• Les jeux de rôle

    Un nouveau duel, sur le thème du RP, ou Rôle Play : plutôt étrange d'écrire un texte tel que celui-là, ça donne l'impression d'être une poupée russe qu'on ouvre au fur et à mesure.

     

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    Ses bottes en cuir souple ne faisaient aucun bruit sur le sol inégal du couloir ouest, et ses pas n'étaient nullement hésitant. L'homme, jouant avec les ombres pour s'y confondre, avait repéré les lieux auparavant, et aurait pu faire ce chemin les yeux fermés. Il contourna soigneusement une torche, éclat de lumière dans ce corridor plongé dans l'obscurité. Seuls quelques craquements du bois qui travaille venaient rompre le calme nocturne. La porte de la bibliothèque était entrouverte, comme toujours d'après ses informations, et il y pénétra, ombre parmi les ombres.

    Le bruissement d'un parchemin qu'on tourne lui indiqua la position de sa cible, et c'est avec un sourire carnassier qu'il s'en approcha. Une chandelle, à la flamme dansante, éclairait chichement la table. Sa proie était un homme d'un âge avancé, replet, les cheveux se raréfiant, sobrement habillé. Rathe, il s'appelait, tenancier d'un tripot dans les bas-fonds de la ville. En pleine comptabilité, ses doigts étaient maculés d'encre, tout comme son menton, qu'il grattait régulièrement, en pleine réflexion. Inconscient du danger qui s'approchait.

    Une dague surgit dans sa main, et sans un geste d'hésitation, l'intrus se coula dans son dos, appliquant la lame sur la gorge de sa cible. Ses longs cheveux bruns effleurèrent l'épaule alors qu'il se penchait pour lui murmurer à l'oreille :

    - Un mot, et je t'égorge.


    Rathe eut un sursaut de surprise, s'entaillant ainsi le cou et lâcha la plume qu'il tenait. Un couinement étouffé tint lieu de réponse. Puis, rapidement remis de son étonnement, il lâcha :

    - Sorcellerie ! Comment es-tu arrivé ici ?
    - Je vais m'écarter de toi, nous avons à discuter. Si tu bouges, si tu cries, tu meurs.


    Rathe hocha lentement la tête, prenant garde à la lame qui appuyait toujours sur sa trachée. Alors, l'homme s'écarta de lui, et alla s'assoir en face, dévoilant un visage rude, dénué de tout sentiment. Sur sa joue gauche, un H, marqué au fer rouge. Rathe déglutit en avisant la lettre et ce fut pour la forme qu'il demanda :

    - Qui es-tu ?
    - Lou. Et tu sais pour qui je travaille.


    Il passa, d'un mouvement nonchalant, ses doigts sur sa cicatrice. Rathe, blême, opina du chef.

    - Pour le Seigneur Honnoré. Qu'ai-je fait pour qu'il m'envoie un de ses hommes ?
    - Tu inverses les rôles, Rathe. C'est à toi de me fournir des réponses, pas à moi. Où est l'argent ?


    Un bruit de pas dans le couloir apporta au tavernier un répit bienvenu. Lou se fondit dans les ombres, dague en main, le regard rivé sur la silhouette qui entrait dans la bibliothèque...


    La frêle jeune femme prit une gorgée de thé, et relut ses mots, corrigeant les fautes, traquant la moindre répétition. Satisfaite, elle cliqua sur le bouton "envoyer". La sonnerie stridente du téléphone détourna son attention. Un sourire carnassier se dessina sur son visage lorsque son interlocuteur se présenta. Un téléopérateur. Ses traits s'adoucirent soudainement, et sa voix douce répondit poliment qu'elle n'était pas intéressée. Elle raccrocha, contrariée. On venait de l'arracher d'un autre monde, comme un poisson rouge qu'on change brutalement de bocal.
    Elle jeta un regard sur son écran, relisant une dernière fois son post, avec un oeil nouveau, détaché. Les dés étaient jetés, elle n'avait plus qu'à attendre qu'il vienne répondre. Ce joueur, qu'elle ne connaissait qu'à travers ses mots, et qui jouerait la silhouette.

    Elle se leva, et commença son ménage, l'esprit ailleurs. Elle aimait cette sensation, étrange, perturbante, de se sentir entre deux mondes. Car pour rendre ses personnages vivants, elle se plongeait en eux. Elle devenait cet homme froid, travaillant à la solde d'un puissant seigneur. Qui pourrait comprendre ? Elle n'osait pas en parler, de peur qu'on la prenne pour une folle, ou pire encore, pour une douce rêveuse. Alors elle gardait dans le secret de son âme tout ces mondes, ces personnages qui lui sembaient parfois être une partie d'elle-même. Pas des amis imaginaires, non, ni des idéaux. Peut-être simplement des marionnettes qu'elle faisait vivre, s'effaçant, s'oubliant. Elle haussa les épaules. Qui pourrait comprendre, alors qu'elle-même avait du mal à expliquer ce qu'elle ressentait ?

    Un peu par hasard, elle s'était inscrite à ce jeu, sans vraiment savoir ce qui l'attendait. Et le jeu de rôle l'avait happé, comme une évidence, comme si c'était ce qu'elle recherchait depuis toujours. Elle se plongeait dans les personnages, dans les mondes, avec facilité. Modelant l'histoire à sa guise, en totale liberté, n'ayant pour seule contrainte que la cohérence. Et parfois même, c'était cet univers parallèle qui la happait, bien malgré elle, au détour d'une conversation en famille, au travail ou dans le métro. Internet lui permettait de dépasser sa timidité naturelle, et elle laissait libre court à son imagination fertile sans pudeur. Elle lacha sa serpillère, et actualisa la page du forum. Peut-être aurait-il répondu, lui permettant, une fois encore, de s'échapper de cette réalité qu'elle exécrait ?

    « Le feuLes chiens »

  • Commentaires

    2
    Théo
    Mercredi 3 Juillet 2013 à 15:00

    Je trpuve ton texte très bon (même si, n'étant pas un grand spécialiste, je n'y connait pas grand chose), tu arrive bien à retranscrire toute la subtilité des assassins et leur froideur. Bravo

    1
    Mardi 7 Décembre 2010 à 18:04
    Blanche

    Merci beaucoup !

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