus suspect.
Le silence envahit à nouveau l'espace. Théoliste lorgne sur la bouteille à demie vide qui trône sur la table. Thémus, s'en apercevant, leur sert un verre. Et tandis qu'ils sirotent l'hydromel, Pèire annonce :
- Nous pourrions faire le chemin séparément. Nous donner rendez-vous sur une place. Puis Elland rejoindra l'immeuble et l'un de nous le suivra de loin. Le troisième suivra de loin le second et ainsi de suite.
- Et tu n'as pas peur que ce soit encore plus suspect ? Demande Théoliste.
- On fera en sorte que non.
- Alors rendez-vous sur la place du marché. Il y a beaucoup d'affluence là-bas.
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Résumé :
Kyoto, 1490.
Dans une cité impériale qui n'en finit plus de panser les plaies des guerres qui l'ont dévastée quinze ans auparavant, l'enquêteur Ryôsaku se lance aux trousses du plus terrifiant et mystérieux des criminels. Kaoru, Keiji et Sozô, les trois adolescents qui lui ont été imposés comme assistants, ne sont plus des débutants. Dans l'atmosphère humide et moite de l'été, entre temples bouddhistes, sanctuaires shintô et théâtre nô, Ryôsaku et ses trois jeunes assistants vont devoir unir leurs forces pour vaincre ce shogun de l'ombre qui semble, lui, disposer de l'aide des esprits...Mon avis :
J'avais été complètement séduite par le premier tome et j'étais restée sur ma faim. J'attendais donc cette suite avec impatience. Et je ne suis absolument pas déçue.
On retrouve avec joie les personnages qui ont donné tant d'âme au premier tome. Ils s'étoffent et gagnent en maturité. Si les pitreries de certains demeurent, elles sont plus rares, plus dosées, mais toujours bienvenues.
Les personnages sont devenus plus sombres, on sent que leur passé les rattrape et qu'ils commencent à agir de leur propre chef.
De même, l'intrigue principale est plus sombre, plus mystérieuse. Les évènements sont amenés avec énormément de savoir-faire, on dévore les lignes pour en savoir plus, pour comprendre ce qu'il se passe. Comme dans le premier tome, la résolution de l'enquête ne se fait pas sans heurts, mais toujours avec beaucoup de sensibilité.
On retrouve également la plume de l'auteur, toujours aussi belle et lyrique, pour un voyage inoubliable dans ce Japon médiéval.
Difficile d'en dire plus sans spoiler. Aussi me contenterai-je du principal : j'ai passé un excellent moment, et je vous le recommande chaudement.
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Résumé :
Neuf d'entre nous sont venus sur Terre.
Notre but était de grandir, de nous entraîner et de nous réunir pour ne faire plus qu'un afin de les combattre. Mais ils nous ont trouvés et nous ont pris en chasse les premiers. À présent, nous sommes tous en fuite. Nous nous cachons en permanence, pour que personne ne nous repère. Nous vivons parmi vous sans que vous vous en rendiez compte. Mais eux le savent. Ils ont attrapé Numéro Un en Malaisie. Numéro Deux en Angleterre. Et Numéro Trois au Kenya. Ils les ont tous tués.Je suis Numéro Quatre. Le prochain sur la liste.
Mon avis :
J'ai été séduite par la couverture, le résumé qui semblait plutôt prometteur et original. Et au final, je suis plutôt mitigée.
L'intrigue en elle-même est plutôt originale : ayant fuit sa planète d'origine, le héros tente de se construire une vie normale. Jusqu'à ce qu'il apprenne qu'il est le prochain sur la liste. Le résumé promettait un roman haletant, plein de suspens. Promesse tenue.
J'ai aimé l'histoire, donc, même si je déplore que la première fille qu'il rencontre soit la bonne, celle qui fait chavirer son cœur et … sortez les violons, quoi. De même, le méchant du lycée, forcément, qui va l'empêcher de passer incognito, parce qu'il le provoque. Et le binoclard du lycée, paria parce qu'il a des passe-temps si différents des autres lycéens.
La plume est agréable à lire, mais j'ai trouvé que le roman s’essoufflait un peu sur la dernière partie. Et j'ai trouvé que la construction manquait, elle, d'originalité. Le héros, parfaitement conscient qu'il ne doit pas se faire remarquer, qui, dès le premier jour, se bat avec le gros dur du lycée et devient le point d'attraction de tous. Le héros prêt à saborder sa couverture pour la fille qu'il aime. Prêt à tout expliquer au binoclard parce que bon, de toute façon, il est tellement space que personne ne le croira. Bref, si l'intrigue générale pouvait être intéressante, le déroulement en lui-même a un air de déjà-vu un peu trop prononcé.
Une lecture distrayante, relativement prenante, mais qui n'est pas non plus inoubliable. Même si j'ai pu comprendre certaines motivations du héros, je n'ai jamais réellement eu peur pour lui, je n'ai jamais réellement frémit. Un peu trop convenu, là encore. Dommage.
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Novossibirsk, avril 1938
Les branches cinglent son visage et ses bottes usées martèlent le sol gelé. Dans son esprit tourne en boucle l'ultime injonction : Fuis !
Sa poitrine est depuis longtemps devenue un brasier incandescent. Chacun de ses muscles hurle de douleur à chaque enjambée. Mais Mikhail fuit. Il ne se retourne pas, ne veut pas savoir à quel point ses poursuivants sont proches. Il court toujours, éperdument, désespérément.
Fuis ! Dans ce cri, terreur et désespoir se mêlaient. Les hommes du NKVD, la police secrète, les cernaient. Ils avaient été surpris dans une situation pour le moins compromettante. Nier était inutile. Seraient-ils torturés pour donner le nom de leurs semblables ?
Son pied bute sur une racine, et il s'étale de tout son long, déchirant par la même occasion son pantalon en toile usé. C'est la panique qui lui permet de se relever et de reprendre sa course folle. Dmitri s'est sacrifié pour lui laisser de temps de s'échapper, il n'a pas le droit d'échouer.
Il l'avait rencontré dans un café. Leurs regards s'étaient croisés, et le temps s'était figé autour d'eux. Pour ne pas éveiller les soupçons, Mikail avait rompu le contact visuel et était allé s'assoir comme si de rien n'était. Les yeux bleus saisissants de cet homme, ses mèches folles aussi blondes qu'un champ de blé, son visage carré : tout s'était gravé irrémédiablement dans sa mémoire.
Les cris des chiens lancés à sa poursuite envahissent les sous-bois. Ses foulées se font plus rapides. Le froid mordant ne le glace même plus. Il doit s'en sortir. Mais il est à bout de forces et il sait pertinemment qu'il ne tiendra plus longtemps. Son cœur bat follement dans sa poitrine. Il garde les yeux fixés droit devant lui, droit devant ce qu'il espère être son salut. Sa liberté. Sa survie.
Après sa journée de labeur à l'usine métallurgique, quand le besoin de contact devenait irrépressible, il allait à la ville. Un parapluie sous le bras, il traquait du regard d'autres hommes affublés du même accessoire. Un regard appuyé, et ils se suivaient dans un endroit isolé. Toujours un lieu lugubre, inutilisé. Ils ne restaient que le temps de partager caresses et baisers. Puis ils se séparaient comme si de rien n'était, frustrés par cette relation fugitive et interdite.
Le sol se dérobe soudain sous ses pieds. La chute lui paraît interminable. En une fraction de seconde, il comprend : l'escarpement qu'il pensait anodin, masque une rivière en crue. Le choc avec l'eau glaciale lui coupe le souffle. Fébrile, il bat des jambes et des bras pour retrouver la surface. Une goulée d'air polaire le fait hoqueter. Paniqué, il se débat et réussi à garder la tête hors de l'eau. Mais ses forces l'abandonnent. La fonte des neiges a grossi la rivière, et le courant est bien trop puissant pour qu'il puisse regagner le rivage. Pour préserver ses forces, il se met sur le dos, espérant que le courant l'entraîne jusqu'à la berge.
Et puis, un soir de novembre, il avait croisé Dmitri, un parapluie sous le bras. Ils s'étaient cachés dans une gare désaffectée et s'étaient aimés à l'abri des regards. Leur étreinte avait été si bouleversante qu'ils avaient rompu le secret et s'étaient présentés. Les mains douces de son amant caressait ses cheveux presque ras, et pour la première de sa vie, le nez dans le cou de son amant, Mikail murmura des mots d'amour.
L'eau glaciale rend insensible ses jambes et ses bras. C'est avec le même détachement qu'il analyse sa situation. Il est un ennemi du peuple et il en est conscient. Sa sexualité n'engendrera jamais le moindre enfant : il est contre-productif. Il est coupable du crime de perversion fasciste et sera envoyé aux camps du Goulag, d'où personne ne revient.
Il a pourtant essayé de toutes ses forces d'être normal. Il s'est marié, même, il y a deux ans, alors qu'il venait tout juste de fêter ses vingt ans. C'est une gentille fille, douce et jolie. Mais il ne ressent rien pour elle. Il a lutté, avec l'énergie du désespoir, contre ces penchants contre-nature. Aussi vainement que sa lutte actuelle pour survivre.
Ils se sont aimés avec la folie du désespoir, conscients que chaque instant ensemble pouvait être le dernier. Ils se sont retrouvés, de plus en plus souvent, incapables de passer de l'autre. Et par amour, Dmitri lui a laissé le temps de fuir, mettant sa propre vie entre les mains du NKVD. Puisse-t-il avoir une mort rapide.
Son corps entre en contact avec la glace qui recouvre la rive. Il doit sortir de l'eau, se mettre à l'abri. Il n'arrive plus à se relever, ne ressent plus aucun de ses membres. Il doit se sécher, se réchauffer, sous peine de mourir de froid. Mais après tout, peut-être est-ce un sort enviable. La mort ici et maintenant, plutôt que dans l'enfer des camps... Il retrouverait Dmitri dans la mort, et ils resteraient ensemble sans se cacher, sans avoir peur. Et c'est le sourire aux lèvres, empli d'espoir, qu'il se laisse glisser dans l'inconscience.
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