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    Ma vie est, en réalité, d'un banal à pleurer. Pathétique, même. Qu'elle me semble lointaine cette originalité fantastique que je porte en mon sein !

    Ma vie a commencé au milieu de milliers de mes semblables, dans un environnement savamment pensé, organisé au millimètre près et à la second près. Aucun droit à l'erreur. Les premières mains qui m'ont touchées, abruties par un travail à la chaîne, ne m'ont feuilleté qu'avec indifférence. Aucun défaut, on peut le garder. Puis ce fut une succession de caisses, de cartons, de transports durant lesquels je crus, à de nombreuses reprises, rendre l'âme. Mais que nenni. D'autres mains m'ont attrapé, avec tout autant d'indifférence, et m'ont emmené à l'air libre. L'espace de quelques minutes seulement, car tout de suite après, je fus comprimé entre deux autres de mes semblables.

    Je n'avais alors qu'un champ de vision bien réduit, mais c'était ma seule manière de découvrir le monde. Si peu de personnes prenaient le temps de s'intéresser à moi... Leurs regards ne faisaient que passer, ne s'attardaient quasiment jamais. Et quand ils le faisaient, des mains avides m'extirpaient du rayon, m’auscultaient et me re-coinçaient sans pitié au milieu des autres. J'avais rapidement appris à redouter ces violentes mises à nu. Car le retour dans la masse n'en était que plus douloureux.
    Lorsque j'ai entendu une femme prononcer mon nom, en l'écorchant de la pire des manières, j'ai su que mon tour était arrivé. Elle cliquetait, sentait fort une odeur peu naturelle et, je me dois de le signaler, peu agréable. Elle ne m'a pas regardé, pas même un court instant. Et je fus à nouveau trimballé de main en main, de sac en voiture, jusqu'à atterrir sur le bureau d'une jeune fille, copie conforme de l'autre femme. Le désordre qui y régnait me mettait mal à l'aise car je savais que j'allais en faire partie.

    La jeune fille prit le temps de me retourner, de m'observer. Le soupir qu'elle lâcha ensuite m'ôta tout espoir. Jamais elle n'aurait la curiosité de découvrir ce que je cache. Je fus laissé là, nouvelle pièce du décor. Nouveau voyage, jusqu'à sa salle de classe où trente énergumènes soupiraient tout aussi fort qu'elle. Et trente de mes semblables, qui gémissaient de désespoir. Un seul d'entre nous avait l'air heureux, si souvent touché et lu que sa couverture était marquée, comme l'est la peau des personnes âgées. Et l'homme qui le tenait, qui parlait avec tant de passion, qui marchait d'un pas vif, n'eut pas une seule réaction intéressée. Je fus parsemé de trombones, feuilleté, lu en diagonale. Mais dès que la leçon eut été finie, je fus propulsé au fond d'un sac, malmené, cogné de toutes parts. Et abandonné sur ce banc.

    Et j'y suis toujours, sur ce banc de bois. Parsemé d'échardes et de souillures de pigeons, le banc fait partie d'une petite place perdue dans la ville. Lampadaires, platanes, poubelles donnent du relief à ce qui aurait dû être un havre de paix et qui n'est considéré, dans la réalité crue des choses, que comme du gaspillage d'espace. J'imagine qu'autrefois, les habitants du quartier aimaient à se rassembler ici, pour parler de la pluie et du beau temps, des derniers potins et des grands bouleversements mondiaux. Désormais, seuls ceux qui doivent patienter daignent poser leurs postérieurs sur les bancs, surveillant fébrilement leurs montres de crainte de rester un instant de trop dans ce lieu de perdition. Certains passent, sans s'arrêter, sans s'émerveiller des fleurs qui s'épanouissent. Sans s'intéresser aux objets abandonnés. Peut-être que quelqu'un finira par venir, par me prendre avec sa pince géante pour me jeter avec les autres détritus. Peut-être est-ce là mon destin.

    Mais peut-être bien que cet homme, à la mine hagarde, me jettera un coup d'œil. Je le regarde s'avancer en titubant de fatigue, une sacoche à la main, la cravate légèrement défaite. Il fronce les sourcils en m'apercevant, s'approche, regarde autour de lui, se saisit de moi. Dans ses yeux cernés, je peux deviner de la méfiance, de la répulsion. Mais c'est finalement la curiosité qui l'emporte. Il lit à voix haute, se moquant des potentiels regards surpris qu'il pourrait susciter :

    « Le rhinocéros qui citait Nietszche, Peter S. Beagle »

    Il fronce de plus belle les sourcils, regarde encore une fois autour de lui, puis s'assoit entre les échardes et les déjections. Ses mains douces, peu abîmées par un quelconque travail manuel, s'attardent sur ma couverture. M'ouvrent avec respect. Parcourent les premières pages. De ma position stratégique, je peux l'observer à loisir. Je peux le voir quitter la réalité, s'enfoncer dans les méandres tortueux de l'histoire. Il suit le professeur de philosophie, en pleine promenade avec sa petite nièce, dans un zoo. Derrière les iris du lecteur se dessinent éléphants, girafes et singes, qu'il imagine avec bien plus de détails que ce qu'écrit l'auteur. Lorsque les deux promeneurs s'arrêtent devant l'enclos du rhinocéros, qu'ils découvrent que ce dernier peut parler et même tenir une conversation, les yeux de mon lecteur s'illuminent de joie. Et lorsque le mastodonte soutient, dur comme fer, qu'il est en réalité une licorne, l'homme explose de rire. Et il rit encore, émerveillé, se délectant de ces lignes qui l'emmènent si loin de sa terne réalité.

    Il ne sent pas les frissons de bonheur qui me parcourent. Il ignore la joie incommensurable qu'il me fait en s'immergeant dans ce récit. Mais ce n'est pas vraiment important. Cet homme a peut-être déjà été obligé de me lire, moi ou un autre de mes semblables. Vue sa réaction, sans doute a-t-il été refroidi par cette expérience et a, un peu hâtivement, décrété que la lecture n'était pas pour lui. Mais le hasard, ou le destin, nous a placé face à face. Et peut-être bien que cette rencontre lui fera changer d'avis. Peut-être qu'il va vouloir découvrir d'autres univers, qu'il lui fallait juste le bon livre.


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    Résumé :

     

    Un matin, la cantatrice Sophia Siméonidis découvre, dans son jardin, un arbre qu'elle ne connaît pas.
    Un hêtre. Qui l'a planté là ? Pourquoi ? Pierre, son mari, n'en a que faire. Mais la cantatrice, elle, s'inquiète, en perd le sommeil, finit par demander à ses voisins, trois jeunes types un peu déjantés, de creuser sous l'arbre, pour voir si... Quelques semaines plus tard, Sophia disparaît tandis qu'on découvre un cadavre calciné. Est-ce le sien ? La police enquête. Les voisins aussi. Sophia, ils l'aimaient bien.
    L'étrange apparition du hêtre n'en devient que plus énigmatique.

     

     

    Coup de coeur

    Mon avis :

     

    Je poursuis dans ma lancée Fred Vargas, même si je me suis promis de ne pas tous les lire d'un coup histoire de garder un peu de suspens. (Du moins, je vais essayer)

     

    Ce roman ne fait pas intervenir Adamsberg, et même si je l'ai un peu regretté au début, cette frustration est très vite passée. Car Fred Vargas, en deux pages, m'a conquise.

     

    D'abord, le point de départ de ce roman. Le mystérieux hêtre, planté la nuit dans son jardin, qui intrigue tant Sophia. Sérieusement, qui placerait ce genre d'élément pour commencer son roman ? Qui bâtirait une enquête autour de ça ? Et qui serait capable de le faire sans se ridiculiser  ? Fred Vargas.

     

    Son gros point fort, encore et toujours, ce sont les dialogues, parfaitement naturels et totalement déjantés. Et qui posent là les personnages et les situations.

    Car ce roman, c'est avant tout une galerie de personnages pour le moins déjantés, notamment les voisins : trois historiens qui vénèrent une période bien précise de l'Histoire, trois passionnés qui galèrent beaucoup. Trois hommes, aidés d'un quatrième, qui connaissent le vrai sens de l'amitié.

     

    Et si l'intrigue de départ peut sembler amusante, la disparition de Sophia ne l'est pas, elle. Et les trois hommes se lancent à sa poursuite. A mesure que l'intrigue se déroule, j'ai réussi à deviner un coupable plus que potentiel. J'en venais même à me dire que Miss Vargas n'était pas si parfaite que ça, finalement. Et puis, évidemment, je me suis plantée sur toute la ligne.

     

    On sort de ce roman dans un état second, charmé par les personnages haut en couleur et une intrigue qui nous tient en haleine jusqu'aux dernières pages.

     

    C'est définitif. J'aime cet auteur. Et je crois que, quel que soit le sujet qu'elle abordera, j'adhèrerais.


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  • the-cryptkeeper

     

     

    Elland bougonne et marmonne. Bien sûr, Pèire a raison : Jehanne n'a plus vraiment les moyens de comprendre l'implication de ses gestes. Mais ce n'est pas une raison pour faire du mal aux autres, même dans le but d'en apprendre plus sur les gargouilles. Mais un détail l'intrigue, et il demande à Pèire, espérant que le tavernier puisse lui répondre :

    - Mais tu penses que c'est permanent ? Je veux dire, connaître les sentiments d'Echidna ?
    - Je n'ai aucun moyen de le savoir. Il faudra voir avec le temps...
    - Et euh … tu n'étais pas inquiet de ne pas me voir pendant tout ce temps ?

    Elland, gêné par cette question, fixe obstinément son assiette vide. S'il avait relevé la tête, il aurait vu l'air attendri de Pèire, et toute l'affection qu'il éprouve pour lui.

    - Non. Echidna m'envoyait de telles ondes de bonheur que je ne pouvais pas m'inquiéter pour ta sécurité. J'aurais dû, pourtant, car ces moments passés avec Jehanne n'étaient pas si tranquilles. Je me suis fié à Echidna, sans penser un seul instant qu'elle aurait pu être si partiale. Mais je me demandais vraiment où tu étais passé et ce que tu fabriquais. J'ai même pensé que tu avais trouvé une piste très sérieuse pour Ménandre.
    - Impossible. Elle m'avait attaché. Avec une corde animée.
    - Une corde animée ?
    - Je ne suis pas fou, Pèire. Quand j'essayais de la défaire, elle se resserrait autour de ma cheville. Et il a suffit que Jehanne la touche pour qu'elle relâche la pression.
    - Tu vois, c'est ce que je disais. Jehanne a bon fond, sinon, elle aurait perdu le contrôle de la corde depuis longtemps.
    - C'est une corde enchantée par les Clamadinis, n'est-ce pas ?
    - Sans doute.
    - Comment a-t-elle pu se la procurer ?
    - Aucune idée. Mais il reste quelque uns de leurs objets, en ville. Souvent hors d'état de nuire, car devenus dangereux. Pour les autres, ils sont soigneusement cachés par leurs propriétaires, de peur d'attiser la convoitise, ou la peur pour ceux qui s'en souviennent.
    - Mais ça fait longtemps, non, que la magie a disparu de Rivemorte ? Je ne me souviens pas d'en avoir jamais vu.
    - Je pense que ça remonte à une centaine d'années. Mais n'oublie pas que Jehanne est bien plus vieille qu'elle ne le paraît. Elle peut parfaitement avoir cet objet depuis des dizaines d'années.
    - Oui mais … comment ça se fait qu'elle soit si âgée ? Ses explications n'étaient pas très claires.
    - C'est le moins qu'on puisse dire... Mais comme elle l'a expliqué, sa vie est liée aux gargouilles. En leur donnant la vie, elle rallonge la sienne. Après, impossible de savoir si c'est volontaire ou non.

    Pèire leur verse à eux deux une bonne rasade d'hydromel, puis vient s'asseoir près du voleur. Il a les traits tirés : sans doute n'a-t-il pas dormi depuis la dernière fois qu'Elland l'a vu. Faisant lentement tourner son verre sur lui-même, Elland demande :

    - Et pour Ménandre, vous avez pu avancer ?
    - Un peu, oui. Le guetteur de Thémus a vu deux hommes rentrer dans le bâtiment. Ils n'en sont sortis qu'une heure plus tard. Il les a suivi et ça l'a mené jusqu'à un autre bâtiment, situé non loin du lieu de l'attaque. L'intérieur de l'appartement, qu'on soupçonne être leur repaire, est très semblable au premier : rien d'intéressant à l'intérieur.
    - Proche du lieu de l'attaque ? Est-ce qu'ils auraient pu amener Ménandre là-bas ?
    - C'est avec cette hypothèse que nous avons fouillé les lieux. Mais nous n'avons trouvé aucune preuve d'un quelconque passage de Ménandre. Tout est très vide, comme s'ils prenaient toutes les dispositions pour que personne ne puisse rien apprendre.
    - Ce qui est assez logique. Reste à savoir de quelle manière ils se servent de ces planques et à quelle fin.
    - C'est le cœur du problème. Une fois que nous en saurons plus, nous pourrons agir plus efficacement. En attendant, Thémus a placé un homme en surveillance de leur second repaire.
    - Et les gargouilles qui survolent la ville, ça a donné quelque chose ?

    Pèire étouffe un grondement. Son visage s'est complètement fermé. Il se lève d'un geste vif, prend la bouteille d'hydromel et se ressert une chope généreuse. Puis, d'une voix vibrante de colère, il lâche :

    - Non. Ils ne nous aident plus.

    Le reste de sa phrase se termine en jurons particulièrement fleuris. Elland, avec prudence, décide qu'il est préférable de ne pas insister pour le moment et tente de changer de sujet. Mais Pèire ronchonne toujours et sa pitoyable tentative tombe à l'eau.

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  • 018a831e

     

    Elle se prend la tête entre les mains et gémit doucement, psalmodiant encore et toujours qu'elle s'est trompée. Pèire pose une main douce sur son bras et tente de la rassurer. Et finalement, elle reprend ses explications :

    - Belle... Elle a volé toute la nuit. Elle restait près de moi. Elle était si heureuse ! Si pleine de vie ! Mais... mais le soleil, méchant ! Méchant soleil ! Il est arrivé ! Et il l'a figé à nouveau. En plein vol. Et tout ce que j'avais fait était cassé. Cassé, tout cassé. Méchant soleil ! Je m'étais trompée. Trompée dans la formule. La gargouille s'est cassée sur le sol. Brisée en tout petits petits morceaux. Et la colle, ça marche pas. Trop de morceaux. Trompée. Trompée dans la formule. Toute la journée, j'ai réessayé. Mais ça fonctionnait plus. Plus du tout. Ma pauvre gargouille... Et puis, le méchant, méchant soleil est parti. Vilain ! Et … toutes les gargouilles ont volé ! Toutes ! Partout ! Tout plein de gargouilles qui volaient ! C'était si beau... tellement beau... Elles volaient, toutes, au dessus de la ville. Vivantes, si vivantes... Belles, si belles... Et puis... elles avaient compris. Avant moi. Bizarre... très bizarre. Le méchant soleil... elles se sont posées, juste avant qu'il arrive, le vilain. Et elles ont attendu la lune... Et avec la lune... elles ont revolé...
    - Mais comment avez-vous fait pour leur donner une si longue vie ?
    - Je l'ignore... Peut-être... trompée. Oui, sans doute trompée. Sûrement. Je ne sais pas.
    - Et vous ? Comment avez-vous fait pour vivre si longtemps ?
    - Je suis une gargouille. Je... enfin, j'ai pas de pierre. Et je ne me fige pas. Et je ne vole pas non plus. Mais je suis une gargouille. Une gentille gargouille qui aime bien le ragoût. Nos âmes … c'est pareil. On est liées. Elles vivent, et je vis aussi. Elles meurent... et une partie de moi meure. Ça fait mal. Oui, c'est très douloureux. Elles vivent et moi je vis. Comme elles.
    - Et comment avez-vous fait pour permettre à Elland de communiquer avec Echidna ?
    - Elland ?
    - C'est moi.
    - Ah. Oui. Oublié. Je ne sais pas. Oublié. J'ignore. Il peut sentir ce qu'elle ressent ? Fascinant … proprement fascinant... Comment il a fait ?

    A nouveau, Elland et Pèire échangent un regard. Jehanne, elle, divague complètement, et ils comprennent rapidement qu'ils ne pourront plus rien obtenir de cohérent venant de sa part. Alors, d'un haussement d'épaules, Pèire abandonne l'idée de poursuivre plus loin l'interrogatoire. Mais il pose une dernière question :

    - Vous devez être fatiguée, non ?
    - Oui. Fatiguée. Très fatiguée. Si fatiguée...
    - Venez, je vais vous montrer votre chambre.

    Agilement, Pèire contourne le comptoir et dans un geste démodé, il offre son bras à Jehanne. Cette dernière l'accepte en gloussant, et Elland jurerait presque de la voir rougir. Ils s'éloignent rapidement et resté seul, le voleur tente de rendre cohérent les informations qu'ils ont obtenu. Mais c'est peine perdue, et de nombreuses questions restent sans réponse. L'absence de Pèire dure un long moment. S'ennuyant, Elland retourne en cuisine et se ressert une généreuse part de ragoût avant d'aller s'installer au comptoir. Lorsque Pèire revient enfin, il trouve le voleur au même endroit, occupé à manger. Avec un sourire amusé, il va se servir une chope de bière et demande :

    - Comment l'as-tu trouvé ? Tu étais avec elle tout ce temps ?
    - Depuis la nuit dernière, oui. Echidna m'a emmené là-bas, au beau milieu de la forêt. Et j'avais beau lui demander de rentrer à Rivemorte, elle refusait de m'obéir.
    - Jehanne devait l'appeler. Et ta gargouille ne pouvait peut-être pas faire autrement que lui obéir.
    - Je ne vois que cette explication... Mais pourquoi seule Echidna a répondu ?
    - Je n'en ai pas la moindre idée. Peut-être qu'elle est la seule à l'avoir entendue. Peut-être qu'elle est la seule à avoir eu envie de répondre à cet appel.

    Et puis, dans le silence de la taverne désertée, Elland lui raconte tout ce qu'il s'est passé pendant cette journée avec Jehanne. Lorsqu'il lui parle de la blessure qu'elle lui a fait volontairement, Pèire secoue doucement la tête et murmure :

    - Elle devait vouloir vérifier la propriété de la salive d'Echidna.
    - Ça ne m'a pas soigné, au contraire.
    - C'est normal. C'est un système de défense, en quelque sorte. Si Echidna lèche une de tes plaies, elle te soignera. Mais si tu récupères de sa salive et que tu la mélanges à une crème, par exemple, puis que tu l'appliques, même sur toi, ça ne fonctionne pas. Imagine, si ça venait à se savoir : tout le monde partirait à la chasse aux gargouilles pour extraire leur salive et s'en servir comme remède miracle. Je pense que la nature, plus que Jehanne, a bien fait les choses : la salive ne fonctionne que si la gargouille souhaite très fort guérir une personne en particulier.
    - Donc ça fonctionnerait même avec une personne non liée à la gargouille ?
    - Je pense que oui. Imaginons que Théoliste soit blessé : si Echidna le veut, elle doit pouvoir le guérir.

    Machinalement, Elland passe un doigt sur la fine cicatrice blanche qui orne sa joue. Pensif, il demande :

    - Mais alors, comment a-t-elle fait pour obtenir ce résultat ?
    - Je l'ignore. Elle a dû … utiliser ses pouvoirs. Et je pense que c'est pour ça que tu peux ressentir les émotions d'Echidna. Elle a dû faire une erreur quelque part.
    - Venant de sa part, ça ne serait pas vraiment surprenant.
    - Ne la juge pas trop durement. Elle n'a plus toute sa tête, mais elle a fait beaucoup de bonnes choses.


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    Résumé :

     

    Pour Durzo Blint, l'assassinat est un art et il est l'artiste le plus accompli de la cité, grâce à des talents secrets hérités de la nuit des temps.
    Pour Azoth, survivre est une lutte de tous les instants. Le petit rat de la guilde a appris à juger les gens d'un seul coup d'oeil et à prendre des risques - comme proposer à Durzo Blint de devenir son apprenti. Mais pour être accepté, il doit commencer par abandonner son ancienne vie, changer d'identité, aborder un monde d'intrigues politiques, d'effroyables dangers et de magies étranges, et sacrifier ce qui lui est le plus précieux...

     

    J'ai aimé

     

    Mon avis :

     

    Je savais déjà qu'une personne peut adorer un livre et une autre détester ce même livre. Je savais également, du moins, je m'en doutais, que je peux aimer un livre à un moment donné, et être incapable de le lire à un autre moment.

    Et j'en ai eu confirmation avec ce livre.

     

    En fait, je l'avais commencé, il y a plusieurs mois. Et j'avais été incapable de le poursuivre. Trop violent, trop dur, trop sombre. Aucune lueur d'espoir possible.

     

    Et puis, j'ai été contactée par kincaid, m'invitant à une lecture commune sur ce livre. Le défi m'a intéressé, je l'ai relevé. Et cette fois, mon ressenti est tout différent.

     

    Soyons honnêtes : la première partie du roman est sombre, très sombre. Comment rester impassible en lisant les aventures d'Azoth et de ses ''amis'', quand ils luttent comme ils peuvent pour survivre encore quelques jours ? Rien ne nous est épargné et il faut avoir le cœur bien accroché pour passer ces pages.

    Et puis, l'enseignement débute. Rarement facile, rarement joyeux. Mais Azoth a trouvé un équilibre, et on respire enfin. L'histoire avance, il y a de plus en plus de personnages. On s'attache au jeune pisse-culotte, à son maître, même à Mama K. Même si aucun d'eux n'a, finalement, la moindre morale. Et ça fonctionne.

     

    L'intrigue est menée tambour battant, mais je dois avouer que j'ai été un peu perdue, parfois. Quand les nombreux personnages se retrouvent plus ou moins liés. Mais j'ai dévoré les dernières pages, je voulais connaître la fin. Qui n'en est pas tout à fait une, même si on pourrait finalement se contenter de ce premier tome.

     

    Mais j'ai déjà cédé, et le second tome m'attend bien sagement dans ma pile à lire.

    J'ai aimé ce roman, même s'il m'a perdu, parfois. Je me suis laissée entraîner dans le tourbillon d'évènements, je me suis évadée. Sans que ce soit un franc coup de cœur, ce fut une lecture plaisante.

     

    Cette lecture a été faite dans le cadre d'une lecture commune sur Livraddict. Je mettrai à jour, au fur et à mesure,  les avis des autres participants à cette lecture commune.

    L'avis de BlackWolf et de Kincaid


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  • lune

     

     

    Elland, penaud, ne peut que secouer la tête dans un signe de dénégation. Comment pourrait-il comprendre ? C'est une femme aux pouvoirs puissants et bien réels. Mais de là à deviner son rôle exact...
    Pèire hoche doucement la tête, s'approche du voleur et lui murmure :

    - C'est elle a qui donné vie à la toute première gargouille. C'est elle qui les a créées.
    - Mais …
    - Ne la laissons pas seule plus longtemps. Nous lui poserons toutes nos questions.

    Elland ne peut qu'acquiescer. Leur aparté a duré plus longtemps que les règles de politesses ne le permettent. Pèire s'empare de deux assiettes qu'il remplit d'un restant de ragoût au fumet alléchant, sans doute ayant conscience des grognements désespérés de l'estomac d'Elland, puis retourne dans la salle principale, suivi de près par le voleur. Jehanne s'est levée, et fait les cent pas entre les tables, marmonnant sans cesse. Elle s'immobilise en les entendant revenir et son regard se braque sur les assiettes pleines.

    - A manger ! Faim ! Trompée … trompée dans les ingrédients. Tu sais faire à manger, Pèire ?
    - Oui, un peu.

    Le regard de cette femme, qu'Elland a trop longtemps sous-estimée, s'illumine d'une joie indicible. Elle s'approche aussitôt du comptoir, et comme deux chatons qui trépignent autour d'un bol de lait qu'apporte leur maître, ils attendent impatiemment que Pèire leur donne un dîner digne de ce nom.

    Le tavernier leur laisse le temps de manger, les regardant en silence, sans doute accaparé par bon nombre de questions. Puis, alors que les deux invités mangent de bon cœur, il explique à l'intention d'Elland :


    - Avant mon père, c'était déjà mon grand-père et son père qui s'occupaient des gargouilles. Leur origine, cependant, est restée un secret, emporté dans la tombe de mon arrière-grand-père. La seule chose qu'il nous a transmis, au fil des générations, c'est la capacité de communiquer avec toutes les gargouilles. Nous sommes devenus leurs gardiens, leurs protecteurs.

    Elland l'écoute sans broncher, occupé à dévorer son ragoût. Un détail pourtant l'intrigue, et il demande, la bouche à moitié pleine :

    - Mais c'était il y a très très longtemps ?
    - Oui, la magie était encore présente à Rivemorte. C'était il y a des dizaines et des dizaines d'années.

    Surpris, Elland regarde fixement Jehanne, qui mange comme si de rien n'était. A la voir, on lui donnerait une quarantaine d'années, tout au plus. Quel âge a-t-elle, alors, si c'est elle qui a créé les gargouilles ? Les assiettes sont vides, désormais, et les mangeurs ont raclé jusqu'à la dernière miette pour ne rien perdre tant c'était délicieux. Pèire, alors, d'une voix encourageante, demande :

    - Pourriez-vous nous expliquer, Jehanne ?
    - Expliquer... toujours expliquer. Expliquer quoi ?
    - Comment avez-vous fait pour donner vie aux gargouilles ?
    - Compliqué... c'est si compliqué... C'était... il y a très longtemps. Les gargouilles veillent, scrutent la ville... silencieuses, fortes, belles. Si belles...

    Elle joue machinalement avec ses couverts, répétant sans répit à quel point les gargouilles sont belles. Pèire et Elland se jettent un rapide coup d'œil, avant que le tavernier, d'un mot, ne l'encourage à poursuivre.


    - Les herbes. J'avais de nombreuses herbes. Beaucoup. Pour soigner les gens. Pour les accouchements difficiles. Et pour les enfants malades aussi. Et pour les blessures aussi. Et je connaissais un peu de magie. J'ai réfléchit. Oui, j'ai beaucoup réfléchit. Longtemps. Très longtemps. Ça oui ! Je voulais voir voler des gargouilles. Comme les Clamadinis. Faire vivre les gargouilles. Les faire respirer, et les faire manger. Et les faire aimer aussi. J'ai... Rah !! Trompée ! Oui, trompée, plusieurs fois. Jusqu'à ce que … la gargouille devienne vivante. Qu'elle secoue ses morceaux de pierre, s'ébroue … brrrr … Et qu'elle marche. Comme un petit veau qui vient de naître. Qui titube, tombe. Et sa mère, d'un coup de museau, le relève. Mais les coups de museau ne marchent pas très bien avec les gargouilles. Mais elle s'est relevée. Elle a déployé ses ailes. Sur le toit, là-haut. Elle m'a aimé. Et elle s'est envolée. Mais trompée. Trompée. Trompée... tellement trompée...


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    Résumé :

     

    Détective à la brigade littéraire du service des opérations spéciales basé à Londres, Thursday Next s’occupe du grand banditisme reconverti dans le lucratif marché littéraire : revente d’éditions originales volées, contrefaçons, fraudeurs en tout genre… Un océan de routine pour celle dont le père voyage dans le temps et dont l’oncle est l’inventeur du papier carbone correcteur et des asticots synonymiques. Lorsque le froid, calculateur et extrêmement dénué de scrupules Achéron Hadès s’empare du manuscrit original de Jane Eyre et en séquestre l’héroïne, Thursday comprend qu’elle a enfin affaire à quelque chose de totalement inédit

     

    Sympa!

     

    Mon avis :

     

    Prêté par ma meilleure amie, ce bouquin traînait depuis trop longtemps dans ma Pile à Lire. J'avais envie de légèreté et d'humour, alors je me suis lancée.

     

    J'ai beaucoup aimé le contexte. On se croirait dans l'Angleterre contemporaine, même si, bien vite, on se rend compte que l'auteur joue avec l'imaginaire : voyages dans le temps, voyages des personnages de fiction dans la réalité et vice-versa.

     

    J'ai bien aimé l'héroïne également, qui sait ce qu'elle veut et ne renonce pas, malgré les dangers. Et j'ai trouvé particulièrement original le fait que l'enjeu de toute l'intrigue est de sauver l'intégrité d'un roman.

     

    Il y a de l'humour, du fantastique, une enquête policière. Tout pour me plaire. Mais je n'ai que moyennement accroché. Si elle me prête la suite, je la lirai sans doute, car il y a tout un panel de personnages attachants, qu'on a envie de retrouver pour de nouvelles aventures.

    Mais pour autant, je ne me ruerai pas vers le prochain tome, incapable de me sortir les personnages de la tête.


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  • i1403661148676

     

    La bouche grande ouverte, les yeux exorbités, Elland reste figé par la surprise. Jehanne glousse, comme une enfant ravie, et tape dans ses mains. Pèire sourit à son tour et lui propose une chope d'hydromel, qu'elle s'empresse d'accepter. Pendant que le tavernier s'affaire à lui préparer sa boisson, le voleur s'approche de lui et murmure :

    - Pèire, il faut que je te parle seul à seul.

    Seul un petit signe de la tête lui confirme qu'il a bien entendu. Il dépose la chope sur le comptoir, s'excuse auprès de Jehanne, et prend Elland par le bras pour l'entraîner dans les cuisines, désertes à cette heure avancée de la nuit, où seule subsiste une chandelle mourante en guise de lumière. Mais le voleur ne prend pas le temps de regarder autour de lui. Sa main fébrile se pose sur l'avant-bras de Pèire, et il murmure, d'un ton empressé :

    - Elle va me voler Echidna. Et tu l'accueilles à bras ouverts !
    - Comment ça, elle va te voler Echidna ?
    - Tu ne sais pas à quel point ma gargouille aime cette folle !
    - Si je le sais. Difficile de rater une telle puissance de sentiments.
    - Elle la préfère à moi.

    Dans la pénombre, le regard que lui lance Pèire lui fait comprendre à quel point ses craintes sont puériles. Et déplacées. Le tavernier ne comprend pas la terreur qui ronge le corps et l'âme d'Elland. Il s'en moque. Si ça se trouve, lui aussi préfère désormais Jehanne. Et le voleur devra se trouver un autre repaire, ayant perdu amis et gargouille...

    - Arrête Elland. Calme-toi. Elle ne va pas te prendre Echidna.
    - Si ! Elle est son ancienne maîtresse... elle va la récupérer !
    - Elland … Ne nous écoutes-tu jamais ? Qu'est ce que je t'ai dit, concernant le manque d'égards avec lequel son ancien propriétaire la traitait ?
    - Que c'était un sottard irrespectueux.
    - Non Elland. Que c'était son tout premier maître. Tu es le second maître d'Echidna.

    Elland est prêt à répliquer, la bouche déjà entrouverte, les mots déjà formés sur sa langue. Mais les paroles de Pèire font mouche et le font taire. Le regard qu'il lance au tavernier doit receler bien des questions car c'est avec un sourire attendri que Pèire poursuit :

    - Exactement. Elle n'a jamais été liée à Echidna. Elle ne la connaissait pas avant que vous vous rencontriez.
    - Alors comment peut-elle communiquer avec elle ? Comment peut-elle savoir tant de choses sur toi ou sur moi ? Elle était liée à une autre gargouille ? Elle gère les naissances, tout comme toi, mais dans une autre ville ?
    - Tu ne te demandes pas pourquoi, soudainement, tu connais les pensées et les sentiments d'Echidna ?

    Elland reste silencieux. Bien sûr que si, il s'en est étonné. Et il s'est posé des milliers de questions. Mais c'est impossible d'avoir des réponses ! Se frottant machinalement la paume de la main gauche, il réfléchit intensément, jusqu'à ce que Pèire l'interrompe en lui demandant :

    - Quelles sont les pensées d'Echidna, en ce moment même ?

    A nouveau, Elland reste silencieux. Comment pourrait-il le savoir ? Bien malgré lui, il songe à sa gargouille, postée sur le toit d'ardoise. Soudain, des émotions qui ne sont pas siennes l'envahissent. Un sentiment de satiété, comme s'il venait de faire un fabuleux festin, alors qu'il a encore en bouche l'ignoble goût du potage de Jehanne. Un sentiment de plénitude intense, un bonheur inouï. Savoir que les trois personnes qui comptent le plus pour elle sont juste là, quelques mètres plus bas, lui apporte un sentiment d'intégrité étrange. Elland réalise enfin qu'elle l'aime toujours, qu'elle est heureuse d'avoir retrouvé son voleur préféré. Et qu'elle a très envie de patrouiller à nouveau au dessus de la ville pour retrouver Ménandre.

    Le large sourire, et les yeux encore flous d'Elland donnent une réponse à Pèire. Et son sourire à lui prouve à quel point il est heureux de pouvoir partager l'incroyable lien qui l'unit aux gargouilles. D'une voix toujours très douce, il lui demande :


    - Tu as compris, alors, qui est Jehanne ?


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  • 018a831e

     

     

    Il s'accroche tant bien que mal à la taille de Jehanne, gêné par cette promiscuité. Mais cette précaution était nécessaire car lorsqu'Echidna prend son envol, ils manquent de tomber, tous les deux.
    Pour la première fois de sa vie, il voit à travers les yeux d'Echidna lorsqu'elle vole : ses yeux sont faits pour y voir de nuit et le paysage se dévoile en un magnifique dégradé de gris. Les ombres, plus sombres, parsèment les parties plus claires, où se dessinent des formes qu'Elland reconnaît.
    Puis vient l'odeur, tellement plus puissante ! L'humus, les animaux nocturnes, qu'il pourrait reconnaître alors même qu'il ne les a jamais vu. Le goût du vent sur sa langue, comme si c'était l'air même qu'il respirait. La douce sensation de l'air caressant sa peau rugueuse, comme la tendre étreinte d'une plume. Et cette ivresse, indescriptible, de sentir la puissance de ses muscles ne faire plus qu'un avec les masses d'air pour se déplacer toujours plus vite.

    Les premiers toits de Rivemorte apparaissent. Elland peut ressentir le soulagement d'Echidna : enfin, elle retrouve son univers. Tout comme lui, elle est une enfant de la ville, qui ne connaît que très peu la nature et s'en méfie. Elle revient en terrain connu. Sans faire de détours inutiles ni s'amuser à effrayer ses passagers, elle les conduit jusqu'à l'Hermine Affamée. Déjà, elle visualise Pèire, qu'elle considère comme le grand frère qui lui a tout appris. Comme pour tout le reste, elle le voit en noir et blanc. Mais c'est surtout avec une tendresse infinie, qu'elle le voit. Elle songe aussi à la nourriture puis au toit, tout proche du repaire d'Elland, qu'elle s'approprie déjà comme son chez-elle. Elle aime bien cet endroit et elle estime que le voleur y est plus en sécurité.

    Elle se pose dans la ruelle derrière la taverne. Elland, sonné par ce déluge d'informations, peine à reprendre pied dans la réalité. Jehanne descend à son tour. Comment ignorer la vague de tristesse qui envahit la gargouille à l'idée de se séparer de Jehanne ? Mais cette dernière la rassure d'une pensée et apaise aussitôt Echidna, qui s'envole jusque vers son toit.

    La Grand Tour Célestis annonce deux heures du matin et fait brusquement sursauter Jehanne. Elle a l'air traqué, regarde à droite et à gauche avant de s'engouffrer par la porte de service, comme si elle connaissait déjà les lieux. Perplexe, Elland la suit. Connait-elle déjà les lieux ? Ou Echidna lui aurait dit où se situe la taverne et comment y entrer ? Et lui, comment a-t-il pu connaître les sensations et les sentiments de la gargouille ?

    Dans la salle principale, les derniers clients viennent de partir et la serveuse est en train de nettoyer le sol. Pèire, lui, est occupé à nettoyer les verres. Elland, bien qu'il se garde de montrer ses sentiments, éprouve une joie indicible à la seule vision du tavernier qui vaque à ses occupations. Il pensait ne le revoir que dans de plus graves circonstances.

    Jehanne se précipite vers lui, faisant de grands gestes et parlant si vite que ses propos sont parfaitement incompréhensibles. Le trajet jusqu'à la ville a achevé sa coiffure déjà bien maltraitée, et connaissant Pèire, il ne peut pas ne pas comprendre que quelque chose ne tourne pas rond chez elle.

    Le tavernier jette un regard à Elland, resté en retrait, incline légèrement la tête pour lui faire comprendre qu'il est heureux de le revoir, puis reporte son attention sur Jehanne. Et avec toute la douceur dont il est capable, il lui dit :


    - Excusez-moi, je n'ai pas tout compris. Vous êtes ?
    - Jehanne. Je m'appelle Jehanne. Je sais. Et vous, vous êtes Pèire. Je sais, je sais. Tavernier ici. Et …

    Les paroles qu'elle murmure ensuite, telle une conspiratrice, son tellement inaudibles que Pèire lui-même, pourtant tout proche d'elle, ne peut les saisir. Elland s'approche, se glisse derrière le comptoir et se sert un verre d'eau. Et il reste là, l'air de rien, espérant glaner d'autres informations. Le tavernier, prenant une voix d'une douceur infinie, lui demande :

    - Excusez-moi, pourriez-vous répéter votre dernière phrase ?

    Jehanne, le regard fou, jette un coup d'œil en direction de la serveuse, mais reste muette. Cette dernière, sur un geste discret de Pèire, se retire. Jehanne la suit longuement du regard avant de se pencher sur le comptoir et de déclarer :

    - Vous vous occupez des gargouilles.

    Pèire se tourne immédiatement vers Elland et lui jette un regard furieux. Mais le voleur nie tout en bloc et lui jure, sur tout ce qu'il a de plus cher, qu'il n'a rien dit à la démente. Pèire termine d'essuyer une chope, comme pour réfléchir à ce qu'il va répondre. Il ne fait jamais mystère de son rôle dans la protection des gargouilles, même s'il n'aime pas spécialement en parler. Et surtout, il ne s'en vante pas sur tous les toits.
    Elland esquisse un sourire. Le tavernier va interroger Jehanne et les réponses seront inexploitables. Le voleur se gausse d'avance des efforts que fournira Pèire pour trouver une explication cohérente au milieu de ses délires. Mais si le géant scrute longuement le regard fou de Jehanne, il n'entame aucun interrogatoire. Et se contente de dire :


    - C'est un honneur de vous recevoir dans mon humble taverne. Soyez la bienvenue.


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