• Rivemorte, Chap 12

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    Lorsqu'il se sent prêt, il escalade la façade, puis étale ses vêtements sur les tuiles d'ardoise, pour les faire sécher. Echidna n'est pas là, sans doute a-t-elle profité de son absence pour aller se remplir la panse. Il se faufile par la lucarne pour rentrer chez lui, et se change, enfilant sous sa chemise banale une autre chemise à poche, où il entasse soigneusement tous les objets compromettants. Cette nuit, aidé de sa gargouille, il ira les planquer en lieu sûr. Au cas où la milice viendrait.
    Il porte ses bottes souples habituelles, un pantalon et des chemises noires. Il passe son mouchoir, ébène lui aussi, autour du cou, prêt à être remonter sur le nez pour masquer son visage. Quant à ses cheveux mi-longs, couleur nuit, il les attache sur la nuque à l'aide d'un lien de cuir.
    Puis, au lieu de tourner en rond dans sa mansarde, il sort sur le toit pour attendre son amie. Qui est déjà là, en réalité. Il s'immobilise, les jambes encore dans sa chambre, en la voyant plier son linge à l'aide de ses grosses pattes griffues.


    - Depuis quand c'est dans tes attributions de t'occuper de mes vêtements ?

    Echidna lui lance un regard mauvais. Il s'extirpe enfin de la lucarne, observé par la gargouille, qui semble approuver sa tenue.

    - Laisse la lessive tranquille, Echidna, elle doit bien sécher. En attendant, on va aller faire un petit tour pour dissimuler tout ça.

    Le tout ça en question tintinnabule joyeusement dans ses poches. Echidna penche la tête sur la droite, les yeux fixés sur les siens, bienveillante.

    - J'ai une idée de planque, je te la dirais en cours de route.

    Il s'approche d'elle, et caresse longuement sa peau rugueuse.

    - Je rêve ou tu ronronnes ?

    Echidna se redresse vivement et lui jette un regard noir, avant de l'inciter, d'un geste sec de la tête, à grimper sur son dos. Et à peine est-il installé qu'elle lui lance, d'un habile coup de patte, ses vêtements dans les bras.

    - Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse de ça, tête de mule ? Ils sont encore trempés !

    Bien décidé à ne pas s'encombrer inutilement, il s'apprête à descendre pour aller les reposer quand soudain, elle prend son envol. Pestant à mi-voix, il tente de trouver son équilibre et s'accroche à elle tant bien que mal.

    - T'es infernale, Echidna ! Bon, pour les bijoux, on va aller les planquer sous les tuiles de la Grand Tour Célestis. Personne n'aura l'idée de chercher quoique ce soit là-bas. Et pour les vêtements... On pourrait les accrocher à tes pattes, pour qu'ils sèchent.

    Est-ce un reniflement méprisant qu'il entend ? Il ne peut en avoir la certitude. Mais ce dont il est sûr, c'est elle se fiche complètement de ses instructions, et part dans la direction opposée à la Grand Tour.

    - Mais où tu vas ? Echidna !! On va à la Grand Tour Célestis. Oublie l'idée de l'étendage !

    Les détails de l'itinéraire indifférent complètement la gargouille, qui augmente sa vitesse de vol pour faire taire son passager mécontent. Et bien qu'il tente autant que possible de la ralentir, de lui faire changer de cap ou de lui faire entendre raison, elle continue sur sa lancée.
    Sous ses yeux brillants de colère, il voit les rues chichement éclairées de Rivemorte défiler, puis les remparts imposants, masse sombre parmi les autres. Enfin, il devine dans l'obscurité les bois avoisinant la capitale.


    - Bon, d'accord, on peut les planquer sous une souche d'arbre. Ici, ça sera parfait !

    Mais elle ne l'écoute toujours pas et poursuit son vol. Et il a beau jurer comme un charretier, lui pincer la peau ou lui taper sur l'épaule, elle s'en contre-fiche.

    - Ça s'appelle un enlèvement ce que tu es en train de faire, Echidna. C'est illégal !

    Cette fois, c'est clairement un éclat de rire moqueur qui fend l'air nocturne. Réalisant l'énormité qu'il vient de proférer, et bien conscient qu'il est parfaitement impuissant, il se réfugie dans un silence boudeur.

    Le paysage continue à défiler pendant de longues heures sous ses yeux, à peine reconnaissable dans la nuit. Les premières lueurs de l'aube naissent déjà, lui permettant de mieux se repérer. Mais elles déclenchent également une panique incontrôlable : quand le soleil se lèvera, Echidna redeviendra un bloc de pierre. Et s'ils sont en plein vol...

    Ils arrivent près des montagnes, couvertes de verdure. Au loin, parfaitement visible, une magnifique cascade se déverse majestueusement dans un lac limpide. Mon Dieu ! S'il arrive à voir tous ces détails, c'est que l'aube est toute proche. Et de fait, les mouvements d'Echidna sont plus difficiles. Il sent bien qu'elle lutte de toutes ses forces pour activer ses ailes imposantes. Petit à petit, elle perd de l'altitude. Désormais, ils frôlent presque la cime des arbres, et se dirigent tout droit vers la cascade.


    - Echidna, pose-toi ! On va mourir si tu ne t'arrêtes pas !

    Mais elle ne l'écoute pas, et poursuit laborieusement son vol. Le tumulte de la cascade est clairement audible désormais. Le premier rayon de soleil traverse les brumes matinales, et sous ses doigts crispés, il sent la peau se solidifier. Ainsi s'achève la trépidante vie d'Elland le voleur, pense-t-il, amer. Dans un ultime effort, Echidna bat une dernière fois des ailes. Il sent désormais les projections de la cascade sur son visage. Sa complice est transformée en pierre. C'est la fin.

     

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