• Rivemorte, chap.46

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    L'employée de maison est rapidement de retour, et les invite cette fois à la suivre jusqu'à un salon aussi grand que l'Hermine Affamée, où chaque objet suinte le luxe et l'opulence.
    C'est un homme relativement jeune, à peine plus vieux qu'Elland, qui les attend dans un confortable sofa brodé d'or et d'argent, un verre d'absinthe à la main. Ses cheveux sont aussi blonds que ceux d'Elland sont noirs. Si les iris du voleur ressemblent à deux obsidiennes, ceux de Tanorède Guevois sont deux saphirs limpides. Ses vêtements sont impeccablement coupés dans une épaisse étoffe exotique. Le bourgeois les contemple de la tête aux pieds, sans leur offrir de s'asseoir. Rarement Elland s'était senti aussi misérable. Il refuse cependant de se laisser intimider, contrairement à Ménandre qui tente de se dissimuler derrière le voleur, et explique :


    - Merci de nous recevoir. On nous a indiqué que vous auriez peut-être connaissance de l'endroit où se trouve Maelenn, une amie de Ménandre.

    Il désigne le gamin qui se cache derrière lui d'un large geste de la main, le cœur battant à la chamade. Les iris glacés de leur interlocuteur s'éclairent soudain d'une lueur chaleureuse et un sourire vient illuminer son visage froid. Tanorède se relève vivement et s'exclame :

    - C'est donc toi Ménandre ! Montre-toi un peu, que je te regarde de plus près !

    Il dépose son verre sur un guéridon, et s'approche du gamin, qui s'est légèrement avancé, les joues rosies par l'embarras. Tanorède s'accroupit devant lui et dévisage longuement le jeune garçon avec un air de bienveillance infinie. Il lui explique :

    - Maelenn m'a tellement parlé de toi ! Elle s'inquiétait de ne pas avoir de tes nouvelles.
    - Vous la connaissez alors ?
    - Bien sûr ! C'est ma future épouse !

    Les yeux écarquillés, la bouche grande ouverte, Ménandre accuse le coup. Riant doucement de sa mine, le bourgeois reprend son verre et retourne s'asseoir. Puis avec nonchalance, les laissant toujours debout, il leur explique :

    - Elle venait me livrer parfois et le charme a opéré. Dans les deux sens, semblerait-il, puisqu'elle a bien voulu de moi également. C'est véritablement une perle.
    - Serait-il possible de la voir ?

    C'est Elland qui a parlé, Ménandre, lui, en est parfaitement incapable. Encore sous le choc des révélations, il ne se remet que lentement. Mais à la question du voleur, il hoche vivement la tête, sans doute persuadé qu'il sera plus à l'aise avec son amie. L'homme esquisse un sourire contrit, et leur annonce :

    - Elle n'est pas là actuellement. Elle est partie, accompagnée de ses suivantes, essayer sa robe de mariage. Et vous connaissez les femmes comme moi : le temps qu'elle trouve la robe de ses rêves, qu'elle papote avec ses amies et qu'elle déambule dans les boutiques, je doute qu'elle rentre avant la nuit.

    Ménandre semble réellement déçu, et le voleur pose une main compatissante sur son épaule. Un peu agacé, Elland se demande s'il finira par rencontrer, un jour, cette fameuse Maelenn. Le silence s'abat sur le salon. C'est Tanorède qu'il le rompt en leur proposant :

    - Et si vous veniez dîner avec nous ce soir ? Je suis persuadé qu'elle sera absolument ravie de vous avoir pour invités. Et vous pourriez parler du bon vieux temps toute la soirée !

    Enfin, le visage du gamin s'éclaire de joie, et avant qu'Elland puisse dire le moindre mot, il accepte l'invitation. Le bourgeois sourit, visiblement ravi lui aussi. Puis, avec délicatesse, il leur indique qu'il a à faire, et qu'il les attend vers vingt heures.

    Ménandre peine à retenir son excitation lorsqu'ils regagnent la Fontaine aux Dragons. Il trépigne d'impatience et s'interroge sur les vêtements à porter pour cette soirée extraordinaire. Elland, amusé, sourit en l'entendant. Lui aussi est agréablement surpris, pour d'autres raisons : il s'imaginait les bourgeois bien plus hautains. Il ne s'attendait certainement pas à une telle invitation. Mais si ce Tanorède Guevois compte épouser une roturière, il doit avoir l'esprit bien plus large que ses semblables. Quoiqu'il en soit, ils ont retrouvé Maelenn et la joie de Ménandre compense largement les efforts fournis.

    Ils prennent le chemin le plus court pour rejoindre l'Hermine Affamée et annoncer la bonne nouvelle à Pèire. Bien malgré lui, Elland se demande également comment il doit se vêtir pour ne pas ressembler à un des employés. Non, en fait, à la réflexion, même les employés sont mieux habillés que lui. Soudain, un bruit inhabituel lui fait tendre l'oreille, malgré les bavardages incessants de Ménandre, et chasse définitivement ses réflexions. Se servant d'une enseigne impeccablement lustrée, il observe ce qu'il se passe derrière eux. Puis, alors qu'ils s'approchent des quartiers plus pauvres, il fait mine de regarder un étal. Son cœur s'emballe dans sa poitrine. Quatre hommes les suivent. Il reprend sa marche, comme si de rien n'était, mais s'arrête quelques pas plus loin et s'agenouille. Ménandre, qui remarque juste son manège, s'arrête à côté de lui. Dans un murmure, le voleur lui dit :


    - Ne te retourne pas. Nous sommes suivis. Enfuis-toi dès que je te le dis.

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