• Les mondes oniriques

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    - Passe-moi ma dose !
    - Non Manu, pas aujourd'hui.
    - J'ai du fric !
    - J'ai mieux à te proposer. La dernière nouveauté.
    - Je veux ma dose Tim !
    - Ecoute-moi Manu. C'est extraordinaire ! Tu vas planer comme jamais. Tu vois cette pilule ? C'est de la Morphéine, elle te permet de t'infilter dans les rêves des gens, tu deviens le roi du royaume de Morphée. Mieux, tu deviens le rêveur ! Fais-moi confiance mec, tu vas adorer !

    Dans ma paume ouverte, le cachet blanc me tente sournoisement. Tim a réussi à me convaincre, je suis reparti sans ma dose, mais avec ça. Et j'ai terriblement besoin d'aller ailleurs.
    Je fais fondre le comprimé sur ma langue, et me laisse tomber dans mon canapé vieillissant, attendant impatiemment que le miracle promis se produise.

    Je suis dans une cour, sous un soleil radieux. Les contours de ma vision sont flous, et je ne peux pas tourner la tête pour mieux voir. Il y a des dizaines de personnes, les femmes avec de longues robes à fleurs, les hommes endimanchés. Moi aussi, je porte une robe, d'une blancheur virginale. Tous les gens qui m'entourent me sont familiers : ma famille, mes amis sont présents. Nous sommes réunis pour une fête, mais je n'arrive pas à savoir laquelle. Ils rient, ils dansent, et je me sens étrangement bien, heureuse.
    Un vieil homme me propose une danse, et j'accepte avec un plaisir indescriptible. Je vois les traits de mon grand-père avec netteté, contrairement aux autres personnes qui me paraissent floues. La musique est entrainante, ma robe virevolte autour de moi, et son visage ridé est illuminé par un sourire magnifique. Nous nous rapprochons, et je pose ma joue contre la sienne, guidée par un élan d'amour. Je me recule soudain vivement : sa joue à la froideur d'un cadavre.

    Je suis dans mon appartement, sur le seuil de la salle de bain. Mon aimée est là, face à moi, superbe dans sa nudité. Son sourire se fait enjôleur, et je succombe, comme toujours. Je m'avance vers elle, sentant le plaisir enfler dans mon bas-ventre. Nos corps se frôlent, ardents, et nos...

    Je suis dans une immense forêt, et je cours. Une étrange excitation s'empare de moi lorsque je le vois, ce papillon aux couleurs bigarrées, dont la course semble erratique. Je glousse d'un rire enfantin, et me précipite à sa suite. Les couleurs chatoyantes dansent avec les rares rayons de soleil qui traversent le feuillage dense. Il me conduit jusqu'à un palais caché de tous, où vivent pêle-mêle Barbie, Cendrillon, le Prince Charmant, et Dora l'Exploratrice. Il y a même un bébé dragon qui s'approche de moi, avec sa démarche chaloupée. J'éclate de rire, ravie, et je vois mon reflet dans son regard éperdu d'amour : je suis une petite fille habillée en princesse. Ils viennent tous de près de moi, attentifs au moindre de mes désirs. Je garde mes bras autour du cou du bébé dragon, il est mon ami, et on restera ensemble pour toute la vie ! Et je ris, encore et toujours, d'un bonheur pur, presque originel.

    Je m'avance le long d'une côte maritime. Il fait nuit noire, et je sens à mes côtés une femme. Je ne la connais pas bien, mais je sais qu'elle est bienveillante. Nous arrivons vers une crique, la plage est noyée dans l'obscurité, mais sur les vagues se reflètent les éclats de lune. Tout est très calme. Étrangement, je me sens oppressé. Comme si ce calme masquait de sinistres machinations.
    De part et d'autre de cette crique se dressent d'immense falaises dont je ne vois pas le sommet. Et pourtant, j'y devine de grands prés, avec de hautes herbes folles qui bougent au rythme du vent. Des enfants y courent en riant aux éclats, même si je ne les vois pas. Leurs rires me semblent maléfiques, une terreur indicible me serre le coeur. Il n'y a rien de rationnel, je suis sur cette plage, la femme est à côté de moi, et j'ai peur, terriblement peur. A tel point que je m'effondre sur le sable, secoué de spasmes. Elle s'agenouille à côté de moi. Et soudain, une foule s'agite autour de moi pour éviter ma mort. Mais ils ne peuvent rien faire. Peur à en mourir... J'entends un homme qui déclare l'heure de mon décès, accompagné d'un bip-bip lancinant.

    Je suis assis à côté d'Elle. Ma muse, l'amour de ma vie, mon âme soeur. Je ne la vois précisément, mais je sais que c'est elle : elle seule peut m'apporter ce sentiment de plénitude. Elle parle, mais je ne l'entends pas, fasciné par ses boucles noires qui sautillent au rythme de ses hochements de tête. Ses yeux pétillent, elle me parle de quelque chose qui lui tient à coeur. Je sais que je souris. Elle a vu que je ne l'écoutais pas vraiment, et elle se jette sur moi. Elle me frappe ! Je la maitrise sans peine, elle est si fragile. Elle me mord une oreille ! J'imite le grognement d'un ours, art que je maitrise à la perfection. Elle éclate de rire. Je lui tire la langue, la bougresse ose se moquer de mon grognement. Elle la happe.

    Je suis sur un champ de bataille. L'odeur de terre humide, mêlée à celle du sang, me prend à la gorge. Il y a des hommes à terre, beaucoup trop, et je peux voir à leurs blessures qu'ils ne se relèveront jamais. Les bombardements se poursuivent, inlassablement. Je suis terré dans une tranchée, comme le pleutre que je suis, ne pensant qu'à sauver ma peau. Mon meilleur ami est tout proche, mort. Mon tour arrive...

    Il fait noir, et il n'y a rien d'autre que le néant. Aucune image ne vient troubler cette douce quiétude. Aucun bruit n'interfère dans ce repos de l'âme salvateur. Ni joie ni peine. Rien.

    J'ouvre brusquement les yeux. Je suis chez moi, sur mon canapé vieillissant, et je tente de reprendre mon souffle. L'aube dispense de pâles couleurs sur les murs. Je suis resté plusieurs heures dans les songes des autres. Je me lève, un peu chancelant. Je dois aller voir Tim, il me faut encore de la Morphéine.

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