• Les-morsures-de-l-ombre.gif

     

     

    Résumé :

     

    Elle est belle, attirante, disponible.
    Il n'a pas hésité à la suivre pour prendre un dernier verre. A présent il est seul, dans une cave, enfermé dans une cage. Isolé. Sa seule compagnie ? Sa séductrice et son bourreau. Et elle a décidé de faire durer son plaisir très longtemps. De le faire souffrir lentement. Pourquoi lui ? Dans ce bras de fer rien n'est dû au hasard. Et la frontière entre tortionnaire et victime est bien mince...

     

    Coup de coeur

     

    Mon avis :

     

    J'ai découvert de roman dans un petit prospectus sur les polars à ne pas rater. Comme si j'avais besoin de tentation supplémentaire. Donc, comme d'hab', je cède.

     

    Et là, la seule chose qui me vient à l'esprit, c'est waouh.

     

    Une claque magistrale. Je crois que ça faisait bien longtemps que je n'avais pas été autant emportée par un bouquin.

     

    Les phrases sont courtes, percutantes. Il y a des descriptions, juste ce qu'il faut pour qu'on se plonge dans l'univers sans pour autant casser le rythme. Une plume percutante, donc, pour dévoiler des personnages tout en finesse.

     

    J'ai beaucoup aimé cet aspect des choses.

    Lui, c'est Benoit Lorand, commandant de police. Doué, sûr de lui, beau gosse. Mais il ne faut que quelques pages pour que cette image s'effrite. On en apprend beaucoup sur lui, ses petits secrets de polichinelle, ses dons de menteur. Au point qu'on finit par douter, quand la raison de sa captivité nous apparaît enfin. Et si … ?

     

    Elle, c'est Lydia. Magnifique jeune femme. Complètement tarée. Mais qui souffre au delà de ce que les mots peuvent exprimer. Comme le laisse deviner le résumé.

    Et au final, quasiment tous les personnages portent cette marque. Une apparence finalement normale, banale, mais qui cache des zones d'ombres.

     

    Puis, avec ces personnages, se déroule l'intrigue. Autant le dire, dès les premières pages, on est happé par cette lutte sans merci que se livrent les deux ennemis. Et Benoit, malgré ses défauts, on veut qu'il s'en sorte. Qu'il retrouve sa femme qu'il aime tant. On veut comprendre comment il s'est retrouvé dans cette situation. Alors on ne lâche plus le livre.

     

    Si certains points de l'histoire apparaissent assez rapidement comme évidents, les autres le sont bien moins. Les éléments s'imbriquent, implacables. Et on tourne les pages, pour que le cauchemar s'arrête. Jusqu'à la claque finale.

     

    Waouh.


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  • Les-vacances-d-un-serial-killer.gif

     

    Résumé :

     

    Comme chaque été, Alfonse Destrooper part en villégiature à la mer du Nord.
    Josette, sa femme, est bien décidée à se la couler douce, entre farniente à la plage et shopping dans la station balnéaire. Les enfants, Steven et Lourdes, emportent leur caméra pour immortaliser ces vacances tant attendues. Quant à la mémé, véritable Calamiry Jane, elle les accompagne dans sa vieille caravane. Mais le voyage commence mal ! Un motard pique le sac de Josette à un carrefour et s'enfuit.
    Furieux, Alfonse s'arrête dans un snack pour s'enfiler une bière pendant que les deux ados, avec leur manie de tout filmer. s'amusent à planquer leur caméra dans les toilettes, histoire de recueillir quelques images truculentes. La famille Destrooper reprend finalement la route. À l'arrière de la voiture, les ados visionnent tranquillement leur vidéo. Quand, soudain, ils découvrent à l'écran le cadavre du motard gisant sur le sol des toilettes du restoroute ! Et, pour couronner le tout, la magnifique pension dans laquelle les Destrooper ont prévu de séjourner est un rade pourri.

     

    Perplexe

     

    Mon avis :

     

    Tous les avis que j'avais entendu à propos de ce bouquin parlaient d'humour désopilant, de comédie noire. Et comme je devais lire un livre, j'ai choisi celui-là.

     

    Il se lit très facilement, l'auteur a une plume efficace et les rebondissements s'enchaînent sans répit. C'est effectivement complètement déjanté, entre la mamie, myope mais liseuse de bonne aventure, Alfonse, le roi de la boulette sauce lapin, sa femme et son chapeau-lampadaire, et leurs gamins.

    Les mots sont crus, le registre très familier, ce qui nous plonge encore plus dans l'ambiance... même si ce n'est pas ce que je préfère. Très peu de descriptions, juste le strict nécessaire.

     

    Ils se retrouvent dans des situations pour le moins improbables, et les évènements s'enchaînent, tandis qu'ils tentent de s'y adapter.

     

    Mais à vrai dire, au final, j'ai trouvé ce livre triste. Peut-être parce que je n'ai pas réussi à me délecter des déboires de cette famille de beaufs. Parce qu'ils le sont, incontestablement : Alfonse, et sa voiture, à laquelle il tient plus que sa femme, avec ses sièges imitation léopard et le volant en peau de zèbre. Et les grands classiques de Johnny qui hurlent dans les oreilles des pauvres gamins.

    Oui mais voilà : même s'ils sont comme ils sont, je n'ai pas pu m'empêcher d'être touchée par ce qu'il leur arrive. Lente décrépitude d'une vie bien rodée, dont ils se satisfont.

     

    Ces vacances, c'est l'histoire de l'effritement de leur famille. D'une succession de rencontres qui les précipitent vers leur chute. Alors certes, à la fin, ils retrouvent plus ou moins une certaine stabilité. Et comme pour tout le reste, ils s'y accommodent. Il n'empêche que j'ai trouvé ce livre triste.


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  • 1488053510

     

     

    Reste-t-il assez de place dans le cœur d'Echidna pour qu'elle l'aime encore, ne serait-ce qu'un petit peu ? Ressentait-elle seulement autant d'amour pour lui ? Il ne peut pas en être sûr, mais il en doute énormément. Que lui a fait cette sorcière pour détourner ainsi son cœur ?

    Enfin, il réalise : il a ressenti les sentiments d'Echidna. Ce qui est impossible. Il sait quand elle est triste, malicieuse, à la lueur de ses prunelles. Mais là... il ne voit même pas ses yeux derrière ses paupières baissées. Alors comment a-t-il pu savoir ?
    Une succession d'images défile dans son esprit, fugitives mais si fortes... Jehanne, debout sur un toit anonyme, les yeux mi-clos, psalmodiant des paroles incompréhensibles. Jehanne, souriante, qui contemple Echidna comme si elle était son bien le plus précieux. Jehanne, aimante, qui la cajole comme on le ferait avec un enfant effrayé par ses cauchemars. Une Jehanne légèrement plus jeune, plus saine d'esprit aussi.

    Alors Elland comprend. Jehanne était son ancienne maîtresse, tout comme celui qui lui a échangé Echidna. Elle l'a dit, elle a été enfermée : sans doute, pendant le temps de sa captivité, la gargouille a erré, esseulée, jusqu'à tomber entre les mains de son ancien propriétaire. Une certitude s'impose alors à lui : la gargouille va devoir choisir entre Jehanne et lui. Et le résultat ne fait aucun doute : elle la choisira, elle. Elle éprouve trop d'amour envers elle pour rester avec le voleur invalide qu'il est.

    Que pourrait-il bien lui offrir pour la convaincre de rester avec lui ? Son amour ? Elle l'a déjà, impalpable mais bien présent. Sa confiance ? Toute acquise, sans aucune restriction. Alors quoi ? Abattu, Elland doit bien reconnaître qu'il n'a pas été à la hauteur, et qu'il ne mérite pas d'avoir Echidna comme complice.

    Soudain, Jehanne, prise de frénésie, s'affaire. Elle se relève vivement, parcourt la pièce à grand renfort de « Mais où l'ai-je mis ? », « En aurais-je besoin ? », « Oui, oui, mon plumeau, indispensable », « Et mes herbes ? ». Elle a pris une immense besace, au tissu élimé, et y fourre tout ce qui lui tombe sous la main, allant de la louche au chandelier terni par les ans. Elle vient même récupérer la corde qui retient Elland prisonnier. Et lorsqu'elle suit le chanvre jusqu'à sa cheville, elle redresse la tête, réellement surprise :


    - Ah oui... Tu es là, toi. Oui, bien sûr... Mais non... trop triste pour la besace. Trop grand aussi... Tant pis...

    Et elle reprend sa course effrénée, comme si elle venait d'apprendre que le Comain arrivait d'ici cinq minutes pour l'emmener en geôles. Elland, profitant de sa liberté étrangement acquise, se rapproche, sans faire de geste vif, vers Echidna. Posant une main douce sur son échine, il prie pour qu'elle change d'avis. Mais son regard est rivé sur Jehanne, brillant d'une lueur de satisfaction. C'est fini, il n'existe plus pour elle.

    Abandonnant toute pudeur, il s'accroupit à côté d'Echidna et lui murmure à l'oreille tout ce qu'il ressent pour elle, sans rien lui cacher. Et enfin, elle détourne son attention de Jehanne pour poser sa tête massive sur son épaule. Comme pour un adieu, la gargouille partage les sentiments qu'elle ressent pour lui : une affection, certes tenace, mais tellement moins puissante que celle qu'elle éprouve pour la sorcière !


    - Allons-y... vite, hâtons-nous !

    Jehanne semble fin prête, hirsute, et sa besace est gonflée comme une outre trop pleine, d'où dépassent quelques plumes. Elle va partir, loin d'ici, et Echidna va la suivre. C'est une certitude. Alors, il ne reverra jamais plus sa chère gargouille.

    - Que faites-vous Jehanne ? Où allez-vous ?
    - Il faut y aller... maintenant, tout de suite ! Il nous donnera toutes les réponses... toutes …
    - Mais aller où ? Jehanne !

    Mais déjà, elle ne l'écoute plus et ouvre la porte. Echidna prend son envol pour aller se poser en bas de la volée de marche. Jehanne, elle, descend rapidement les escaliers, Elland sur ses talons. Il ne les laissera pas partir. Elle a déjà sauté sur le dos de la gargouille, mais cette dernière attend Elland. Si elles doivent partir, il ira avec elles.

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  • Ville médiavale fantasy

     

     

    Malgré ses paroles, Jehanne fait lentement courir ses doigts sur la corde, sans prononcer un seul mot, et la contrainte se relâche. A peine, juste assez pour ne plus lui couper le sang. Trop peu pour qu'il puisse s'en défaire. Mais peut-être que, comme l'a dit Jehanne, cette corde est animée. Peut-être que tenter à nouveau ne pourrait que lui nuire. Ou peut-être divague-t-elle...

    Elle s'est éloignée à nouveau, silencieuse, et le voleur l'observe, perplexe. Peut-il seulement essayer de la raisonner ? Dans quelle mesure peut-il la croire ? Elle s'affaire et finit par amener deux assiettes creuses remplies d'un potage aux couleurs douteuses. Il a remercie du bout des lèvres, et l'observe discrètement. Elle aussi doit avoir faim, car elle plonge avec enthousiasme sa cuillère dans la soupe. Mais comme elle ne tombe pas raide morte, ni ne fait la moindre grimace de dégoût, Elland, confiant, goûte à son tour le dîner.

    De toute sa vie, il a mangé d'excellents repas, surtout depuis qu'il habite à l'Hermine Affamée. Avec l'ancien propriétaire, il arrivait que la nourriture soit passable, mais ça se laissait manger. Mais là … Le potage est chaud, onctueux. Des morceaux de viande dérivent lentement : Elland préfère ne pas savoir ce que c'est. Quant à sa composition, Jehanne a dû prendre tout ce qui lui tombait sous la main pour le jeter joyeusement dans cet ersatz de dîner. C'est immangeable. Son estomac se révulse à l'idée d'en prendre une autre cuillerée. Et Jehanne bougonne :


    - Encore trompée … impossible...

    Elle observe son assiette avec attention, les sourcils froncés. Et son air dépité est tellement poignant qu'Elland ne peut s'empêcher de ressentir un élan de sympathie pour sa geôlière. Elle lance un regard désemparé au voleur et lui demande :

    - Ce n'est pas très bon, n'est-ce pas ?
    - Pas très, non.
    - Tu sais faire à manger ?
    - Non.

    Il n'a jamais eu besoin d'apprendre à cuisiner, et depuis des années, il se fait nourrir par les diverses tavernes de la ville. Jehanne semble si triste qu'il se sentirait presque coupable de n'avoir jamais ressenti le moindre intérêt pour la confection d'un repas. Mais soudain, la déception qui se lisait sur le visage de Jehanne fait place à un ravissement tout enfantin. Elle se lève d'un geste vif et l'odieux potage menace de se répandre sur le sol. Mais contrairement au voleur, elle n'imagine pas le liquide faire des trous dans le plancher tant il est nocif. Elle pose l'assiette sur la table et se précipite vers la porte en marmonnant :

    - Entends-tu battre son cœur ? Ils sont de retour…

    Elle tape dans ses mains, ravie. Elland, lui, n'est pas vraiment ravi. Qui est de retour ? Ses complices ? Pèire et les autres ? Mais il ne peut ni s'échapper ni rendre sa situation moins risible, alors il prend le parti de rester assis sur le lit, le dos bien droit, aussi digne que possible. Elle ouvre grand la porte, laissant entrer la fraîcheur de la nuit et une sombre silhouette qu'il connait bien. Echidna.

    Jehanne tombe à genoux, ouvrant grand ses bras pour accueillir la gargouille dans une étreinte passionnée. Elland sourit, persuadé qu'Echidna va l'ignorer pour aller le retrouver. Mais pas du tout. Au contraire, elle glisse sa tête contre le cou Jehanne et ronronne si fort que le plancher vibre légèrement. Le sourire d'Elland se crispe, puis disparaît complètement. Echidna l'ignore, purement et simplement. Lui, son ami de toujours, son complice. Il a été moins présent, ces derniers temps, c'est vrai. Mais de là à faire comme s'il n'existait pas...

    Jehanne marmonne des propos incompréhensibles, faisant ronronner de plus belle la gargouille. L'attente devient longue, alors qu'il essaie de juguler sa déception et sa jalousie. Mais elles occultent totalement sa présence. Pourquoi ? Quel sort Jehanne a-t-elle lancé ?

    Il s'agite, gigote un peu, toussote légèrement. Mais rien n'y fait, c'est comme s'il n'existait pas. La gargouille prend une place considérable dans la petite pièce mais ça ne semble pas gêner Jehanne. Soudainement, une explosion de sentiments se déverse entre les murs. Un amour infini, une gratitude sans bornes, émanant de la gargouille, fusent en direction de Jehanne. Une affection aussi puissante ne peut être qu'exclusive. Elland comprend alors qu'il a perdu Echidna.

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  • Graceling.gif

     

     

    Résumé :

     

    Dans les Sept Royaumes, on les appelle les Graceling – des êtres rares, dotés de pouvoirs incroyables.
    Katsa, elle, peut tuer un homme à mains nues et son oncle, le roi des Middluns, l’oblige à assassiner pour son compte. La rencontre de la tueuse avec le prince Po, un autre Graceling, va changer le cours de son existence…

     

    Sympa!

     

    Mon avis :

     

    J'avais repéré ce roman depuis un bon moment, et la sortie en poche de ce roman m'a fait cédé à la tentation.

     

    Les personnages sont bien menés : Katsa, tout d'abord, qui est bien plus que la brute modelée par son oncle. Elle se révèle capable de libre-arbitre, avec un sens de la justice. Si elle ne cède jamais aux caprices de la mode, elle n'en demeure pas moins une jeune femme, avec tout ce que ça peut comporter.

    Po, lui, suscite bien plus de curiosité. S'il se place assez rapidement dans l'intrigue comme un personnage clef, il se révèle plein de surprises, et il parvient, plus d'une fois, à nous surprendre.

    Si l'explication de cet univers peut parfois devenir un peu longue, elle permet cependant de mettre en scène toute une galerie de personnages, qu'on apprend très rapidement à détester, ou à adorer.

     

    Le système de magie, via les Graceling, est relativement intéressant, même s'il ne bouleverse pas par son originalité. A vrai dire, quand Katsa découvre l'étendue de ses pouvoirs, on en vient à se demander si l'auteur n'est pas tombée dans le travers de faire un personnage parfait, aux pouvoirs surpuissants. Mais Cashore reprend la main et c'est finalement l'aspect humain qui prime, à mon plus grand soulagement.

    L'autre mention positive que je dois reconnaître à Cashore, c'est la relation entre Po et Kasta. Parce que bon, inutile de nier, quand on lit le résumé, on se doute tout de suite qu'il va se passer quelque chose entre les deux. Mais c'est amené avec beaucoup de naturel, tant et si bien qu'on finit par ne plus concevoir la vie de Katsa sans la présence de cet homme surprenant. Même si, il faut également le reconnaître, il y a parfois certaines lourdeurs et certaines maladresses.

     

    Et pour finir, la dernière chose que j'ai énormément apprécié, c'est ce que cache Pô vers la fin du roman (Je n'en dis pas plus pour ne pas spoiler les éventuelles personnes intéressées par la lecture du roman, mais ça va compliquer les choses.) Je trouve donc que c'est particulièrement bien amené, je n'y attendais pas du tout. Et même si, encore une fois, l'auteur sombre dans la maladresse, j'aime beaucoup ce que cette nouvelle donne peut impliquer dans leur relation.

     

    Alors oui, c'est un roman qui se lit très facilement, bien mené et bien construit. Oui, on se laisse embarquer par la plume de l'auteur, oui, on tourne les pages pour connaître la fin.

    Mais voilà. Il n'y a pas réellement de surprises, ni dans les personnages, ni dans le déroulement de l'intrigue. Il manque encore un peu d'originalité pour que j'adhère à 100% et que je me précipite sur le second roman, Rouge. Bon, je sais, que je suis un peu pénible. Mais voilà : c'est un très bon premier roman à qui il manque encore ce zeste de je-ne-sais-quoi pour que lâcher le livre devienne impossible et que les personnages nous restent dans un coin de l'esprit et deviennent obsédants.


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  • 1hsppwsl

     

    Elland trépigne, enrage, mais il espère qu'elle tiendra parole. Aussi, et puisqu'elle n'est plus armée, il lui dit :

    - Allez-y. Finissons-en rapidement.
    - Bien. Ton nom ?
    - Elland. Et vous ?
    - Jehanne.
    - Quel lien te rattache à la gargouille ?

    Elland la dévisage, stupéfait. Ainsi, c'est donc à cela qu'elle s'intéresse ? Quelles abominations compte-t-elle faire si elle apprend le lien qui les unit ? Si elle découvre, par accident, comment donner vie à d'autres créatures ? Et puis, de toute façon, en quoi cela la concerne-t-il ? Détournant la tête, il fixe la fenêtre, refusant de répondre. Il est hors de question de lui donner la moindre information. Dehors, le soleil est en train de se rapprocher de l'horizon, et bientôt Echidna reviendra à la vie. Alors elle l'aidera et il quittera cet endroit maudit. Ne reste plus qu'à faire durer le temps jusqu'à ce moment là, sans la contrarier. Faire profil bas en attendant les secours. Ou alors … se jeter sur elle, la neutraliser, trancher la corde et prendre la poudre d'escampette. Il se rapproche lentement d'elle, tend ses muscles, prêt à lui sauter dessus quand elle annonce, complètement inconsciente du danger :

    - Echidna m'a un peu parlé de toi. Mais... j'aimerais connaître ta version des faits.

    Elland se fige soudain. Echidna lui a parlé ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Que lui a-t-elle fait, avec sa magie sournoise ? Ses yeux lancent des éclairs lorsqu'il lui répond :
    - Où est-elle ? Comment savez-son nom ?
    - Elle est pétrifiée... fascinant, c'est proprement fascinant... Là, au pied de la tour... autour des ronces et des orties.... pétrifiée... c'est un bloc de pierre... elle est si belle et si solide...
    - Comment savez-vous son nom ?
    - Ah ! Elle me l'a murmuré à l'oreille... elle était si vivante, si aimante... Elle est si belle... Fascinant...

    Elland ne l'écoute plus radoter à quel point c'est fascinant. Si elle a parlé d'Echidna au passé, ça ne signifie pas pour autant qu'elle l'a tuée, n'est-ce pas ? Comment la gargouille aurait-elle pu parler à Jehanne ? La folie lui permettrait-elle de communiquer par télépathie ? Ou bien la magie ? Un détail, cependant, rassure le voleur. Jehanne semble simplement intéressée par la gargouille. Autrement dit, elle n'a rien à voir avec l'enlèvement de Ménandre. Et donc, il ne mourra pas à cause de ça. Mais ça ne signifie pas pour autant qu'il ne court aucun danger...

    Jehanne s'est approchée de la fenêtre et a posé les mains sur les vitres sales. Et toujours en murmurant, elle psalmodie :


    - Viens voir maman, chérie, viens voir maman...

    Elland la découvre soudain très belle, le visage voilé de tristesse, nimbé de reflets du soleil couchant. Elle semble si perdue que son ressentiment à son égard diminue presque. D'une voix douce, il tente :

    - Laissez-moi partir, s'il vous plait. Je dois vraiment rentrer à Rivemorte.
    - Je ne peux.... C'est.... impossible. Oui... impossible. Mais tu dois avoir faim ?
    - Oui. Enfin non. Je dois rentrer.

    De fait, son estomac crie famine et le breuvage qu'elle lui a fait boire remonte à bien longtemps. Mais il doit s'extirper de ce mauvais pas et rentrer. Et rien de ce qu'elle pourrait lui donner ne lui inspire confiance. Toujours perdue dans ses délires, elle ravive l'âtre et remue le contenu d'une marmite suspendue. Profitant qu'elle ait le dos tourné, il s'intéresse à nouveau au noeud qui l'entrave. Sa main gauche n'est pas assez habile pour le défaire, alors de la droite, pendant de longues minutes, il s'acharne à dénouer la corde. Et comme la fois précédente, elle lui résiste. Pire, l'impression de la sentir se resserrer autour de lui devient une certitude : le chanvre comprime désormais tellement la chair que son pied est en train de rougir. Lorsqu'il redresse la tête, le cœur palpitant, pour s'assurer qu'elle n'a rien vu, il la trouve en train de l'observer. Et elle secoue doucement la tête en chuchotant :

    - Impossible... elle refuse... ça fait si longtemps que je n'ai pas eu d'invité... elle ne veut pas te laisser partir...
    - C'est trop serré...
    - Elle n'est pas contente... tu as voulu nous fausser compagnie...


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  • gargoyle

     

    Il est blotti dans un cocon douillet et chaud. Recouvert d'un édredon à l'odeur de renfermé, il réalise rapidement qu'il peut bouger ses mains comme bon lui semble. Ses chevilles ne sont plus entravées, elles non plus. Et surtout, l'insoutenable douleur qui lui vrillait le haut du torse et la joue a disparue. Mais c'est une autre qui est apparue, au niveau de sa vessie. Elland se redresse un peu : il est dans un lit. Et la femme est debout, devant la table où sont étalés des dizaines et des dizaines de bocaux remplis de plantes. Elle marmonne :

    - Trompée, oui, trompée de plante... Erreur d'étiquetage ? Peut-être, ou alors … peut-être, depuis le temps … Tout vérifier, oui, je dois tout vérifier... Mais ça fonctionne.... C'est fascinant, proprement fascinant...

    Tout en parlant, elle prend de nombreux pots, qu'elle ouvre, observe, renifle. Elle s'immobilise devant l'un d'entre eux, rempli de feuilles d'un rouge vif, peu rassurantes. Et son regard dément se tourne vers le voleur. Il déglutit bruyamment, peu désireux d'être celui qui vérifiera les propriétés de ces feuilles. Mais elle repose le bocal et s'approche de lui.

    Il doit s'enfuir de là. Qu'importe les moyens, il doit quitter cet endroit. Il répugne à utiliser la force contre une femme, et craint de la contrarier. Alors il décide de l'amadouer. Mais avant toute chose, il doit absolument soulager sa vessie. D'une voix presque mielleuse, il lui explique son problème.


    - Oui... oui, bien sûr... c'est normal... C'est bon signe. Va là, juste là... derrière le rideau... Il faut vérifier...

    Avant qu'elle ne décide de vérifier quoique ce soit sur lui, il se lève. Une corde est nouée autour de sa cheville gauche et au pied du lit. Il a un mètre de liberté. C'est juste assez. Derrière un rideau rongé par les mites se cache un coin de toilette. Il se dépêche de faire ce qu'il a à faire, de crainte qu'elle ne veuille vérifier quelque chose juste à ce moment là. Puis il prend le temps de s'observer dans le petit miroir accroché au dessus du bassin. Il s'attendait presque à voir des cicatrices boursouflées et répugnantes. En réalité, seules de fines lignes blanches marquent sa peau. Pendant son inconscience, elle a dû le manipuler encore, et lui appliquer un onguent mystérieux. Il frissonne en imaginant tout ce qu'elle a pu faire sans qu'il s'en aperçoive mais décrète que l'essentiel, c'est de ne plus souffrir. Et que pour l'heure, le plus important, c'est de s'en aller d'ici.

    Lorsqu'il sort du coin toilette, la femme fait les cent pas autour de la table, passant une main fébrile dans ses cheveux à intervalle régulier. Hirsute, elle est réellement effrayante. Et toujours, elle marmonne :


    - Savoir … oui, l'interroger... Je dois comprendre... savoir... demander... oui, il saura me répondre... et... héhé...

    Elle se met soudain à ricaner, exactement comme les sorcières dans les contes. Elland jette un regard désespéré au nœud de la corde. Il semble relativement simple. Alors il retourne s'asseoir sur le lit et discrètement essaie de le défaire. Mais plus il s'acharne sur le nœud plus ce dernier semble se resserrer autour de sa cheville. La femme vrille soudain son regard sur lui et il écarte vivement ses mains de la corde. Mais elle ne semble pas préoccupée par ses vaines tentatives et lui demande :

    - C'est toujours douloureux ?
    - Non. Écoutez, je dois partir, vraiment. Je ne dirai rien, je le jure, mais je ne peux pas rester ici.

    La femme lève un sourcil intrigué, comme si elle avait conscience que les mots employés sonnent faux. Puis elle secoue doucement la tête et murmure :

    - Non. Non, pas encore... il reste tant de mystères... Non, je dois t'interroger.
    - Un petit garçon a été enlevé. Il risque sa vie à tout moment. Je dois absolument le retrouver. Laissez-moi poursuivre mes recherches, je vous en prie.

    S'il a prit un ton volontairement suppliant, et s'il essaie de faire appel à l'instinct maternel que toute femme normalement constituée devrait ressentir, il déteste pourtant parler ainsi. Il voudrait pouvoir lui ordonner de le libérer immédiatement, voire même se jeter sur elle pour éliminer cette menace. Mais c'est trop risqué, car elle le tient toujours en son pouvoir. Et c'est une femme. Une femme dérangée.

    Ses propos semblent l'avoir touchée car elle recommence à faire les cent pas dans la petite pièce, comme si elle devait analyser ces nouvelles données. Lorsqu'elle a terminé de marmonner entre en ses dents, elle revient vers lui et lui déclare :


    - Soit. Je comprends... Mais moi aussi, je dois poursuivre mes recherches... Quand tu auras répondu à toutes mes questions, nous aviserons.

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  • La-nuit-des-enfants-rois.jpg

     

     

    Résumé :

     

    Cela se passe, une nuit, dans Central Park, à New York : sept adolescents sont sauvagement agressés, battus, violés.
    Mais ces sept-là ne sont pas comme les autres : ce sont des enfants génies. De l'horreur, ils vont tirer contre le monde une haine froide, mathématique, éternelle. Avec leur intelligence, ils volent des centaines de millions de dollars, ils accumulent les crimes parfaits. Car ces sept-là ne sont pas sept : ils sont un. Ils sont un seul esprit, une seule volonté. Celui qui l'a compris, Jimbo Farrar, lutte contre eux de toutes ses forces.
    A moins qu'il ne soit de leur côté... Cela, personne ne le sait. Alors, si ces sept-là n'étaient pas sept, mais huit ? S'ils étaient huit, le monde serait à eux et ce serait la nuit, la longue nuit, la nuit des enfants rois.

     

    Pas convaincue

     

    Mon avis :

     

    La faible créature que je suis a cédé face à une couverture qui attise ma curiosité. Le titre ne m'était pas inconnu, et pour cause : c'est visiblement une référence dans le domaine. Et voilà le livre entre mes mains, qui va s'ajouter à la longue liste à lire.

     

    Le quatrième de couverture n'est pas, à mon sens, des plus pertinents. Ces évènements, dans Central Park, ne se déroulent qu'au milieu du livre.

    Le début ? Sept enfants, âgés de quatre à six ans, qui ne se connaissent pas, qui vivent à des centaines de kilomètres les uns des autres, dessinent des traits et des points sur un ordinateur. Ce dernier a été mis à leur disposition dans le cadre d'un programme de recherche de génies lancé par une entreprise informatique. Et lorsque l'informaticien, en charge de surveiller les résultats, superpose les dessins, trois lettres se forment « Where are you ? ».

     

    Le véritable danger, c'était de lire un livre sorti en 1981 et parlant principalement d'informatique. Car il faut bien l'avouer, trente ans plus tard, plus rien n'est comparable. Et si l'auteur insiste sur la taille de la salle qui contient le super-ordinateur, et si l'informaticien utilise des disquettes pour ses travaux, le reste ne choque pas. A aucun moment je n'ai eu cette impression d'obsolète, de désuet. Premier bon point.

     

    Le second point positif, c'est que jusqu'au bout, alors que les morts s'accumulent et que l'étau se resserre autour des responsables de cette entreprise d'informatique, on ignore purement et simplement si Jimbo Farrar, l'informaticien en question, est coupable ou innocent. Et s'il va prendre le parti des gamins ou lutter contre eux.

     

    Pour le reste...

    Le style est vif et percutant, c'est vrai. Mais un peu trop rapide à mon goût. L'auteur a, à plusieurs reprises, utilisé un procédé simple pour décrire les pensées des gamins : « Il pense : ». Et ça, ça me bloque. D'accord, le principal atout, c'est que la pensée reste parfaitement anonyme. Mais du coup, j'ai trouvé ça trop impersonnel et trop froid.

     

    Le second point négatif, c'est le manque d'explications. A moins que j'ai raté un passage, il n'est à aucun moment expliqué comment ses enfants peuvent être un. Comment se fait-il qu'ils aient envoyé ce message ? D'où vient leur intelligence ? L'absence de réponse m'a terriblement frustré.

     

    Alors fatalement, la conclusion est en demie-teinte. J'ai passé un bon moment en lisant ce livre. Je l'ai lu jusqu'à la fin, pour connaître la décision de Jimbo. J'ai souffert avec lui, parfois. Mais la froideur du récit, et l'absence de réponses m'empêche d'adorer ce livre.

     

    Bon à savoir :

     

    Ce livre a été adapté au cinéma dans le film d'animation The Prodogies, sorti le 8 juin 2011. Je ne l'ai pas vu mais d'après ce que j'ai lu du synopsis, ça n'a pas grand chose à voir avec le livre. Je passerai donc mon chemin ;)


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    Il manque de s'étouffer dans son bâillon, terrifié par l'arme qui s'approche inexorablement de lui. Son cœur bat si vite qu'il menace de céder à tout instant et résonne dans ses oreilles. Il se débat autant qu'il le peut, s'épuisant inutilement car ses liens sont bien serrés et il ne parvient qu'à s'écorcher les mains contre le mur de pierre. Elle plante son regard dément dans celui, affolé, du voleur. Et d'une voix autoritaire lui ordonne :

    - Cesse de gigoter ! Je vais te blesser...

    Ce ne sont pas ses paroles qui finissent par le calmer, car en vérité, elles n'ont strictement rien de rassurant. Non, c'est qu'à force de se débattre, il est à bout de souffle, et le bâillon l'empêche de respirer comme il le voudrait. Il commence à voir des points noirs danser devant ses yeux. Résigné, il se calme donc. Et puis, peut-être veut-elle le libérer ?

    Avec une douceur surprenante, elle défait les deux premiers boutons de sa chemise. Le couteau ne servira pas à trancher ses liens, il en a désormais la certitude. La panique le fait se débattre à nouveau, vainement. La folle plaque une main sur sa gorge, l'immobilisant d'une manière redoutablement efficace, et pose la lame de son arme sur la peau nue, juste en haut du sternum. Dans un éclair de douleur, il sent la chair rompre et le couteau tracer un sillon sanglant. Puis, alors qu'elle garde un sourire insensé, elle plonge les doigts dans un mélange visqueux contenu dans un bol et lui applique sur la plaie à vif. Une douleur insoutenable le fait hurler sous son bâillon. C'est comme si elle lui versait du plomb fondu dans la plaie. La panique, la main appuyée sur sa gorge et la douleur, se mariant en un mélange redoutable, lui font perdre connaissance.

    Il est allongé sur le flanc gauche, calé par le mur. Sous lui, une hideuse couverture, d'un gris indéterminé, le protège un petit peu de la fraîcheur du plancher. Il a froid. Et soudain, la douleur se réveille. Le haut de son torse le brûle affreusement, comme si on avait rempli la plaie d'un produit corrosif et qu'il s'attaquait maintenant aux os. Et sa joue droite, où la balafre devrait être en train de cicatriser, lui fait ressentir la même impression. Il mord sauvagement dans le tissu qui envahit toujours sa bouche, pour ne pas crier sa douleur et attirer l'attention, mais ne peut empêcher les larmes de ruisseler aux coins de ses yeux.

    Un bruissement de tissu, des pas légers qui s'approchent, et toujours ces mots, marmonnés, psalmodiés « C'est fascinant. Proprement fascinant ». Le regard dans le vague, il revit les heures passées en compagnie du Comain. La douleur, le plaisir de faire souffrir l'autre, tout lui revient en mémoire comme si ça ne s'était jamais arrêté.
    Elle s'accroupit auprès de lui, mais il n'a plus la force de lutter. Avec une tendresse surprenante, elle ramène une mèche de cheveux rebelles derrière l'oreille du voleur, avant de lui murmurer :

    - C'est douloureux ?

    Il ne peut pas répondre, toujours bâillonné, mais ses yeux lui jettent un regard furieux. Elle prend un air presque désolé pour lui, avant de se relever. Puis, marmottant entre ses dents, elle s'affaire près de l'âtre, comme si elle avait déjà oublié sa présence. Il tente discrètement de défaire ses liens, en vain, avant d'essayer d'oublier la douleur pulsatile. Lorsqu'il entend les pas se diriger à nouveau vers lui, il frémit. Une peur panique lui noue le ventre, et s'il voudrait pourvoir se défendre, pouvoir se venger, il sait qu'il ne peut rien faire.

    Elle le redresse, comme la première fois, à grand peine. Et comme la dernière fois, il ne fait rien pour l'aider, essayant de gagner encore quelques minutes de répit avant de subir à nouveau d'insupportables douleurs. Mais presque avec tendresse, elle dénoue le bâillon et porte à ses lèvres un bol rempli d'un liquide brûlant.


    - Non. Je ne boirai pas.
    - Ça apaisera ta souffrance.
    - Je ne vous crois pas, vieille chouette, vous allez encore me faire mal.
    - C'est une infusion de souci. Ça te soulagera.

    La voix de la femme a des accents de vérité, et Elland se rappelle avoir entendu ce nom avec Théoliste. La douleur est trop forte pour qu'il hésite encore. Soit ce breuvage la calmera, soit il le fera sombrer, mais tant que la douleur disparaît...

    Le liquide est agréablement chaud et soulage sa bouche asséchée. En quelques secondes, cette vague de chaleur atteint les plaies et réduit légèrement la douleur. La femme esquisse un sourire en voyant son visage se détendre. Puis c'est tout son corps qui s'engourdit. Peu à peu, il perd tout sensation dans ses jambes, puis dans ses bras. Les battements de son cœur ralentissent, eux aussi. Ses pensées sont lentes, freinées, avant de s'éteindre complètement. Le néant le sauve de la folie ambiante.

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