• Rivemorte, Chap.73

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    Il manque de s'étouffer dans son bâillon, terrifié par l'arme qui s'approche inexorablement de lui. Son cœur bat si vite qu'il menace de céder à tout instant et résonne dans ses oreilles. Il se débat autant qu'il le peut, s'épuisant inutilement car ses liens sont bien serrés et il ne parvient qu'à s'écorcher les mains contre le mur de pierre. Elle plante son regard dément dans celui, affolé, du voleur. Et d'une voix autoritaire lui ordonne :

    - Cesse de gigoter ! Je vais te blesser...

    Ce ne sont pas ses paroles qui finissent par le calmer, car en vérité, elles n'ont strictement rien de rassurant. Non, c'est qu'à force de se débattre, il est à bout de souffle, et le bâillon l'empêche de respirer comme il le voudrait. Il commence à voir des points noirs danser devant ses yeux. Résigné, il se calme donc. Et puis, peut-être veut-elle le libérer ?

    Avec une douceur surprenante, elle défait les deux premiers boutons de sa chemise. Le couteau ne servira pas à trancher ses liens, il en a désormais la certitude. La panique le fait se débattre à nouveau, vainement. La folle plaque une main sur sa gorge, l'immobilisant d'une manière redoutablement efficace, et pose la lame de son arme sur la peau nue, juste en haut du sternum. Dans un éclair de douleur, il sent la chair rompre et le couteau tracer un sillon sanglant. Puis, alors qu'elle garde un sourire insensé, elle plonge les doigts dans un mélange visqueux contenu dans un bol et lui applique sur la plaie à vif. Une douleur insoutenable le fait hurler sous son bâillon. C'est comme si elle lui versait du plomb fondu dans la plaie. La panique, la main appuyée sur sa gorge et la douleur, se mariant en un mélange redoutable, lui font perdre connaissance.

    Il est allongé sur le flanc gauche, calé par le mur. Sous lui, une hideuse couverture, d'un gris indéterminé, le protège un petit peu de la fraîcheur du plancher. Il a froid. Et soudain, la douleur se réveille. Le haut de son torse le brûle affreusement, comme si on avait rempli la plaie d'un produit corrosif et qu'il s'attaquait maintenant aux os. Et sa joue droite, où la balafre devrait être en train de cicatriser, lui fait ressentir la même impression. Il mord sauvagement dans le tissu qui envahit toujours sa bouche, pour ne pas crier sa douleur et attirer l'attention, mais ne peut empêcher les larmes de ruisseler aux coins de ses yeux.

    Un bruissement de tissu, des pas légers qui s'approchent, et toujours ces mots, marmonnés, psalmodiés « C'est fascinant. Proprement fascinant ». Le regard dans le vague, il revit les heures passées en compagnie du Comain. La douleur, le plaisir de faire souffrir l'autre, tout lui revient en mémoire comme si ça ne s'était jamais arrêté.
    Elle s'accroupit auprès de lui, mais il n'a plus la force de lutter. Avec une tendresse surprenante, elle ramène une mèche de cheveux rebelles derrière l'oreille du voleur, avant de lui murmurer :

    - C'est douloureux ?

    Il ne peut pas répondre, toujours bâillonné, mais ses yeux lui jettent un regard furieux. Elle prend un air presque désolé pour lui, avant de se relever. Puis, marmottant entre ses dents, elle s'affaire près de l'âtre, comme si elle avait déjà oublié sa présence. Il tente discrètement de défaire ses liens, en vain, avant d'essayer d'oublier la douleur pulsatile. Lorsqu'il entend les pas se diriger à nouveau vers lui, il frémit. Une peur panique lui noue le ventre, et s'il voudrait pourvoir se défendre, pouvoir se venger, il sait qu'il ne peut rien faire.

    Elle le redresse, comme la première fois, à grand peine. Et comme la dernière fois, il ne fait rien pour l'aider, essayant de gagner encore quelques minutes de répit avant de subir à nouveau d'insupportables douleurs. Mais presque avec tendresse, elle dénoue le bâillon et porte à ses lèvres un bol rempli d'un liquide brûlant.


    - Non. Je ne boirai pas.
    - Ça apaisera ta souffrance.
    - Je ne vous crois pas, vieille chouette, vous allez encore me faire mal.
    - C'est une infusion de souci. Ça te soulagera.

    La voix de la femme a des accents de vérité, et Elland se rappelle avoir entendu ce nom avec Théoliste. La douleur est trop forte pour qu'il hésite encore. Soit ce breuvage la calmera, soit il le fera sombrer, mais tant que la douleur disparaît...

    Le liquide est agréablement chaud et soulage sa bouche asséchée. En quelques secondes, cette vague de chaleur atteint les plaies et réduit légèrement la douleur. La femme esquisse un sourire en voyant son visage se détendre. Puis c'est tout son corps qui s'engourdit. Peu à peu, il perd tout sensation dans ses jambes, puis dans ses bras. Les battements de son cœur ralentissent, eux aussi. Ses pensées sont lentes, freinées, avant de s'éteindre complètement. Le néant le sauve de la folie ambiante.
    « La Caverne de la Glace Noire, J.V. JonesLa nuit des Enfants Rois, Bernard Lenteric »

  • Commentaires

    4
    Jeudi 7 Juillet 2011 à 07:15
    Blanche

    Oui :D

    Et je le vis plutôt bien. Bon, la vérité, c'est que je suis pas mal occupée en ce moment, et que j'ai beaucoup, beaucoup de mal à terminer cette histoire. Mais ton article m'a redonné un sacré coup de boost, et je m'y attèle dès que je le peux, promis.

    Et la suite sera publiée d'ici deux jours ;)

    3
    Jeudi 7 Juillet 2011 à 03:05
    AnémoneC'est tout

    -_-'

    C'est vraiment diabolique...

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    2
    Mercredi 6 Juillet 2011 à 22:39
    Blanche

    Mouahahahahahah.

    Encore beaucoup de chapitres avant que tu n'aies la réponse ;)

    1
    Mercredi 6 Juillet 2011 à 21:06
    Anémone

    D'accord, j'ai vraiment hâte à la suite!!!!!!! Et où est ce sacré de bon sang de

    Ménandre? 

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