• Rivemorte, Chap.16

    Rivemorte, Chap.16

    Un profond sentiment de tristesse teinte cette période, étroitement mêlé à l'incompréhension. Puis c'est une vague de soulagement qui s'empare d'elle lorsqu'il fait un premier pas vers elle. Il se présente gauchement, Elland. Il lui sourit. Elle rayonne de bonheur. Le temps passe, apportant chaque jour de petites joies et de grandes aventures. Et si Elland râle parce qu'elle joue à raser les murs, elle sait qu'il aime ça, malgré tout.

    L'effet de la potion se dissipe, ne laissant qu'un intense sentiment d'amour, si profond qu'il semble s'ancrer dans son cœur à tout jamais.
    Pèire est parti sans qu'aucun d'eux ne s'en aperçoive. Echidna le dévisage un long moment avec ses yeux si expressifs, puis se relève. Et pour la première fois depuis qu'ils se connaissent, elle lui fait cérémonieusement signe de monter sur son dos. Il n'hésite pas un instant, et s'il noue les bras autour de son cou, ce n'est pas uniquement pour assurer sa prise. Elle joue avec lui, flirtant avec la surface du lac, puis s'envole presque à la verticale le long des arbres qui le borde. Mais rien ne pourrait gâcher ce moment de complicité pure. Sous l'oeil bienveillant de la lune, ils ne deviennent plus qu'un, planant au dessus de la forêt dans une communion parfaite. Ils effleurent les pentes escarpées de la montagne où subsistent les dernières traces de neige et tutoient les nuages qui parsèment le ciel nocturne.
    Ce moment de grâce prend fin bien trop rapidement au goût d'Elland, lorsqu'Echidna rebrousse chemin pour regagner la cascade. Les premières lueurs de l'aube tentent de percer la chape obscure qui s'est étendue sur la forêt.

    Lorsqu'elle atterrit sur la plage du lac, il la remercie longuement, pour la promenade mais également pour avoir été à ses côtés pendant ces dernières années. Puis ils regagnent la sécurité des grottes.
    Une jeune femme aux cheveux de feu et aux magnifiques yeux verts cherche visiblement quelqu'un : elle marche le long du couloir, et inspecte du regard chaque cavité avant de repartir à grand renfort de gestes expressifs. Sa longue robe virevolte au gré de ses recherches. Quand elle aperçoit le voleur du coin de l'oeil, elle se retourne vivement et s'exclame :


    - Ah ! Te voilà !
    - Euh... ben oui.
    - Je ne pensais pas que votre escapade durerait si longtemps.
    - Euh... ben si, ne parvient qu'à bredouiller un Elland tout intimidé par l'assurance de la jeune femme et qui tente vainement de diriger son regard ailleurs que dans son profond décolleté.
    - Je suis Isaïde. Tes vêtements sont secs.

    Il devient soudain rouge pivoine en repensant à son arrivée mouvementée. D'autant plus que c'est elle qui s'est occupée de ce qu'il a de plus personnel. C'est comme une violation de son intimité, de la part d'une inconnue certes jolie, mais terriblement intimidante.

    - Tu … tu étais là quand... nous sommes arrivés ?
    - On était tous là. Vous n'avez pas été des plus discrets. Et je dois avouer qu'on a bien ri en te voyant étalé par terre sous une couche de vêtements trempés.

    La chaleur des joues gagne soudain le cou et les oreilles d'Elland. Ses cheveux, ébouriffés par le vol, lui offrent un maigre rempart face à l'oeil moqueur d'Isaïde. Il envie presque la drapière, qui réussi à masquer complètement sa gêne, elle. L'éclat de rire cristallin de la jeune femme résonne dans le souterrain.

    - Il est timide !

    Incapable de prononcer un mot sous les moqueries, il se réfugie vivement dans la pièce où il a dormi. L'alvéole de roche est faiblement éclairée par la lueur dansante d'une torche accrochée contre la paroi. Ménandre est toujours là, roulé en boule à même le sol dans un recoin. La furie ne les a pas suivi, et c'est sous le regard perplexe d'Echidna qu'Elland va chercher la couverture de sa paillasse pour l'étendre sur le petit corps endormi. Le gamin se redresse en sursaut et prend presque aussitôt une posture défensive, la tête entre les bras. D'une voix douce et apaisante, Elland le rassure autant que possible, avec une patience infinie. Finalement, Ménandre s'allonge, blotti dans la couverture, et retourne entre les bras de Morphée.

    Elland se redresse et se dirige vers sa paillasse. Juste à côté, ses vêtements sont soigneusement pliés. Elland reste immobile un instant, songeur. Pourquoi cette femme le met-il si mal à l'aise ? Parce qu'elle semble si assurée ? Si … envahissante ?
    A côté des vêtements, un simple pain et une nouvelle chope. Il réalise alors qu'il est affamé, son dernier repas remontant à la veille. Il mastique lentement le dîner frugal, le regard perdu sur la petite forme endormie. Elland prend le temps de l'observer plus en détail. Son visage mince est finement dessiné. Ses cheveux hirsutes sont étalés sur le sol comme une auréole brune. Il est trop petit, trop mince pour son âge.
    Elland s'assoit sur sa paillasse, et vide ses poches. Après un examen rapide, il soupire de soulagement : tout est là, il ne manque rien. C'est avec la promesse muette d'Echidna de veiller sur eux deux qu'il s'allonge, et qu'il s'endort.
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