• Car voici que le Jour vient, Fabienne Ferrère

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    Résumé :

     

    Dans le Paris de 1595, le chevau-léger Gilles Bayonne mène de nouveau l'enquête pour le compte du chancelier d'Henri IV.
    Cette fois-ci, des meurtres d'une rare sauvagerie ensanglantent le quartier de la Grande-Boucherie. Après le père Vuillard, dont la dépouille est retrouvée dans un tonneau, vient le tour d'Hugues Rivière. A chaque fois, des bêtes pour bourreau, et, à chaque fois, la mort frappe sous la forme la plus redoutée par les victimes. Quel lien existe-t-il donc entre Vuillard et Rivière ? Peut-être une sordide histoire vieille de quinze ans...
    Talonné par les sicaires du chancelier bien décidés à lui faire rabattre sa superbe, menacé par les commissaires du Châtelet furieux de se voir boutés hors de leur territoire, Gilles Bayonne, toujours secondé par son fidèle page Pique-Lune, ira de mensonge, en trahison et de doute en doute avant de pouvoir regarder la vérité en face : et si le meurtrier qu'il traque n'était pas le monstre qu'on dit ?

     

     

    Coup de coeur

     

    Mon avis :

     

    Toujours dans le cadre du challenge polar historiques et dans mes recherches dans le catalogue des éditions 10/18, collection grand détectives, je me suis laissée tenter par ce roman, à la couverture et au résumé réussi. Et franchement, quelle découverte !

     

    L'aspect historique est parfaitement rendu, de manière très naturelle, sans que l'auteur se sente obligée de nous expliquer les choses : le vocabulaire d'époque n'est quasiment pas expliqué, bien que compréhensible, les différents postes de chacun, non plus. Il y a la difficulté de cette époque, où les pendaisons rythment le quotidien, où la disette et la misère se trouvent à chaque coin de rue, mais tout en finesse et en subtilité, sans les longues descriptions malsaines qu'on peut trouver dans d'autres romans.

     

    L'écriture n'est pas forcément abordable, plus construite, plus soutenue que dans la majorité des romans qu'on trouve aujourd'hui, qui vont droit au but. Là, les phrases sont parfois alambiquées, les prépositions inversées, si bien qu'il m'est arrivé plus d'une fois de relire l'ensemble pour la comprendre. Et autant je déteste les longues phrases qui alignent les mots compliqués et/ou jolis et qui, au final, ne veulent rien dire, autant j'apprécie énormément ces romans écrits de manière soutenue et pourtant claire et compréhensible, qui donnent un charme et une âme à l'histoire.

     

    «  Les morts, il faut leur lâcher la main, sinon on finit par devenir poussière à son tour. » Sous la violence du coup, le chevau-léger plissa les yeux. Pique-Lune avait-il deviné son tourment pour ajuster si bien sa frappe ? «  La Grande Faucheuse s'acharne à ce point, parfois, sur un même carré de chiendent, poursuivit le garçon, qu'après son passage, le brin d'herbe qui redresse la tête, tout seul soudain, se demande pourquoi elle lui a joué la mauvaise farce de l'oublier. »

     

    Car l'histoire, de l'âme, elle en a, et pas qu'un peu. Dès les premières lignes, en réalité, on mesure toute l'étendue du talent de l'auteure. On ressent immédiatement la frénésie, la terreur et en même temps la résignation du père Vuillard, alors même que le meurtrier rôde entre ses murs. Et dès que Fabienne Ferrère dresse le portrait d'un personnage, qu'il s'agisse d'un enfant, d'une vieille femme ou d'un malandrin, elle a déclenché une émotion en moi. Ce petit gamin, rossé pour avoir humé l'odeur des pâtés sur le marché et ne pas avoir payé pour ça, sauvé par Gilles Bayonne qui, en retour, fait tinter une pièce en disant au rustre qu'il n'a qu'à se satisfaire du bruit de la pièce, puisque le gamin doit se satisfaire du fumet de ses terrines ; ce gamin, donc, petit, misérable et affamé, on a juste envie de le serrer dans ses bras et lui offrir un chocolat chaud. Et pourtant, ce gamin, on n'en saura jamais le nom, et il n'aura jamais plus que quelques lignes pour lui, dans tout le roman.

    Que dire alors du charisme de Gilles Bayonne, de l'infinie tendresse qu'on ressent envers le petit page Pique-Lune, marqué par la mort de ses parents, fier de son instruction auprès du meilleur tire-laine de Paris, et infiniment fidèle au chevau-léger ? Que dire de la vieille nourrice, qui rudoie toute la famille Bayonne et tempête après Pique-Lune, tout en éprouvant l'affection et l'inquiétude d'une mère pour eux ?

    Et si les évènements sont très souvent sombres et difficiles, il arrive, parfois, que l'auteur nous livre quelques pages d'un humour tout à fait délectable et qu'a donné le sourire jusqu'aux oreilles.

     

    L'auteur n'a pas besoin de détails sordides pour montrer à quel point les crimes commis sont odieux.  Et elle n'a pas besoin de beaucoup, non plus, pour susciter notre curiosité : qu'ont donc les victimes à se reprocher pour mériter une telle mort ?

    Si plusieurs intrigues se déroulent en même temps, c'est bien sûr la vague de meurtres qui retient toute notre attention. Dans ce huis-clôt, où rôdent toujours les mêmes personnages qu'on apprend à aimer ou à détester, se cachent de potentielles victimes. Et, potentiellement, le tueur.

     

    « Vois-tu quelque chose, le taiseux ? Les entends-tu ? »

    La voix de Louisette lui parvint à travers un brouillard. Bayonne regarda la tache de sang sur le mur, puis baissa la tête et fixa au creux de sa paume les os d'une main si petite qu'ils donnaient envie de tomber à genoux pour demander pardon.

    Oui, Louisette, oui. Il les entendait.

    Après des années de silence, les esprits se mettaient à parler mais ils ne disaient mot.

    Ils pleuraient, Louisette. Ils pleuraient. »

     

    Avec délicatesse et avec des mots qui nouent le ventre, l'auteur tourne autour du thème du deuil, chaque personnage concerné le vivant à sa manière, mais toutes, vraiment toutes, ses manières m'ont touché. Et peut-être parce que c'est un thème qui me parle tout particulièrement et que la plume de l'auteur m'a spécialement touchée, qu'importe : la fin est si poignante qu'elle m'en a fait pleurer.

     

    S'il y aurait un seul bémol à émettre, ce serait sans doute les références au premier tome (que je n'ai pas lu, évidemment), qui laissent deviner bien des éléments précédents. Du coup, moi qui voulait me plonger dans les premières aventures de Gilles Bayonne, j'hésite un peu : j'ai l'impression de connaître déjà la fin.

     

    Qu'importe. Avec une écriture envoûtante, des personnages particulièrement touchants et une intrigue vraiment bien menée, ce livre est un réel coup de cœur que je recommande chaudement !

     

    Vous pourrez trouver ici même les premiers chapitres de cette petite merveille.

     

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  • Commentaires

    2
    Samedi 17 Décembre 2011 à 12:27
    Blanche

    Alors je ne peux que te conseiller de te laisser tenter car il vaut vraiment le coup !

    1
    Samedi 17 Décembre 2011 à 11:22
    Eloo

    Des meurtres sanglants dans le quartier de la Grande Boucherie? Ca ne s'invente pas... Quoique!! Je n'ai encore jamais lu de polar historique mais ça me tente bien :)

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