• Rivemorte, Chap.11

    Rivemorte, Chap.11

      
    Son premier réflexe est de détaler, mais ce serait bien trop suspect, aussi le réprime-t-il avec force. Poursuivant son labeur comme si de rien n'était, il entend les pas se rapprocher lentement, jusqu'à arriver vers lui. Du coin de l'oeil, discrètement, il les observe. Ils sont cinq, trois arborant fièrement l'uniforme de la milice et les deux autres portent les uniformes des demeures nobles. Thémus avait raison, ils se sont associés. Il lâche le savon en reconnaissant l'un des gardes. Celui de la demeure de Cabord. S'il le reconnaît, il est fichu. Le cœur battant la chamade, il essaie de prendre un air dégagé. Il récupère le pain de lessive, subissant sans broncher l'examen.

    - Nerveux ?

    Il réprime à temps un sursaut, et se redresse pour offrir un sourire factice aux miliciens.


    - Du tout, messire. Je ne suis simplement pas doué pour la lessive.

    Les miliciens plissent les yeux, méfiants. Pourtant, son mensonge était parfait, mais c'est dans leur nature de ne pas croire ce qu'on leur raconte. Pour enfoncer le clou, il rajoute :


    - La bougresse qui me sert de femme refuse de laver mon linge, tout ça parce que j'ai lorgné un peu trop longtemps les arguments d'une belle jeune fille.

    Ils ne tiennent pas compte de ses propos, qui pourtant, devraient faire écho dans leur cerveau atrophié.


    - Si vous n'avez rien à cacher, on peut vous fouiller.

    Elland déglutit mais acquiesce.

    - Rien à cacher !

    L'homme qui a parlé s'approche, tandis que les autres l'observent toujours, main sur la garde de leurs épées. Heureusement qu'il a enfilé une simple chemise aujourd'hui ! S'il avait porté celles à poches, ils se seraient douté de quelque chose. L'homme lui palpe les flancs, le creux des reins et les cuisses. Elland se mord les lèvres pour ne pas sourire victorieusement : son poignard est dissimulé dans sa botte droite, et le milicien ne se baisse pas. Bien qu'il déteste se sentir si proche d'un représentant de la loi, il ne bronche pas. Enfin, l'homme hoche la tête, ce qui détend tous les autres.

    - Vous devriez pas rester si tard dehors.
    - J'travaille toute la journée. Si cette bougresse me faisait la lessive, je pourrais être tranquillement attablé, à cette heure.
    - Fallait pas s'contenter de lorgner, messire. Au moins, elle aurait eu de bonnes raisons pour vous en vouloir.
    - J'y penserais la prochaine fois !

    Elland se force à afficher un sourire grivois, bien qu'il ait le cœur au bord des lèvres. Ce genre d'hommes lui donne la nausée. L'essentiel, c'est qu'ils repartent rapidement, persuadés de sa bonne foi. Le voleur retient un soupir de soulagement, essore rapidement ses vêtements, et rentre chez lui.

    La nuit est déjà tombée, et un silence mortel s'est emparé de Rivemorte. Dans les quelques rues qu'il a emprunté pour rentrer, il n'a croisé personne, pas un seul hors-la-loi. Comment a-t-il pu ne pas réaliser l'ampleur de la purge ? Les arrestations sont monnaie courante, que ce soit suite à des plaintes ou à des flagrants délits. Et la milice effectue de nombreuses rondes pour arrêter les mendiants et les filles de joie. Mais jamais ils n'avaient voulu s'en débarrasser définitivement. Étrangement, il se sent vaguement coupable d'avoir fait déborder le vase, même s'il chasse bien vite ce sentiment : après tout, si ça n'avait pas été lui, un autre vol aurait mis le feu aux poudres.
    Il s'adosse un moment au mur qu'il doit grimper. Cette rencontre avec la garde l'a marqué plus qu'il ne l'avouerait, et ses jambes sont encore trop flageolantes pour risquer l'ascension tout de suite. Se fondre dans la masse, ça, il sait faire. Mais tout arrêter, même temporairement ?
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