• Rivemorte, Chap.87

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    Un soleil éclatant pénètre à flots par la fenêtre. La petite pièce est vierge de toute vie, uniquement occupée par d'innombrables caisses en bois. Tour à tour, Thémus et Pèire émergent à l'air libre. Ils n'en soufflent pas mot, mais ils semblent soulagés. Elland l'est également, même s'il ne le reconnaitrait pour rien au monde. Ils referment la trappe derrière eux et explorent la salle.

    Ce sont des bouteilles de vin qui, soigneusement alignées, sont rangées dans ces caisses. Une petite étiquette sur le verre leur apprend les nombreuses origines des différentes bouteilles. Ils ne sont pas chez un producteur, mais sans doute chez un revendeur. Plus difficile donc de l'identifier. Avec précaution, Elland s'approche de la seule et unique porte de la pièce et, puisqu'elle n'est pas fermée à clef, il l'ouvre lentement. Aussitôt, une multitude d'odeurs l'assaillent. Nourriture, plantes, détritus, toutes ses mêlent pour former un étrange mélange qu'il connait bien : l'odeur des rues de Rivemorte. Et en effet, les passants se pressent, indifférents. Pèire et Thémus sortent à sa suite, et fermant la porte, ils s'éloignent vivement.

    Ils sont dans le quartier commerçant, plus exactement au niveau des entrepôts. Que leurs ennemis gardent cette porte déverrouillée leur semble assez logique : après tout, ils sont amenés à entrer ou à sortir à n'importe quel moment. Mais comment se fait-il dans dans cette ville, un entrepôt de vin à la porte ouverte ne soit pas pillé régulièrement ? La réponse leur apparaît très vite : l'entrepôt est situé quasiment au bout de la rue. Toute proche de l'artère principale de Rivemorte, qui relie la porte Nord au centre de la ville. Et comme les entrepôts sont le long des remparts, ils sont sous les yeux des gardes qui surveillent les entrées et les sorties. Aucun pilleur ne viendrait ici, préférant se rabattre sur des quartiers où seule la milice patrouille.

    Ils s'avancent sans bruit, ressassant leur découverte et ce qu'elle implique. C'est pour cette raison que les patrouilles nocturnes ou diurnes n'ont rien donné. Leurs ennemis peuvent aller n'importe où dans la ville sans être vus. Et ils peuvent en sortir sans problème. Ils sont invisibles.

    Le retour à la taverne se fait en silence, mais les mines sont moroses. Elland, marchant un peu en retrait, essaie de faire le point. Ils sont sortis de la demeure de Tanorède. Il a la certitude qu'à ce moment là, le bourgeois a envoyé ses hommes à leurs trousses pour les faire taire et faire cesser leurs recherches. Tandis qu'il combattait, l'un des hommes a capturé Ménandre, l'a emmené avec lui jusqu'à l'immeuble proche, où il avait la possibilité de prendre les galeries souterraines. Voilà pourquoi ils ne trouvaient aucun témoin. Voilà pourquoi leurs recherches ont été vaines.

    Mais maintenant ? Fouiller toutes les galeries, qui se ramifient sous toute la ville, avec le risque de croiser leurs ennemis, est une tâche colossale. Même si Thémus met tous ses hommes sur le coup, ils ne pourront jamais tout explorer. Mais c'est leur unique piste, leur seule solution pour agir au lieu de rester les bras croisés à attendre que Ménandre réapparaisse soudainement. Mais même s'ils découvrent l'endroit par où est passé l'homme, que feront-ils, une fois à la surface ? Il n'aura certainement pas laissé une trace fléchée indiquant la direction qu'il a pris...

    Visiblement, Pèire et Thémus en sont arrivés aux même conclusions : silencieux, ils ont un visage fermé et le découragement peut se lire dans leurs yeux. Mais pour rien au monde ils ne l'avoueraient. L'heure du déjeuner n'est pas encore arrivée, aussi la taverne est-elle déserte, uniquement animée par la serveuse qui prépare les tables et la cuisinière qui ronchonne derrière son fourneau. Mais dès que la serveuse les voit entrer, elle se précipite vers eux. Et le temps qu'elle les atteignent, tous ont senti cette odeur, pour le moins saugrenue, qui a envahit la salle principale et éclipse complètement le fumet du déjeuner.

    La jeune femme semble paniquée. Le cœur serré, ils s'attendent tous à entendre une mauvaise nouvelle. Et ils ont raison. Mangeant la moitié de ses mots tant elle parle vite, elle s'adresse au tavernier :


    - Pèire, tu dois absolument monter dans la chambre de la folle. C'est horrible. Tu dois faire quelque chose !
    - J'y vais de ce pas, Nérilda. Ne t'inquiète pas.

    Sans épiloguer, Pèire se dirige d'un pas vis en direction des chambres, suivi comme son ombre par Elland et Thémus. A mesure qu'ils gravissent les escaliers, l'odeur se fait plus forte : un subtil mélange de chair brûlée et d'herbes acides carbonisées. C'est avec appréhension qu'ils poussent la porte de la chambre. Et l'étendue des dégâts les laisse pantois.
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