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Par Blanche. le 5 Août 2011 à 21:27
La bouche grande ouverte, les yeux exorbités, Elland reste figé par la surprise. Jehanne glousse, comme une enfant ravie, et tape dans ses mains. Pèire sourit à son tour et lui propose une chope d'hydromel, qu'elle s'empresse d'accepter. Pendant que le tavernier s'affaire à lui préparer sa boisson, le voleur s'approche de lui et murmure :
- Pèire, il faut que je te parle seul à seul.
Seul un petit signe de la tête lui confirme qu'il a bien entendu. Il dépose la chope sur le comptoir, s'excuse auprès de Jehanne, et prend Elland par le bras pour l'entraîner dans les cuisines, désertes à cette heure avancée de la nuit, où seule subsiste une chandelle mourante en guise de lumière. Mais le voleur ne prend pas le temps de regarder autour de lui. Sa main fébrile se pose sur l'avant-bras de Pèire, et il murmure, d'un ton empressé :
- Elle va me voler Echidna. Et tu l'accueilles à bras ouverts !
- Comment ça, elle va te voler Echidna ?
- Tu ne sais pas à quel point ma gargouille aime cette folle !
- Si je le sais. Difficile de rater une telle puissance de sentiments.
- Elle la préfère à moi.
Dans la pénombre, le regard que lui lance Pèire lui fait comprendre à quel point ses craintes sont puériles. Et déplacées. Le tavernier ne comprend pas la terreur qui ronge le corps et l'âme d'Elland. Il s'en moque. Si ça se trouve, lui aussi préfère désormais Jehanne. Et le voleur devra se trouver un autre repaire, ayant perdu amis et gargouille...
- Arrête Elland. Calme-toi. Elle ne va pas te prendre Echidna.
- Si ! Elle est son ancienne maîtresse... elle va la récupérer !
- Elland … Ne nous écoutes-tu jamais ? Qu'est ce que je t'ai dit, concernant le manque d'égards avec lequel son ancien propriétaire la traitait ?
- Que c'était un sottard irrespectueux.
- Non Elland. Que c'était son tout premier maître. Tu es le second maître d'Echidna.
Elland est prêt à répliquer, la bouche déjà entrouverte, les mots déjà formés sur sa langue. Mais les paroles de Pèire font mouche et le font taire. Le regard qu'il lance au tavernier doit receler bien des questions car c'est avec un sourire attendri que Pèire poursuit :
- Exactement. Elle n'a jamais été liée à Echidna. Elle ne la connaissait pas avant que vous vous rencontriez.
- Alors comment peut-elle communiquer avec elle ? Comment peut-elle savoir tant de choses sur toi ou sur moi ? Elle était liée à une autre gargouille ? Elle gère les naissances, tout comme toi, mais dans une autre ville ?
- Tu ne te demandes pas pourquoi, soudainement, tu connais les pensées et les sentiments d'Echidna ?
Elland reste silencieux. Bien sûr que si, il s'en est étonné. Et il s'est posé des milliers de questions. Mais c'est impossible d'avoir des réponses ! Se frottant machinalement la paume de la main gauche, il réfléchit intensément, jusqu'à ce que Pèire l'interrompe en lui demandant :
- Quelles sont les pensées d'Echidna, en ce moment même ?
A nouveau, Elland reste silencieux. Comment pourrait-il le savoir ? Bien malgré lui, il songe à sa gargouille, postée sur le toit d'ardoise. Soudain, des émotions qui ne sont pas siennes l'envahissent. Un sentiment de satiété, comme s'il venait de faire un fabuleux festin, alors qu'il a encore en bouche l'ignoble goût du potage de Jehanne. Un sentiment de plénitude intense, un bonheur inouï. Savoir que les trois personnes qui comptent le plus pour elle sont juste là, quelques mètres plus bas, lui apporte un sentiment d'intégrité étrange. Elland réalise enfin qu'elle l'aime toujours, qu'elle est heureuse d'avoir retrouvé son voleur préféré. Et qu'elle a très envie de patrouiller à nouveau au dessus de la ville pour retrouver Ménandre.
Le large sourire, et les yeux encore flous d'Elland donnent une réponse à Pèire. Et son sourire à lui prouve à quel point il est heureux de pouvoir partager l'incroyable lien qui l'unit aux gargouilles. D'une voix toujours très douce, il lui demande :
- Tu as compris, alors, qui est Jehanne ?
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Par Blanche. le 1 Août 2011 à 17:15
Il s'accroche tant bien que mal à la taille de Jehanne, gêné par cette promiscuité. Mais cette précaution était nécessaire car lorsqu'Echidna prend son envol, ils manquent de tomber, tous les deux.
Pour la première fois de sa vie, il voit à travers les yeux d'Echidna lorsqu'elle vole : ses yeux sont faits pour y voir de nuit et le paysage se dévoile en un magnifique dégradé de gris. Les ombres, plus sombres, parsèment les parties plus claires, où se dessinent des formes qu'Elland reconnaît.
Puis vient l'odeur, tellement plus puissante ! L'humus, les animaux nocturnes, qu'il pourrait reconnaître alors même qu'il ne les a jamais vu. Le goût du vent sur sa langue, comme si c'était l'air même qu'il respirait. La douce sensation de l'air caressant sa peau rugueuse, comme la tendre étreinte d'une plume. Et cette ivresse, indescriptible, de sentir la puissance de ses muscles ne faire plus qu'un avec les masses d'air pour se déplacer toujours plus vite.
Les premiers toits de Rivemorte apparaissent. Elland peut ressentir le soulagement d'Echidna : enfin, elle retrouve son univers. Tout comme lui, elle est une enfant de la ville, qui ne connaît que très peu la nature et s'en méfie. Elle revient en terrain connu. Sans faire de détours inutiles ni s'amuser à effrayer ses passagers, elle les conduit jusqu'à l'Hermine Affamée. Déjà, elle visualise Pèire, qu'elle considère comme le grand frère qui lui a tout appris. Comme pour tout le reste, elle le voit en noir et blanc. Mais c'est surtout avec une tendresse infinie, qu'elle le voit. Elle songe aussi à la nourriture puis au toit, tout proche du repaire d'Elland, qu'elle s'approprie déjà comme son chez-elle. Elle aime bien cet endroit et elle estime que le voleur y est plus en sécurité.
Elle se pose dans la ruelle derrière la taverne. Elland, sonné par ce déluge d'informations, peine à reprendre pied dans la réalité. Jehanne descend à son tour. Comment ignorer la vague de tristesse qui envahit la gargouille à l'idée de se séparer de Jehanne ? Mais cette dernière la rassure d'une pensée et apaise aussitôt Echidna, qui s'envole jusque vers son toit.
La Grand Tour Célestis annonce deux heures du matin et fait brusquement sursauter Jehanne. Elle a l'air traqué, regarde à droite et à gauche avant de s'engouffrer par la porte de service, comme si elle connaissait déjà les lieux. Perplexe, Elland la suit. Connait-elle déjà les lieux ? Ou Echidna lui aurait dit où se situe la taverne et comment y entrer ? Et lui, comment a-t-il pu connaître les sensations et les sentiments de la gargouille ?
Dans la salle principale, les derniers clients viennent de partir et la serveuse est en train de nettoyer le sol. Pèire, lui, est occupé à nettoyer les verres. Elland, bien qu'il se garde de montrer ses sentiments, éprouve une joie indicible à la seule vision du tavernier qui vaque à ses occupations. Il pensait ne le revoir que dans de plus graves circonstances.
Jehanne se précipite vers lui, faisant de grands gestes et parlant si vite que ses propos sont parfaitement incompréhensibles. Le trajet jusqu'à la ville a achevé sa coiffure déjà bien maltraitée, et connaissant Pèire, il ne peut pas ne pas comprendre que quelque chose ne tourne pas rond chez elle.
Le tavernier jette un regard à Elland, resté en retrait, incline légèrement la tête pour lui faire comprendre qu'il est heureux de le revoir, puis reporte son attention sur Jehanne. Et avec toute la douceur dont il est capable, il lui dit :
- Excusez-moi, je n'ai pas tout compris. Vous êtes ?
- Jehanne. Je m'appelle Jehanne. Je sais. Et vous, vous êtes Pèire. Je sais, je sais. Tavernier ici. Et …
Les paroles qu'elle murmure ensuite, telle une conspiratrice, son tellement inaudibles que Pèire lui-même, pourtant tout proche d'elle, ne peut les saisir. Elland s'approche, se glisse derrière le comptoir et se sert un verre d'eau. Et il reste là, l'air de rien, espérant glaner d'autres informations. Le tavernier, prenant une voix d'une douceur infinie, lui demande :
- Excusez-moi, pourriez-vous répéter votre dernière phrase ?
Jehanne, le regard fou, jette un coup d'œil en direction de la serveuse, mais reste muette. Cette dernière, sur un geste discret de Pèire, se retire. Jehanne la suit longuement du regard avant de se pencher sur le comptoir et de déclarer :
- Vous vous occupez des gargouilles.
Pèire se tourne immédiatement vers Elland et lui jette un regard furieux. Mais le voleur nie tout en bloc et lui jure, sur tout ce qu'il a de plus cher, qu'il n'a rien dit à la démente. Pèire termine d'essuyer une chope, comme pour réfléchir à ce qu'il va répondre. Il ne fait jamais mystère de son rôle dans la protection des gargouilles, même s'il n'aime pas spécialement en parler. Et surtout, il ne s'en vante pas sur tous les toits.
Elland esquisse un sourire. Le tavernier va interroger Jehanne et les réponses seront inexploitables. Le voleur se gausse d'avance des efforts que fournira Pèire pour trouver une explication cohérente au milieu de ses délires. Mais si le géant scrute longuement le regard fou de Jehanne, il n'entame aucun interrogatoire. Et se contente de dire :
- C'est un honneur de vous recevoir dans mon humble taverne. Soyez la bienvenue.
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Par Blanche. le 13 Juillet 2011 à 08:42
Elland trépigne, enrage, mais il espère qu'elle tiendra parole. Aussi, et puisqu'elle n'est plus armée, il lui dit :
- Allez-y. Finissons-en rapidement.
- Bien. Ton nom ?
- Elland. Et vous ?
- Jehanne.
- Quel lien te rattache à la gargouille ?
Elland la dévisage, stupéfait. Ainsi, c'est donc à cela qu'elle s'intéresse ? Quelles abominations compte-t-elle faire si elle apprend le lien qui les unit ? Si elle découvre, par accident, comment donner vie à d'autres créatures ? Et puis, de toute façon, en quoi cela la concerne-t-il ? Détournant la tête, il fixe la fenêtre, refusant de répondre. Il est hors de question de lui donner la moindre information. Dehors, le soleil est en train de se rapprocher de l'horizon, et bientôt Echidna reviendra à la vie. Alors elle l'aidera et il quittera cet endroit maudit. Ne reste plus qu'à faire durer le temps jusqu'à ce moment là, sans la contrarier. Faire profil bas en attendant les secours. Ou alors … se jeter sur elle, la neutraliser, trancher la corde et prendre la poudre d'escampette. Il se rapproche lentement d'elle, tend ses muscles, prêt à lui sauter dessus quand elle annonce, complètement inconsciente du danger :
- Echidna m'a un peu parlé de toi. Mais... j'aimerais connaître ta version des faits.
Elland se fige soudain. Echidna lui a parlé ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Que lui a-t-elle fait, avec sa magie sournoise ? Ses yeux lancent des éclairs lorsqu'il lui répond :
- Où est-elle ? Comment savez-son nom ?
- Elle est pétrifiée... fascinant, c'est proprement fascinant... Là, au pied de la tour... autour des ronces et des orties.... pétrifiée... c'est un bloc de pierre... elle est si belle et si solide...
- Comment savez-vous son nom ?
- Ah ! Elle me l'a murmuré à l'oreille... elle était si vivante, si aimante... Elle est si belle... Fascinant...
Elland ne l'écoute plus radoter à quel point c'est fascinant. Si elle a parlé d'Echidna au passé, ça ne signifie pas pour autant qu'elle l'a tuée, n'est-ce pas ? Comment la gargouille aurait-elle pu parler à Jehanne ? La folie lui permettrait-elle de communiquer par télépathie ? Ou bien la magie ? Un détail, cependant, rassure le voleur. Jehanne semble simplement intéressée par la gargouille. Autrement dit, elle n'a rien à voir avec l'enlèvement de Ménandre. Et donc, il ne mourra pas à cause de ça. Mais ça ne signifie pas pour autant qu'il ne court aucun danger...
Jehanne s'est approchée de la fenêtre et a posé les mains sur les vitres sales. Et toujours en murmurant, elle psalmodie :
- Viens voir maman, chérie, viens voir maman...
Elland la découvre soudain très belle, le visage voilé de tristesse, nimbé de reflets du soleil couchant. Elle semble si perdue que son ressentiment à son égard diminue presque. D'une voix douce, il tente :
- Laissez-moi partir, s'il vous plait. Je dois vraiment rentrer à Rivemorte.
- Je ne peux.... C'est.... impossible. Oui... impossible. Mais tu dois avoir faim ?
- Oui. Enfin non. Je dois rentrer.
De fait, son estomac crie famine et le breuvage qu'elle lui a fait boire remonte à bien longtemps. Mais il doit s'extirper de ce mauvais pas et rentrer. Et rien de ce qu'elle pourrait lui donner ne lui inspire confiance. Toujours perdue dans ses délires, elle ravive l'âtre et remue le contenu d'une marmite suspendue. Profitant qu'elle ait le dos tourné, il s'intéresse à nouveau au noeud qui l'entrave. Sa main gauche n'est pas assez habile pour le défaire, alors de la droite, pendant de longues minutes, il s'acharne à dénouer la corde. Et comme la fois précédente, elle lui résiste. Pire, l'impression de la sentir se resserrer autour de lui devient une certitude : le chanvre comprime désormais tellement la chair que son pied est en train de rougir. Lorsqu'il redresse la tête, le cœur palpitant, pour s'assurer qu'elle n'a rien vu, il la trouve en train de l'observer. Et elle secoue doucement la tête en chuchotant :
- Impossible... elle refuse... ça fait si longtemps que je n'ai pas eu d'invité... elle ne veut pas te laisser partir...
- C'est trop serré...
- Elle n'est pas contente... tu as voulu nous fausser compagnie...
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Par Blanche. le 16 Juin 2011 à 21:46
Déçus par cette recherche qui, au final, n'a pas vraiment fait avancer les choses, ils repèrent les lieux, se promettant de revenir pour chercher encore, puis prennent la direction de la taverne.
S'ils croisent encore de nombreuses patrouilles, ils n'ont cependant pas le moindre problème pour regagner l'Hermine Affamée. Quelques clients sont déjà attablés et Pèire s'affaire derrière le comptoir pour prêter main forte à sa serveuse. Mais dès qu'il les voit arriver, il l'abandonne et se précipite vers eux. Ils vont s'installer à la petite table qu'ils occupaient à midi. Là, Pèire leur explique que Thémus est rentré chez lui, lui laissant le soin de leur raconter le fruit de leur enquête. Et en réalité, il ne lui faut pas beaucoup de temps pour leur expliquer que, malgré leur entêtement, ils n'ont strictement rien trouvé.
Théoliste et Elland, à tour de rôle, se chargent de raconter leur après-midi, tandis que la serveuse leur apporte le dîner. Mais ils ne donnent aucun faux espoir au tavernier. S'ils s'accordent pour dire que c'est une avancée plutôt significative dans l'enquête, ils sont cependant bien conscients qu'ils sont encore loin de mettre la main sur Ménandre.
Puis la conversation dérive sur des sujets moins graves, comme l'avancée de l'enquête de la garde, qui a conclu que le meurtre dans l'impasse était un règlement de compte et qu'ils ne s'en mêleraient plus, les prix qu'ils ont constaté, l'affluence des badauds malgré les patrouilles. Et alors qu'ils terminent leur dîner, le guérisseur et Elland se rendent compte que Pèire, le menton sur la poitrine, s'est tout simplement endormi.
Ils échangent un regard, sourient, mais ne le réveillent pas. La disparition de Ménandre, bien qu'il ne le montre que très peu, l'a énormément touché. Deux jours se sont écoulés depuis : le tavernier ne s'est pas accordé le moindre repos. Alors, discrètement, ils se lèvent et laissent leur ami se reposer. Le guérisseur, regardant sa blessure à la joue, lui tend un pot d'onguent en lui faisant promettre d'en appliquer ce soir et demain matin. Et pour être tranquille, le voleur promet qu'il le fera. Puis Théoliste prend congé, expliquant qu'il passera la soirée avec Anthelme avant de prendre, lui aussi, un peu de repos. Il sera à la taverne assez tôt demain, pour reprendre leurs recherches.
Elland reste un moment immobile, regardant le guérisseur quitter la taverne puis Pèire dormir. Enfin, il se remet en mouvement, va prévenir la serveuse qu'elle ne doit pas débarrasser leur table et laisser le tavernier dormir. Puis il grimpe dans son repaire, où il pose bien en évidence le pot d'onguent pour ne pas oublier d'en mettre.
Le ciel est sans nuages et un maigre croissant de lune éclaire faiblement les toits de la ville. Echidna l'attend, sur le toit, le regard rivé sur lui. Il se faufile habilement par la lucarne et s'approche d'elle avec un grand sourire. Puis, lui grattant l'oreille avec tendresse, il lui raconte l'avancée de l'enquête et lui confie ses craintes et ses doutes. Il est épuisé mais retrouver Ménandre est trop important pour qu'il perde une nuit entière. Et il sait très bien qu'Echidna veillera pour lui s'il s'assoupit pendant le vol. Si elle voit quelque chose d'important, elle le lui signalera.
Il monte sur son dos et sans perdre une seconde, d'un mouvement puissant, elle s'élance dans les airs. Les toits défilent sous eux pendant de longues minutes. Tout est calme en ce milieu de soirée : peu nombreux sont les habitants à oser sortir, sans doute à cause de la vague de meurtres. Sans qu'il n'ait besoin de lui dire, elle se dirige vers l'immeuble qu'ils ont visité dans la matinée. Un mouvement, derrière une fenêtre de l'immeuble voisin, attire leur attention. C'est sans doute l'homme de Thémus, qui surveille les allées et venues. Mais ils ne cherchent pas à s'en assurer de peur d'attirer l'attention sur lui. Echidna se pose un peu plus loin, et durant les quelques minutes de surveillance, ils ne remarquent strictement rien d'inhabituel.
Estimant que l'homme de Thémus serait parfaitement capable de consigner le moindre mouvement suspect, ils repartent pour une longue patrouille au dessus de la ville. S'ils croisent parfois d'autres gargouilles, ils ne prennent cependant pas le temps de s'arrêter. La nuit est déjà bien avancée. Ils n'ont toujours rien vu d'important. Et peu à peu, bercé par le rythme régulier des battements d'ailes, Elland s'assoupit.
C'est un silence oppressant qui le réveille en sursaut. Echidna s'est posée. Mais elle n'est plus en ville. Pire, elle s'est arrêtée au beau milieu d'une forêt sombre. Les arbres autour de lui semblent se tordre de douleur. Quelques nappes de brouillard, résultat de l'orage, cachent le sol et les créatures qui y rôdent et qu'il entend, parfois, chuchoter. Plus loin, dans l'obscurité, incongrue, se dresse une espèce de tour vacillante. Elland frémit et murmure à Echidna qu'il faut absolument partir de cette forêt maudite. Le besoin de fuir est irrépressible, et il s’agrippe de toutes ses forces à l'échine de la gargouille, essayant en vain de l'empêcher d'avancer. Car sa complice, son amie de toujours, l'emmène droit vers cette tour qui ressemble à s'y méprendre aux repaires sinistres de sorcières. Et s'il sait bien que la magie n'existe plus, les nombreuses histoires qu'il adorait entendre, racontées par sa mère, faisaient presque toutes état de vieilles sorcières cruelles. Qui habitaient précisément dans ce genre d'endroit. Alors, magie ou pas, Elland n'a pas du tout l'intention d'aller vérifier si les contes pour enfants recèlent une part de vérité.
Mais étrangement, alors que son cœur bat la chamade et que la panique commence à le gagner, il se sent pris d'une irrépressible envie de dormir. Il secoue la tête, parle d'une voix pressante à Echidna, fait tout pour l'empêcher d'avancer. Mais rien n'y fait. Et alors qu'il allait descendre de son dos et fuir à toutes jambes, qu'importe la direction tant qu'il peut s'éloigner de cet endroit, les battements de son cœur se calment brusquement, et ses paupières, si lourdes, se ferment malgré lui. Et contre son gré, il tombe endormi sur la gargouille.
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