• Rivemorte, Chap.102

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    Le vieillard leur jette un regard avant de s'interrompre brusquement. Il passe une main dans ses rares cheveux et soupire :

    - Je m'égare, je crois. Enfin, Saens, ici présent, manieur de feu, s'est mis en tête de nous libérer. Et bon, je dois avouer que ses intentions sont louables. Je suis né dans cette tour, je n'en suis jamais sorti et je n'en sortirai jamais. Mais les plus jeunes méritent de connaître la vie extérieure. Ils méritent de courir dans la forêt ou dans les champs, libres. Libres surtout de faire ce qu'ils veulent, d'abandonner la magie peut-être même. En tout cas, de ne plus être à leur merci.
    - Vous dites qu'ils vous ont persuadé que les habitants en voudraient à votre vie, s'ils apprenaient votre existence. Pourquoi vouloir vous enfuir alors ?
    - Vous savez, ça fait des décennies que je suis enfermé ici. J'en ai vu défiler, des personnes qui doutaient. Mais … on ne les voyait pas bien longtemps. Et puis, il y avait Jehanne. Très gentille, mais un peu ailleurs. Elle ne sait pas mentir. Et elle m'a certifié que dehors, ce ne serait qu'indifférence, voire méfiance, mais certainement pas la déferlante de haine qu'ils promettent. Et puis... quand bien même. Ce confinement perpétuel, ce n'est pas vivre.

    Les quatre amis hochent gravement de la tête. S'il y a bien une chose qu'ils comprennent, c'est la soif de liberté. Le tavernier, un peu plus vif que les autres, réalise alors que le vieil homme a parlé de Jehanne. Et la coïncidence est trop grosse pour n'être qu'une coïncidence, justement.

    - Jehanne ? Vous avez bien dit Jehanne ? Une magnifique jeune femme avec une très longue tresse ?
    - Oui. Elle est la mère de toutes les gargouilles.
    - Vous la connaissez donc ?
    - Oui. Elle est restée ici pendant des décennies. Elle m'a vu naître, tout comme elle a vu naître mes parents. Elle a disparu, depuis quelques jours. J'espère qu'elle va bien.
    - Elle est un peu perdue. Et elle a peur. Mais nous nous sommes trouvés, et nous prenons soin d'elle.
    - Bien.

    Roscelin sourit doucement et c'est tout son visage ridé qui s'éclaire. Puis son regard se perd dans l'entrelacs de pierre, sur le mur face à lui. Saens reprend alors :

    - Il y a vingt gardes en tout. Ils se relayent, évidemment, ce qui fait une quinzaine de gardes en permanence dans la tour.
    - Sont-ils armés ?
    - Oui, mais uniquement de matraques. Ils ont des épées, plus bas, mais je ne sais pas dans quelle pièce exactement.
    - Ils sont facilement repérables ?
    - Ils vous repèreront avant que vous ne le fassiez. Ils portent des uniformes gris, avec un soleil en guise d'écusson.
    - Peut-on s'attendre à de la résistance de la part des autres mages ?
    - Je ne pense pas, non. Tous ne souhaitent pas s'enfuir, c'est vrai, mais ils considèreront sans doute votre arrivée comme un agréable divertissement. Ils n'ont aucun intérêt à vous mettre des bâtons dans les roues. Je veux dire, ils ne portent pas spécialement les hérissons dans leur cœur alors …

    Les quatre amis se regardent, perplexes. C'est Roscelin qui leur vient en aide en expliquant que c'est le surnom que leur a donné Jehanne, faisant référence aux rayons du soleil qui ornent leur écusson. Thémus secoue la tête, l'air désolé. Pèire sourit doucement, amusé. Théoliste, lui, reste songeur. Pense-t-il à Jehanne, enfermée, quelques étages plus bas, avec son compagnon et Osvan ? Elland prend des nouvelles d'Echidna. Visiblement, les gardes sont toujours plus nombreux, et fouillent dans chaque recoin de la ville. Leur seul avantage, à présent, c'est que nul ne peut se douter de leur présence au sein de la Grand Tour Célestis. Thémus, qui a posé toutes les questions d'ordre pratique, poursuit sur sa lancée :

    - Et qui paie ces hommes ? Avons-nous un moyen de les soudoyer ?
    - Je ne pense pas. Ils sont aux ordres des puissants de la ville. Le gouvernement, bien sûr, mais également toute personne assez riche pour s'offrir les services des mages. Même si nous ne voyons pas la moindre pièce, évidemment.
    - Comment se fait-il que personne n'en ait jamais entendu parler ? Plus le nombre de personnes au courant de votre existence augmente, plus le risque est grand qu'une bévue sonne la fin de la discrétion.
    - L'intérêt, bien sûr. Si ça venait à se savoir, les marchands et le gouvernement auraient bien trop à perdre. Et les bourgeois veulent garder cette exclusivité. Et puis, il y a aussi le fait qu'une parole de trop peut bien être la dernière, si vous voyez ce que je veux dire.
    - Je vois, je vois. Vous avez déjà un plan pour sortir d'ici ?

    Saens garde le silence et Roscelin renifle bruyamment. Les quatre amis se regardent et se comprennent sans avoir à dire un mot. Les aider, d'accord, mais de là à planifier l'évasion de dizaines de mages, sans connaître les lieux ni les forces en présence...
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  • Commentaires

    2
    Samedi 17 Novembre 2012 à 10:43
    Blanche

    Huhu !

    La suite viendra, petit à petit ;)

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    1
    Mardi 13 Novembre 2012 à 20:00
    Guenievre

    Merci!

    Je suis vraiment curieuse, maintenant! ^^

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