• Rivemorte, Chap.112

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    La nuit tombe sur le campement. La journée a passé doucement. La pression est enfin retombée alors ils en profitent pour se reposer, manger, panser leurs plaies. Théoliste aborde enfin une mine un peu plus avenante : Anthelme s'est réveillé. Les nouvelles ne sont pas bonnes pour autant : même s'il est un peu tôt pour l'affirmer avec certitude, le blessé semble avoir des séquelles. Osvan est toujours inconscient.

    Les mages s'affairent, chuchotent entre eux et préparent déjà leur avenir, décidant de leur lieu d'exil. Thémus passe entre eux, à grands pas rageurs, un pli soucieux sur le front. Sa femme et ses hommes sont sans doute encore aux mains des gardes de Rivemorte et avec la fuite des mages, Thémus préfèrerait les savoir en sécurité auprès de lui.

    Ménandre s'amuse comme un petit fou, faisant léviter tout ce qui croise son regard, sous la surveillance de Pèire et Elland. Les deux hommes essaient, eux aussi, de donner vie à un semblant d'avenir, à Rivemorte ou ailleurs. Ailleurs, de préférence, le temps que les choses se calment. Mais il reste la femme de Thémus, entre les murs de la ville, et ils ne peuvent pas l'abandonner à son sort.

    La douceur de Maelenn aide Jehanne à garder un semblant de contrôle sur son esprit torturé, tandis qu'elles s'affairent autour du feu. Mais la créatrice des gargouilles s'est enfoncée trop loin dans la folie pour que de simples paroles puissent la ramener.

    C'est Pèire qui, le premier, apprend le problème. Echidna est revenue à la vie et a repris sa surveillance. Il ne lui a pas fallu bien longtemps pour réaliser l'ampleur des complications. Une bonne vingtaine de mages a disparu. Pour en avoir le cœur net, Pèire se met à la recherche de Saens, qui pourrait l'aider à les identifier et, peut-être, donner les raisons de leur absence. Mais Saens est introuvable.

    Soudain, le campement est en état d'alerte. Les soldats ont sans doute réussi à les trouver et se sont emparé de certains d'entre eux, ne laissant que les femmes et les blessés. Car ils découvrent bien vite que seuls les mages les plus puissants se sont envolés. Thémus reprend aussitôt les choses en main. Ils se rassemblent autour du feu, avec interdiction absolue de s'éloigner. Ils sont tous aux aguets, prêts à défendre chèrement leur liberté et leur vie. S'ils sont bien plus vulnérables qu'à leur sortie de la Tour, amputés de leurs plus forts alliés, ils ne se laisseront pas reprendre sans lutter. Ils ont expérimenté la liberté et ils y ont pris goût.

    Echidna survole le campement, prête à les informer de la progression des soldats. C'est elle qui remarque les deux mages, en faction devant la sortie du labyrinthe. Somnolents, certes, mais bien vivants et presque alertes. Aussitôt averti, Thémus, Elland et Pèire vont les rejoindre. Ils ont besoin de savoir s'ils ont vu quelque chose d'anormal.
    Aucun soldat n'est passé par là. Les mages n'ont rien remarqué, aucun mouvement suspect. Mais Elland devine, dans le regard fuyant de l'un et dans le mutisme de l'autre, qu'ils ne disent pas toute la vérité. Sa voix se fait dure quand il les interroge :


    - Ils vous ont demandé de fermer les yeux, c'est ça ? Qu'est ce qu'il vous ont promis, en échange de votre trahison ? Une cellule plus confortable ?

    Les deux mages pincent les lèvres et s'absorbent dans la contemplation de leurs bottines. Le grondement de Thémus les fait frémir. Et l'un d'eux avoue :


    - Aucun soldat n'est venu. Je vous le jure. Personne. Mais certains mages sont partis. Ils étaient menés par Saens.
    - Tu veux nous faire croire qu'ils seraient partis comme ça ? Sans prévenir personne ? Et pour aller où ?
    - Je... Je ne sais pas. Saens nous a juste demandé de taire leur départ jusqu'à ce que vous le remarquiez. Il a dit qu'ensuite, il serait trop tard.
    - Trop tard ? Mais trop tard pour quoi ?
    - Ils ne nous ont rien dit ! Je vous le jure ! On ne sait rien.

    Les trois amis se concertent du regard. Bien sûr que les gardes ne sont pas dans les secrets des mages renégats. Que la disparition n'ait rien à voir avec les soldats ne les soulage que temporairement : le problème, désormais, c'est de savoir où ils sont partis et pour quelle raison les ont-ils abandonnés. Perdus dans leurs pensées, ils regagnent le camp. C'est une nuée de visage affolés qui scrute leurs visages à la recherche d'information. Thémus, de sa voix puissante, les rassure tant bien que mal. Mais difficile à faire quand on ignore tant de choses.

    Une douce tranquillité émane d'Echidna, qui survole les alentours du camp. Ils sont seuls, perdus au milieu de cette forêt. Loin de tout ennemis mais amputés de leurs meilleurs mages. Indifférent à l'agitation générale et au brouhaha que suscite l'annonce de Thémus, Elland réfléchit. Les mages renégats n'ont pas pu partir comme ça, pour aller s'installer dans une autre ville. Illogique. Ils les auraient prévenus. Et puis, pourquoi tous ensemble ? Pourquoi les plus puissants d'entre eux ? A moins... à moins qu'ils soient partis dans l'intention de former une sorte de clan, une secte de mages ivres de pouvoir. Voire de vengeance. Oui, ils pourraient bien s'isoler du reste du monde pour peaufiner leurs plans, maintenant qu'ils sont libres. Attendre leur heure en s'armant, en s'entraînant, en recrutant. Et quand ils seront prêts, déferler sur le continent et réduire les habitants en esclavage. Perpétrer le plus grand massacre de tous les temps et régner sur le monde tout entier. C'est bien possible, oui.

    Un frisson d'horreur lui parcourt l'échine et il redresse vivement la tête. Il croise le regard inquiet de Pèire, qui réalise immédiatement le trouble d'Elland et qui, d'un geste, l'invite à le suivre à l'écart des mages. Fébrile, le voleur s'empresse de le rejoindre. Il doit lui faire part de ses doutes. Ils doivent empêcher les mages de mettre le continent à feu et à sang.
    La voix grave et rassurante de Pèire le calme suffisamment, lorsqu'il lui demande les raisons de son trouble, pour qu'Elland puisse partager ses craintes :

    - Seuls les mages les plus puissants sont partis. Je ne t'apprends rien. Je pense que c'est parce qu'ils veulent dominer le monde.

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