• Des armes abandonnées

    C'est un texte écrit dans le cadre d'un speed-writing : je donne un thème, et les joueurs ont une heure pour en faire un récit. Cette fois, le thème était un peu différent puisqu'il s'agissait d'une image. Le but n'est pas de décrire l'image, mais de créer un récit dans ce paysage. Restriction de temps plus longue, donc.


     

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    Ses pas sont lourds, sa démarche laborieuse. Il transpire abondamment sous le soleil implacable. Mais il trouve la force d'avancer en gardant les yeux rivés sur les deux pierres dressées en haut de la montagne. Des emplâtres de boue et de sang séchés, qui furent des bandages d'un blanc immaculé quelques jours auparavant, ornent ses deux bras. Son visage, sévère et dur, est lui aussi maculé. Sous le casque, ses yeux, pareils à des saphirs résignés, ne quittent pas les pierres.
    Chaque pas est alourdi par sa cotte de maille, son bouclier et son épée. Chaque pas qui le mène au sommet est un supplice, mais il s'est juré d'y arriver.

    Après ce qui lui semble être une éternité, les deux silhouettes majestueuses qui se dressaient à l'horizon lui font face. D'une main épuisée, il en caresse la surface rugueuse, et sur son visage s'étire un sourire de soulagement. Alors il se laisse tomber au sol et se débarrasse, non sans mal, de son arme, de son bouclier et de sa cotte de maille. Il s'allonge dans l'herbe, et ferme les yeux quelques instants. Juste quelques instants, histoire de savourer son ultime victoire.
    Lorsqu'il ouvre à nouveau les yeux, le soleil s'est dangereusement approché de l'horizon. Alors, machinalement, il déchire un morceau de la chemise, autrefois blanche, qu'il porte sous sa cotte de maille. Et avec des gestes dictés par l'habitude, il frotte les tâches qui souillent son arme et son bouclier, tandis que ses pensées s'égarent.

    La bataille a viré au massacre, comme ils s'y attendaient tous. Lorsque les deux nations les plus puissantes d'un continent se déclarent la guerre, animées par une haine viscérale centenaire, il ne peut en résulter que le chaos. Les deux armées, aux soldats innombrables, se sont retrouvées sur l'une des plus vastes plaines du continent. Et l'enfer s'est déchaîné.

    Les yeux fermés, les mains toujours affairées à restituer la splendeur de son équipement, il se souvient. Il se rappelle du chaos, de l'odeur du sang mêlé à la boue. Il entend à nouveau le cri de guerre de son peuple, les hurlements des blessés. Les gémissements, ensuite, quand la vie les quittait trop lentement. Il revoit les regards fiévreux, remplis de haine puis de terreur abjecte.
    Dans un état second, endoctriné par la haine des autres, il a tué, il a mutilé, il a souillé la terre du sang de ses semblables. Et quand il a repris ses esprits, la plaine n'était plus qu'un immense charnier. Oh, il restait bien des hommes debout, une poignée seulement, mais continuer aurait été absurde. Deux peuples ennemis. Deux peuples anéantis.
    Sans lâcher ses armes, il avait fait demi-tour, tourné le dos au massacre comme s'il pouvait, par ce seul geste, en effacer l'horreur et il avait quitté le champ de bataille. Plus tard, il avait soigné ses multiples blessures, mû par la seule volonté de vivre.

    L'épée brille comme au jour de sa fabrication. Le bouclier arbore fièrement les armoiries de ce peuple aujourd'hui à l'agonie. Il prend délicatement son casque, déformé par de nombreux coups qui lui ont sauvé la vie. Avec amour, il le polit, le rend étincelant, une toute dernière fois. Il a trop vécu la guerre. Il n'aspire plus qu'à la paix désormais. Comme la flèche plantée au pied de la pierre le symbolise, la folie des hommes s'arrête ici. De l'autre côté règne la paix.

    En hommage aux hommes tombés au combat, à cette nation qui l'a vu naître et qui l'a fait grandir, il dépose soigneusement ses armes désormais immaculées contre la pierre. Un regard en arrière lui permet d'apercevoir une infime partie de la plaine. Plus jamais ça.
    Alors d'un pas décidé, il franchit les monolithes, laissant derrière lui une vie de haine. Au cœur des montagnes, il demandera humblement l'asile au peuple pacifique.

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