• Rivemorte, Chap. 33

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    Un cri de terreur absolue résonne soudain derrière eux, les faisant violemment sursauter. D'un même mouvement, ils se retournent, tandis que des bruits de lutte se font entendre. La ruelle qu'ils empruntent n'est que très peu éclairée et, dans la pénombre, ils distinguent tout juste une silhouette massive, perchée sur une autre, qui se débat violemment. Ils se concertent du regard, peu enclins à se mêler d'une bagarre entre ivrognes. D'autant plus qu'entre un éclopé et un gamin, ils risquent plus de se faire casser la figure que de les séparer.

    Mais un grognement sourd met fin à leur hésitation, et ils se précipitent vers le combat. Echidna, plus terrifiante que jamais, les crocs saillants et les iris rougeoyants, surplombe le presque-médecin. Une large tâche assombrit le devant de son pantalon, et il sanglote, pétrifié par la peur. D'une voix douce, pour apaiser sa complice, il lui demande de s'écarter. Elle s'exécute de mauvaise grâce, et vient se poster devant lui, comme pour le protéger. D'une voix à peine audible, il lui explique qui est cet homme qui tente de se relever dignement et de sécher ses larmes. Le temps d'un battement de cil, ce dernier comprend que sa vie n'est pas menacée, et qu'Elland, d'une manière ou d'une autre, peut influencer l'horreur qui l'a attaqué. Alors, d'une voix pressée, il se justifie :


    - Ce n'est pas ce que tu crois Elland. Je te suivais, oui, mais pas pour t'attaquer !
    - Et pourquoi alors ?
    - Pour …

    Il hésite un instant de trop. D'un grognement puissant, Echidna l'incite à dire la vérité. Et Théoliste, tremblant, poursuit :

    - J'espérais que tu me conduirais jusqu'à ton guérisseur miraculeux. Je ne te veux aucun mal, je le jure sur ce que j'ai de plus cher. Je voulais juste savoir.

    La gargouille se redresse sur ses pattes, déploie ses ailes et, les crocs menaçants, lui gronde à nouveau dessus. Elland reste impassible mais il est persuadé qu'Echidna s'amuse follement à terroriser le pauvre homme. Ses paroles ont l'accent de la sincérité : il ne leur veut aucun mal et elle le sait. Mais sa complice semble vouloir le punir d'avoir suivi le voleur. Le presque-médecin essaie visiblement de se calmer, et ose demander :


    - C'est toi qui commande ce monstre ?
    - Ce monstre ?

    Cette fois, c'est Elland qui gronde et qui se fait menaçant, de concert avec sa gargouille. Théoliste déglutit bruyamment, se maudissant sans doute de ne pas voir tenu sa langue. Ménandre, jusqu'alors silencieux, intervient :

    - C'est une gargouille, pas un monstre. Et elle est gentille, sauf avec ceux qui suivent Elland. Et avec ceux qui lui veulent du mal.
    - Une gargouille ? Mais... elle n'est pas censée être un bloc de pierre qui ne bouge pas ? Et qui ne vit pas ?
    - Si. Mais tu vois bien que ce n'est pas le cas.
    - Comment est-ce possible ? C'est... ça défie l'entendement !

    Théoliste paraît avoir oublié toute peur, et ses yeux brillent de curiosité. Son esprit rationnel est à nouveau titillé par cette information, et il veut des explications. Elland, légèrement agacé par ces questions, lui répond sèchement :

    - Tu es beaucoup trop curieux.
    - Elland, écoute-moi, s'il te plait. Je ne te veux aucun mal. Et je n'en veux aucun à ce mons... à cette gargouille. Je... je suis curieux, oui, c'est vrai. Mais c'est uniquement pour mon propre savoir. Je... je n'irais rien répéter, je te le promets. Je... Quand tu es face à un phénomène inexpliqué, ne cherches-tu pas à percer le mystère ?

    Elland est sur le point de répondre mais il s'interrompt. Si, bien sûr que si, il cherche à découvrir la vérité et à obtenir des explications. Même quand on lui fait clairement comprendre qu'il devrait s'abstenir. Surtout quand on lui fait clairement comprendre qu'il devrait s'abstenir. Pour ne pas perdre la face devant son guérisseur, il grommelle quelques mots incompréhensibles, puis l'invite à les accompagner jusqu'à l'Hermine Affamée.
    Du coin de l'oeil, il perçoit la présence d'Echidna, qui continue à veiller sur lui. Il ne peut pas faire entièrement confiance à un homme qui le suit sans s'annoncer, et de toutes façons, il ne souhaite pas prendre la responsabilité de tout lui expliquer. Alors ce sera Pèire qui tranchera.

    Le reste du trajet se fait dans un silence religieux, à peine entrecoupé par les rares bruits de la soirée. Ce n'est qu'en arrivant à l'auberge qu'ils retrouvent des rires et des éclats de voix.
    Une table isolée, quelque peu épargnée par le brouhaha ambiant, les accueille et c'est avec soulagement qu'Elland se laisse tomber sur sa chaise. Il devine également du soulagement sur le visage de Théoliste, qui peut dissimuler les preuves de sa terreur sous la table. Une jolie serveuse, aux formes délicates, s'approche pour leur proposer le menu du soir, et prendre leur commande de boisson. Elland ne peut s'empêcher de lui faire un sourire charmeur, auquel seule l'indifférence lui répond. Boudeur, il laisse l'homme de science décider du repas.
    Le ragoût de viande est délicieux, mais il ne parvient pas à dérider le presque-médecin habituellement si jovial. Elland, perdu dans ses pensées, mange dans un état second. Ménandre se charge parfois de faire la conversation, mais il peine à obtenir leur intérêt.

    C'est l'arrivée de Pèire, à la fin du repas, et surtout des chopes de bières qu'il amène, qui met un terme à la morosité ambiante. Alerté, il leur demande ce qu'il se passe, et il ne leur faut que quelques minutes pour lui résumer la situation. Pèire, lui, n'hésite pas, et dans un chuchotement, il explique l'essentiel au presque-médecin. Mais à peine croit-il en avoir terminé que Théoliste l'assaille de questions, enhardi par la bière et la franchise du tavernier. Vaguement amusé, Elland les écoute en silence. Ménandre s'est endormi sur la table, la tête posée sur ses bras. Fatigué tant physiquement que moralement, Elland profite de cette excuser pour annoncer aux deux hommes qu'ils vont se coucher et les salue. Ménandre se réveille en sursaut dès qu'Elland s'approche de trop près et, titubant de sommeil, l'accompagne jusqu'aux étages.

     

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  • Commentaires

    2
    Jeudi 24 Février 2011 à 11:20
    Blanche

    Je modifie la taille des caractères de ce pas :p

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    1
    Mercredi 23 Février 2011 à 15:26

    Vous n'avez pas pitié de nos yeux. De grâce, ne pourrait-on pas bénéficier de plus gros caractères ? J'ai abandonné ma lecture... pourtant intéressante.

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