• Rivemorte, Chap 83

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    - Tu devrais aller te reposer, Pèire.
    - Je ne peux pas, pas tant que Ménandre est entre les mains de ces hommes.
    - Il a besoin que tu sois efficace dans tes recherches. Et être reposé te rendra efficace. Et maintenant, il y a Jehanne ici. Si elle se réveille et erre dans la taverne, ça pourrait poser problème.

    L'argument fait mouche et le tavernier baisse la tête. Posant une main sur l'épaule de Pèire, Elland le remercie pour ses explications et lui souhaite bien du courage. Puis, grimpant les escaliers, il se rend dans son antre. Il n'y reste que le temps de faire un brin de toilette et de se changer, puis se faufile à travers la lucarne pour rejoindre Echidna. Ils survolent un moment la ville, sans rien apercevoir d'étrange. En fait, seul compte le plaisir qu'ils éprouvent, tous les deux, à voler en parfaite symbiose, unis par la pensée. L'image du lieu de l'attaque s'impose dans son esprit. Presque aussitôt, Echidna met le cap vers cette ruelle. Du regard, ils cherchent tous les deux l'immeuble qui pourrait servir de repaire à leurs ennemis. C'est la présence d'un homme, allongé sur le toit le plus haut du quartier, qui les aide. La gargouille vient se poser non loin de lui, le faisant sursauter. Il se recule vivement en découvrant ce monstre de chair. Elland chuchote aussi :

    - Pas de panique, elle ne mord pas.

    Dans un coin de son esprit, il peut entendre le reniflement méprisant d'Echidna. Fichue susceptibilité. Mais ça fonctionne et l'homme se calme.

    - On m'avait dit que les gargouilles patrouillaient aussi. Mais je n'en avais jamais vu d'aussi près.
    - Elles sont impressionnantes, oui. La surveillance donne quoi ?
    - Rien. Rien du tout.
    - C'est où ?
    - Le second immeuble sur notre droite. Celui à trois étages.

    Elland, suivant les instructions de l'homme de Thémus, braque son regard sur l'immeuble en question. Parfaitement anodin, rien ne laisse à penser qu'il pourrait abriter d'aussi sombres activités. Se sermonnant, Elland réalise que non, ces hommes si prudents ne mettraient pas un panneau sur la façade annonçant leurs occupations. Le voleur s'installe à côté de l'homme de Thémus, Cilas apprend-il, et ils discutent un moment, de cette traque, de leurs rôles. Ils échangent des théories, assez farfelues. Rien de bien intéressant, en somme, si ce n'est qu'ils font passer le temps et luttent contre le sommeil. Jusqu'à ce que, soudain, deux hommes se faufilent hors de l'immeuble. L'aube est encore loin et la ville est endormie. Seuls les boulangers sont au travail à cette heure, mais Elland est convaincu que les deux énergumènes qui avancent discrètement ne sont pas des boulangers. Echidna s'envole aussitôt, promettant à Elland qu'elle le tiendra au courant de ses découvertes. Le voleur, lui, se tourne vers Cilas et lui demande :

    - Ça fait combien de temps qu'ils sont là.
    - Euh... ben... je dirais avant minuit. J'ai pris ma relève à cette heure.
    - Et l'homme que tu as relevé ne t'a pas dit qu'il les avait vu rentrer ?
    - Euh....

    L'homme hésite visiblement. Elland assiste, silencieux, à son débat intérieur : doit-il prétendre que c'est son complice qui a manqué d'attention ou doit-il reconnaître que c'est lui qui a failli à sa tâche ? Le voleur peut comprendre qu'à rester allongé sur le toit, une partie de la nuit, à surveiller le calme peut endormir. Mais la réussite de leur enquête dépend d'eux.

    - Parle !
    - Je ne les ai pas vu rentrer. Et mon collègue non plus.
    - Ça veut dire qu'ils sont là depuis ce matin ?

    L'homme ne répond pas. Son visage s'est fermé et montre une certaine résignation. Mais Elland n'apprécie pas du tout ce comportement : quand on fait une erreur, on l'assume. Alors, impitoyable, il insiste :

    - Réponds-moi !
    - Ecoute, Elland, j'ai une femme et des gosses. Je ne veux pas qu'il leur arrive quelque chose. Et si Thémus me renvoie, je ne pourrais plus les nourrir.
    - Thémus avisera. Dis-moi la vérité.
    - Personne ne les a vu rentrer.

    Pris d'un terrible pressentiment, Elland s'agite sur les tuiles d'ardoise. Puis d'une voix un peu trop aïgue, il demande :

    - C'est la première fois ?
    - Comment ça ?
    - C'est la première fois que vous ne les voyez que sortir ?
    - Non. Ça arrive aussi qu'on les voit rentrer mais pas ressortir.
    - Thémus est au courant ?
    - Non. Il nous lyncherait s'il savait que la surveillance n'est pas si parfaite qu'il le souhaite.

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