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Par Blanche. le 27 Avril 2011 à 22:12
L'homme, pourtant d'apparence robuste, a été battu à mort. Son visage est méconnaissable, ses membres raidis dans une posture douloureuse. Tout autour de lui sèchent d'immenses flaques de sang. La vieille femme, toute de noire vêtue, qui avait répondu aux questions d'Elland se tient assise sur une chaise, le menton sur la poitrine, comme endormie. Avec une douceur incongrue, le guérisseur lui relève délicatement la tête, dévoilant une entaille profonde qui court d'un côté à l'autre de sa gorge. Pèire s'est retiré dans le couloir, le visage pâle. Elland n'en mène pas bien large non plus. Thémus ordonne la fouille des lieux à la recherche d'indices permettant d'identifier les meurtriers. Pendant de longues minutes, avec minutie, ils examinent les possessions du couple. C'est avec un certain malaise qu'Elland découvre leurs économies, dissimulées dans un pot posé près du foyer. Lorsqu'il fait part de sa découverte aux autres, ils tombent d'accord sur le fait que ces meurtres ne sont pas dûs à un vol qui aurait mal tourné. Le voleur hésite un instant, gêné par l'idée de dérober les possessions des morts. Sauf que ces morts en question sont sans doute liés à l'enlèvement de Ménandre. Et qu'ils n'auront de toutes façons plus besoin d'argent, désormais. Alors il glisse dans ses poches la majorité des pièces, se promettant d'en donner une partie au gamin quand ils l'auront retrouvé. Si les autres l'ont vu faire, ils n'en soufflent pas un mot, aussi Elland reprend-il la fouille comme si de rien n'était. En vain. Rien ne permet d'identifier les assassins.
Ils n'ont plus de raisons de rester ici plus longtemps, d'autant que la garde pourrait arriver à tout moment si un voisin l'a prévenue, suite à l'absence du couple. Pèire n'est que trop content de respirer l'air relativement pur de la ruelle. Sans se retourner, ils se dirigent vers l'atelier de Thémus, situé non loin.
Dans l'intimité de l'arrière-boutique, devant un verre de liqueur, « pour se remonter », ils font le point sur la situation. D'après Théoliste, ils sont morts depuis moins d'une journée, ce qui incite Elland à penser qu'ils ont été tués peu de temps après leur visite. D'après Thémus, la femme a été égorgée en première, puis les attaquants s'en sont pris à l'homme. Les attaquants, oui, car d'après lui, ils étaient plusieurs.
La piste de la vieille femme s'est envolée. Mais il reste celle de Tanorède. Et qui dit Tanorède dit Maelenn. Car c'est peut-être bien elle la clef de cette énigme. Et c'est peut-être bien lui, d'ailleurs, qui a ordonné le meurtre du couple, pour les faire taire à jamais. Ils terminent leur verres rapidement et se remettent en route. Et s'ils ont l'air pitoyables, au milieu des riches habitants du quartier, ils n'en prennent pas ombrage. Elland les conduit jusqu'à la porte richement ornée, se persuadant à mesure qu'il avance de la culpabilité du riche bourgeois. Après tout, comment un couple si modeste pourrait engager quatre hommes de main ?
La chaleur est encore forte en cette fin d'après-midi. Les riches habitants du quartier commencent à sortir, après s'être protégés de la chaleur dans leurs luxueuses demeures. Elland jette un coup d'œil à ses compagnons : ils ont le visage hagard, leurs vêtements sont froissés, de mauvaise facture. Il sait avoir la même apparence, avec une longue balafre encore fraîche sur la joue en supplément. Ils ne peuvent pas passer inaperçus, mais qu'importe...
C'est Elland qui frappe à la porte, presque avec délicatesse, comme s'il avait peur de l'abîmer. Dernière, ses amis l'attendent en formant, presque à leur insu, un demi-cercle protecteur, comme pour défendre ses arrières. C'est la même femme que la veille qui lui ouvre la porte, portant son éternel chignon. Cette fois encore, elle ne dit rien quant à leur apparence, ou leur nombre. Après avoir pris une longue inspiration, Elland lui annonce :
- Bonjour, nous voudrions voir Tanorède Guevois, s'il vous plait.
- Il n'est pas là.
- Maelenn alors.
- Elle n'est pas là non plus.
- Est-ce que vous savez quand ils rentrent ?
- Non. Mais ils ne veulent pas vous voir.
- C'est-à-dire ?
- Ce sont les consignes. Si vous vous présentez, je dois vous dire qu'ils ne veulent pas vous rencontrer.
La femme arbore un visage fermé et sévère. Sa voix est froide, sans timbre, presque inhumaine. Pourtant, dans son regard, Elland croit deviner une lueur de compassion. Mais il s'en moque pas mal, de sa compassion. Il veut voir Tanorède et il ne laissera pas une domestique l'en empêcher. Sa voix se fait plus sèche lorsqu'il demande :
- Et pourquoi ?
- Parce qu'ils sont en plein préparatifs pour le mariage. Ils n'ont pas que ça à faire.
- Ça ne prendra que quelques minutes. Nous devons les voir, c'est très important.
- Ce sont les consignes.
- Mais la vie d'un enfant est en jeu !
La femme secoue doucement la tête, presque attendrie, et commence à fermer la porte. Elland, dans un geste réflexe, avance son pied sur le seuil. La femme lui murmure :
- N'insistez pas, s'il vous plait.
- La vie d'un enf...
Une main puissante s'abat sur son épaule, celle de Thémus. Dans un chuchotement rauque, le colosse lui ordonne de retirer son pied. Se retournant pour lui demander ce qu'il lui prend, Elland remarque alors les quatre gardes qui ont interrompu leur patrouille pour les surveiller. Alors, piteusement, il retire son pied. La porte claque aussitôt, fermant à nouveau une piste pour retrouver le gamin.
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Par Blanche. le 20 Avril 2011 à 21:19
La taverne est déserte, en ce milieu d'après-midi. Les habitants de Rivemorte vaquent à leurs occupations et délaissent la salle à manger plongée dans une pénombre et une fraîcheur bienvenue. Les mines sont graves quand les quatre hommes s'installent autour de la table. Pèire, retrouvant le visage que tous lui connaissent, se charge de préparer les brocs de bière et quelques tranches de pain et de charcuterie, qu'il amène sur la table. Mais l'appétit ne vient pas, et s'ils se désaltèrent longuement, ils ne touchent pas à la nourriture. C'est Théoliste qui finit par rompre le silence devenu pesant, en déclarant :
- Bon, reprenons depuis le début. Pour quelles raisons voudrait-on enlever un gamin comme lui ?
- Pour s'en débarrasser, tente Elland.
- Sauf qu'il n'a rien vu ni rien volé d'important, d'après Osvan.
- Pour s'enrichir, renchérit Pèire.
- Sauf que les esclavagistes n'y sont pour rien, et que les bouges sont surveillés. S'il réapparait, on le saura aussitôt.
C'est Thémus, qui, implacable, réfute toutes leurs hypothèses. Et alors qu'un sentiment de défaitisme menace de tous les emporter, c'est à nouveau lui qui reprend la parole :
- Je pense que cette histoire est liée à cette Maelenn. Vous avez dû mettre le doigt sur quelque chose de très important pour qu'ils déploient de tels moyens. Je suis persuadé que l'attaque dont vous avez été victime avait pour unique but de vous faire cesser définitivement vos recherches.
- Et tu penses que la vieille est impliquée ?
- J'en suis convaincu. Elle vous a envoyé à Picsuif, sans doute dans le but de vous décourager, ou au mieux, de vous faire perdre votre temps.
- Elle semblait vraiment sincère quand elle nous a assuré qu'elle ignorait où était Maelenn.
- Quand les intérêts sont suffisamment importants, jouer parfaitement la comédie devient indispensable. Elle n'en est peut-être pas à son coup d'essai. A moins qu'elle soit une excellente comédienne.
- Mais elle a nous envoyé chez Tanorède Guevois.
- En effet. Sans doute espérait-elle que vous renonciez. Aller questionner un noble, ce n'est pas un culot que s'autorise n'importe qui.
Plongeant le nez dans son broc de bière, Elland rougit. Maintenant que Thémus en parle, il doit bien se l'avouer : c'était incroyablement audacieux de se présenter chez un riche bourgeois pour l'interroger. Et c'est d'autant plus surprenant que ledit bourgeois ait accepté de les recevoir et de les renseigner sans s'offusquer d'un tel geste. Mais s'il tient vraiment à épouser Maelenn, c'est plutôt normal, non, qu'il ne méprise pas les plus pauvres ? Pèire semble suivre le même raisonnement, puisqu'il conclut :
- Et elle se doutait que Guevois l’enverrait promener. C'est à ce moment là qu'elle a ordonné à ses hommes de main d'agir.
- Sauf que Guévois l'a accueillit et lui a parlé du mariage, contrecarre Théoliste.
- Justement, à ce sujet. Pourquoi a-t-il dit ça ? Est-ce que c'est la vérité ? Ou est-ce qu'il est complice ? Demande Elland.
- Et surtout, pourquoi ont-ils enlevé Ménandre ? Qu'est ce qui peut bien justifier un tel acte ? S'interroge Pèire
- Je ne suis pas persuadé que c'était prévu. Ils ont envoyé quatre hommes vous suivre. D'après ce que tu nous a dit, ils n'ont pas hésité à vous attaquer et à utiliser leurs armes : ils avaient pris toutes les précautions nécessaires. Mais ils n'avaient pas prévu que vous vous sépareriez. Les hommes se sont donc divisés pour vous attraper tous les deux, ce qui t'a permis de t'en sortir. Je suis certain que l'enlèvement n'était pas prémédité. Ils voulaient se débarrasser de vous.
- Et ils ont échoué. Sauf qu'ils ont Ménandre maintenant.
- En effet. Et ils ignorent sans doute ce qu'ils doivent en faire. J'espère simplement qu'ils n'auront pas assez d'intérêts en jeu pour l'abattre de sang-froid.
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Par Blanche. le 10 Avril 2011 à 20:44
N.B. L'illustration est l'oeuvre de Damian Bajowski. Une galerie de ses oeuvres est présente ici : link
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Par Blanche. le 5 Avril 2011 à 09:28
- Pris sur le fait ! Lâche-le im...
Son cri du cœur meurt dans sa gorge. La stupéfaction le cloue sur place. Pèire, dans son élan, se cogne violemment dans son dos. Dans le petit salon chichement meublé, Théoliste se sépare d'un bond de la personne qu'il embrassait. De l'homme qui l'embrassait. Et si le second baisse la tête, rouge pivoine, et semble vouloir disparaître six pieds sous terre, le guérisseur, lui, tente des explications. Explications à peine compréhensibles, bafouillées et entrecoupées de justifications parfaitement incohérentes. Ce sont les pleurs d'un enfant qui ramènent les quatre hommes à la réalité. Pèire, d'un geste vif, ferme la porte derrière lui et pousse Elland jusqu'à la table. L'inconnu, lui, s'est précipité vers un berceau, d'où il soulève avec délicatesse un bébé. Et Théoliste marmonne sans discontinuer que sa vie est fichue, qu'il a tout perdu.
Elland peine à rassembler ses pensées pour les rendre cohérentes. Cet homme qu'il suspectait du pire quelques minutes plus tôt semble être coupable d'abus de discrétion pour rejoindre son amant. Il dévisage le guérisseur complètement paniqué, essayant de comprendre toutes les implications de cette découverte. Pèire semble être le plus à même de gérer la situation, car il déclare :
- Je suis désolé pour cette entrée fracassante. Nous sommes tous sur les nerfs, avec cette histoire, et nous avons imaginé le pire. Tu nous expliques autour d'un remontant, Théoliste ?
L'homme replet hoche vivement la tête et s'affaire soudain. Il dépose une bouteille d'eau de vie sur la table, ainsi que quatre petits verres qu'il remplit généreusement. Puis il fait signe à ses amis de s'asseoir autour de table. Son compagnon a calmé le nourrisson et s'assoit à son tour. Théoliste, penché vers son amant, lui murmure quelques explications. Anthelme hoche la tête régulièrement et l'inquiétude marque son visage. Comme le guérisseur, il doit avoir la quarantaine. Ses cheveux bouclés sont d'un brun intense. Mais ce sont ses yeux qui attirent l'attention : ils sont d'un vert saisissant et particulièrement expressifs. Lui aussi semble aimer la bonne chair, car tout comme son compagnon, il arbore de généreuses rondeurs. Les deux amants vident leurs verres avant de se resservir, puis Théoliste demande :
- Vous m'avez suivi, c'est ça ?
- Oui, nous t'avons repéré avec Echidna. Ton comportement était suspect. J'ai vraiment cru que tu étais mêlé à l'enlèvement de Ménandre.
- Non, bien sûr que non ! Je ne ferais jamais de mal au gamin ! Mais vous êtes doués, je n'avais rien remarqué.
- Tu as pris de sacrés risques, sachant que la ville serait passée au peigne fin cette nuit.
- Je l'avoue. Mais …. l'une de mes patiente est décédée hier après-midi et elle n'avait personne d'autre que cet enfant. Si je ne faisais rien, il allait mourir, ou finir à l'orphelinat. Anthelme et moi avons l'habitude de nous occuper d'enfants le temps de leur trouver un nouveau foyer.
L'intéressé hoche doucement la tête, gêné d'être ainsi mis en avant. Il jette un regard paniqué au guérisseur, avant de prendre une longue inspiration.Et c'est avec une voix douce qu'il explique :
- Je... je lui avais dit... de... de ne pas... prendre de risques … inutiles.... Sa... réputation est … tellement plus... importante.
D'un geste affectueux, Théoliste pose sa main sur celle de son amant, avant de la retirer vivement, comme s'il avait été brûlé. Jetant un regard en biais aux deux intrus, il murmure :
- Deux hommes ensemble, c'est... enfin, ce n'est pas très bien vu, vous comprenez. Si ça se sait, plus aucun homme ne voudra que je le soigne. C'est...
Les mots lui manquent pour exprimer ses craintes, alors c'est Anthelme qui, de sa voix douce, explique leur relation. La nécessité de se cacher, pour fuir les insultes, les moqueries, les actes de violence. Le besoin impératif de faire profil bas pour protéger l'homme public qu'est Théoliste. Avec beaucoup de pudeur, à demi-mot, il esquisse le portrait de leur amour caché, qui dure depuis dix ans maintenant. Et il ajoute, une fêlure dans la voix, qu'il espère que Pèire et Elland sauront se montrer discrets. Elland, le regard fixé sur le fond de son verre vide, réfléchit. Théoliste n'a jamais eu un regard ou un geste déplacé envers lui. Il lui a sauvé la vie, lorsqu'il l'a soigné après les geôles. Il a pansé ses plaies, sans poser de questions, après l'attaque de la ruelle. Mais il ne peut s'empêcher de grimacer en imaginant ces deux hommes former un couple. C'est... pas très normal, tout ça. Ils ne font rien de mal, il en est conscient, et ils semblent plutôt heureux. Alors il marmonne :
- Je suppose que c'est moins grave que ce que j'avais imaginé. Je veux dire, Théoliste n'a pas découpé Ménandre, n'est-ce pas ?
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Par Blanche. le 3 Avril 2011 à 10:01
Le presque-médecin semble ne pas les avoir vu, concentré sur le toit voisin. Son front couvert de sueur luit doucement, et ses yeux scrutent vainement les hauteurs. Puis il reprend sa course, inconscient des deux paires d'yeux qui le fixent. Dès qu'il a le dos tourné, Echidna s'envole à nouveau, et va déposer son complice dans une ruelle adjacente. La traque est finie pour elle. Mais pas pour Elland, dont les pensées sont braquées sur Théoliste. Pourquoi se comporte-t-il de la sorte ? Que cache-t-il ? Il était présent lors du conciliabule avec Thémus et Pèire. Il sait parfaitement que toute la ville est quadrillée. Alors qu'est-ce qui est si important pour qu'il s'aventure ainsi ?
Le cœur battant la chamade, Elland regagne la ruelle empruntée par Théoliste. Aussi discret qu'un murmure, il suit son guérisseur. Ce dernier connaît tout leur plan, toutes leurs avancées dans cette affaire. Et dans un éclair de lucidité, des dizaines d'incidents reviennent à l'esprit d'Elland : la tisane qui l'a plongé dans le sommeil, la filature pour connaître la cause de sa guérison, sa proximité à la taverne, son omniprésence, surtout quand on ne l'attend pas. Ses activités, qu'il ne détaille jamais. Son comportement, parfois étrange. Sa curiosité, insatiable. Théoliste les épiait. Il assemblait des informations sur eux, jusqu'à ce qu'il en ait récolté suffisamment pour passer à l'attaque. Dans son esprit, plus aucun doute n'est permis : Théoliste est directement lié à l'enlèvement de Ménandre. Peut-être l'a-t-il enlevé pour le soumettre à d'atroces expérimentations scientifiques ? Peut-être souhaite-t-il le tuer pour le découper afin d'étudier en profondeur le corps humain. Ou alors, il souhaite le revendre à un couple dont l'enfant est mort prématurément. Peut-être même qu'il souhaite l'échanger contre des informations. Pire : il souhaite le monnayer contre Echidna, afin d'utiliser sans fin sa salive cicatrisante !
Bouillonnant de rage, il traque cet ami devenu proie, dont le souffle court perce le silence de l'aurore. Il se retourne de plus en plus souvent, comme s'il touchait au but. Et le voleur le suit toujours, bien décidé à découvrir ses complices. Mais alors qu'il allait s'engager à sa suite dans une traverse, une énorme main se pose sur son épaule. Pèire. Elland n'a pas besoin de lui demander s'il a des informations supplémentaires, ses traits tirés expriment une déception indicible. Alors sans prendre le temps de parler, le voleur lui fait signe de se taire, et de le suivre, désignant du doigt la silhouette qui se faufile toujours de ruelles en traverses.
Du coin de l'oeil, Elland peut voir tour à tour la surprise, puis la colère se dessiner sur le visage du tavernier. L'incompréhension vient ensuite, rapidement remplacée par la déception. Ils se figent soudain : Théoliste vient de s'engouffrer dans une porte cochère. Avec un luxe de précautions, ils le suivent, et découvrent une cour intérieure, sombre et humide, percée de nombreuses portes. Le presque-médecin a disparu. Avec avidité, les deux amis scrutent chaque recoin, chaque porte, espérant y trouver un indice. Il leur est insupportable d'imaginer que ce criminel puisse leur avoir échappé. Pourtant Théoliste semble s'être volatilisé.
C'est Elland qui remarque le rai de lumière sous l'une des portes, tandis que les autres sont plongées dans l'obscurité. Silencieux comme la mort, il s'en approche et pose l'oreille contre le battant de bois. Deux voix étouffées se font entendre. Pèire est dans son dos et trépigne d'impatience. N'y tenant plus, il pose la main sur la poignée de la porte et la tourne doucement. En vain. Fermé à clef. Ce qui ne fait que renforcer les soupçons : dans ce quartier, les habitants sont trop pauvres pour verrouiller leurs portes, ils n'ont rien à voler.
Pèire semble être sur le point de défoncer la porte à grand coups de pied rageurs. Elland pose alors une main apaisante sur son épaule et lui fait signe de reculer. S'agenouillant devant la porte, il sort de sa botte deux longs crochets en métal, qu'il utilise régulièrement pour charmer les serrures et les faire s'ouvrir. Sa main gauche est bien trop capricieuse pour qu'il réussisse cet exercice délicat qui demande une grande précision. Aussi utilise-t-il sa bouche pour maintenir le premier crochet et la main droite pour faire jouer les chevilles. Un déclic à peine perceptible se fait entendre, et il se relève, triomphant. Déterminé à découvrir ce que leur cache le guérisseur, il range ses crochets et pose la main sur la poignée. C'est avec une pensée pour Ménandre, et les supplices que lui fait subir Théoliste, qu'il ouvre la porte d'un geste rageur.N.B. L'illustration est l'oeuvre de Damian Bajowski. Une galerie de ses oeuvres est présente ici : link
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