• Rivemorte, Chap.37

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    - Je n'ai pas le temps de boire aujourd'hui Thémus.
    - Je m'en doute. Mais nous serons plus tranquilles pour discuter.

    Après avoir vaguement marmonné son accord, Elland le suit jusqu'à l'arrière-boutique et s'installe sur une chaise. Puis, sans perdre de temps, pressé d'en finir, il déballe les bijoux volés. Thémus, indifférent, se sert tout de même un verre, tout en lui annonçant :

    - D'après mes informateurs, ta logeuse a vendu tes affaires à des marchands ambulants. Ils ont quitté la ville hier au soir, juste avant que les portes de la ville ne soient fermées pour la nuit. Ils se dirigent actuellement vers Fiermont. Mais leur convoi est bien gardé, ils ont engagé des mercenaires...
    - Comment es-tu au courant ?

    Le sang du voleur s'est glacé dans ses veines, et il imagine, horrifié, être l'objet de rumeurs et de moqueries dans tous les bas-quartiers de la ville. Mais le cordonnier l'apaise d'un geste de la main, et lui sourit :

    - Personne n'est au courant, c'est Ménandre qui est venu m'en parler ce matin. Je me suis permis de mener ma petite enquête, rien de plus. Ne t'inquiète pas, ça ne s'ébruitera pas.

    Encore ce gamin ! Il n'a pas dormi longtemps mais ça a suffit à Pèire et Ménandre pour manigancer ... Mais c'est la reconnaissance qui prédomine sur la colère, et la gorge nouée par l'émotion, Elland est incapable de répondre quoique ce soit. Pèire, Ménandre et Thémus l'aident encore, et ça le surprendra toujours. Avisant le trouble de son hôte, le cordonnier se relève et lui remplit un gobelet d'hydromel. Et c'est avec avidité qu'Elland en boit une bonne moitié. Thémus est allé chercher une bourse rebondie dans l'un des nombreux placards qui tapissent les murs. Jouant machinalement avec l'escarcelle, il poursuit :

    - Comme je te le disais, l'attaque des marchands ambulants est périlleuse, et risque d'attirer l'attention sur nous. Mais si tu le souhaites, il te suffit de m'en toucher un mot, et cette attaque se fera.
    - Non, je me débrouillerai.

    Savoir que ses affaires sont entre les mains de marchands ambulants lui a ôté tout espoir. Jamais plus il ne les retrouvera. Et s'il sait bien que Thémus récupérera toutes les autres affaires volées dans l'attaque du convoi et qu'il ne sera donc pas perdant dans l'histoire, il ne souhaite pas pour autant l'impliquer davantage. Thémus poursuit, imperturbable :


    - De toutes façons, j'ai une autre solution à te proposer. Une connaissance est allée rendre visite à ta logeuse. Elle t'adresse ses plus sincères excuses, et elle a décidé de te rendre la valeur des biens vendus.

    Le regard du voleur se vrille dans les prunelles de son vis-à-vis, cherchant à percevoir la vérité derrière ces faits enjolivés. Elle aurait rendu l'argent de son plein gré ? Sans hésiter ? Sans essayer de l'arnaquer ? Le sourire carnassier de Thémus lui répond par la négative.

    - Merci beaucoup Thémus. C'est …
    - C'est normal. Elle n'avait pas le droit de profiter de la situation. Donc cette bourse est à toi. Elle te permettra de remplacer la plupart de tes affaires.
    - Et les bijoux alors ?
    - Je vais te les prendre. Et te les payer d'avance, pour que tu aies de quoi voir venir.
    - Merci beaucoup.
    - Tu commences à radoter...

    Le sourire du cordonnier se fait chaleureux, et il lui glisse dans la main la bourse de sa logeuse. Puis, avec toute la minutie des professionnels, il examine soigneusement chaque pièce apportée par Elland. Hochant la tête devant la qualité des objets, il marmonne des chiffres, puis se lève et va fouiller dans un autre placard. Enfin, il revient et dépose un joli tas de monnaie devant le voleur.

    - Voilà pour toi. Ah, et au fait ! Tu sais, au lieu de donner ton argent à un logeur peu scrupuleux qui t'arnaquera dès que tu auras le dos tourné, tu aurais meilleur compte à accepter l'offre de Pèire. Et puis, tu sais, sa taverne vient juste d'ouvrir, il dormirait sans doute plus facilement avec l'assurance d'avoir un loyer régulier, même si ce n'est qu'une partie de ses revenus.

    Les yeux plissés, Elland observe le cordonnier, qui garde un air détaché. Ils se sont ligués pour le convaincre de vivre à l'Hermine Affamée. Et ce satané bonhomme, en face de lui, sait parfaitement qu'en utilisant cet argument, il touche une corde sensible. Grognon, avec l'impression de s'être fait avoir, encore une fois, Elland empoche l'argent et se lève. Il marmonne un vague
    « J'y réfléchirai. Merci pour tout » et termine son verre. Le tintement de la clochette lui offre l'excuse idéale pour déguerpir, non sans avoir salué Thémus comme il se doit.

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