• Rivemorte, Chap.24

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    Des brins de pailles, humides et nauséabonds, sous ses doigts. Le froid, qui s'insinue entre ses vêtements moites, et le fait frissonner. Sa tête, qui semble prise dans un étau qu'un galopin s'amuserait à serrer, toujours plus, jusqu'à l'éclatement.
    Dans un gémissement de douleur, le voleur tente de se relever. Ses poignets et ses chevilles sont ceints par d'épais bracelets de fer, reliés au mur par de lourdes chaînes. Abattu, il s'adosse aux pierres, serre ses genoux entre ses bras.
    Une cellule, minuscule, fétide. Des murs de pierre suintant la pourriture. Une lucarne, soigneusement scellée par d'épais barreaux, est percée juste sous le plafond. Il fait jour, mais Elland est incapable de deviner l'heure. Depuis combien de temps est-il ici ?

    Il règne un silence oppressant dans son cachot. Rien n'indique qu'il n'est pas seul en ces lieux. Même le bruissement de la cité, qu'il devrait entendre via la lucarne, s'est tu.
    Pour la première fois de sa vie, il se sent seul au monde. Abandonné. Comment pourrait-il s'en sortir, cette fois ?

    Il a été stupide. Et encore, le mot est faible. Il aurait dû rester dans les grottes. D'accord, il ne s'y plaisait pas, mais par les Dieux, il aurait pu faire un effort ! Il est désormais entre les mains de la milice, il n'y a que deux alternatives : finir ses jours à Terregrise, ou être pendu. Magnifique.

    Il se pensait en sécurité, protégé par l'anonymat de la foule. Aucun garde ne l'avait jamais attrapé auparavant, il n'aurait jamais dû être fiché où que ce soit. Comment ont-ils pu retrouver sa trace ? De combien de vols vont-ils l'accuser ?

    Le maigre rayon de soleil qui parvient à atteindre sa cellule tourne lentement sur les murs. Le temps passe, nul ne vient. Il a soif. Et il a faim. Et sa vessie a besoin d'être vidée.
    Une idée atroce traverse son esprit, avant de s'y ancrer fermement : personne ne viendra. Ce n'est pas une cellule, mais une oubliette. Les gardes reviendront d'ici une à deux semaines, évacuer son cadavre racorni par la douleur. Il va mourir seul, oublié de tous.

    Echidna. Saura-t-elle seulement qu'il est inutile de l'attendre ? Qu'il est inutile d'espérer son retour ? Pourrait-elle trouver un autre maître respectueux ?

    Bien plus que sa bouche asséchée, bien plus que la douleur au crâne, là où le bouclier a frappé, bien plus que ses muscles douloureux, c'est la poitrine qui le fait plus souffrir. Une boule d'angoisse semble grandir à chaque instant, le privant peu à peu d'air, comprimant son cœur jusqu'à l'empêcher de battre.

    La nuit est tombée, dehors, et la cellule est plongée dans l'obscurité la plus complète. Prenant sur lui, Elland se résout à apaiser sa vessie dans un recoin de la pièce. Au point où il en est, de toutes façons...

    C'est précisément à ce moment là que la lueur vacillante d'une torche danse sur les murs. Pris sur le fait, Elland se rajuste vivement et se retourne. Dans un silence parfait, la lourde porte de bois, massive, a tourné sur ses gonds pour laisser entrer ses geôliers. Le premier est jeune, et semble bien trop innocent pour exercer un tel métier. Mais ses prunelles reflètent toute la dureté de ses convictions : il ne se laissera pas amadouer. Lui ne bouge pas, se contente de tenir le feu bien haut. Son collègue ressemble déjà plus à l'idée que se faisait Elland de geôliers. Patibulaire, méchant, il s'avance d'un pas lourd sur la paille.


    - Je suis innocent ! Je n'ai rien fait !

    D'un geste vif, le geôlier attrape la matraque qui pend à sa ceinture, et l'abat sur l'abdomen d'Elland qui, gêné par ses liens, ne peut que reculer légèrement pour atténuer le coup. La douleur est pourtant effroyable. Lorsque le gardien marmonne qu'il est interdit de parler, le jeune voleur ne peut qu'acquiescer, le souffle coupé. Il devra garder ses protestations pour lui. Sans s'attarder davantage sur le sujet, le geôlier manipule les chaînes avec brusquerie, lui attachant les mains dans le dos. A ses chevilles, il réduit la longueur des entraves à quelques centimètres seulement, lui permettant tout juste de marcher. Puis d'une puissante poussée dans le dos, il lui intime l'ordre d'avancer.

    Sans un mot, les deux cerbères le guident entre les murs étroits et humides de la prison. Des dizaines de portes, jumelles à la sienne, percent le mur. Combien d'autres personnes souffrent des mêmes angoisses que lui derrière ces battants ? Combien sont à l'agonie dans l'indifférence la plus complète ? Tant bien que mal, ils parviennent jusqu'à une porte béante, s'ouvrant sur une salle où brûlent de nombreuses torches. Avec effroi, Elland détaille les lieux. Partout, des chaînes, des instruments de rétention. Une immense table est recouverte d'un drap noir, mais nulle curiosité ne vient titiller Elland. Des spasmes d'horreur convulsent son estomac. Une salle de torture.

    Indifférents, les gardiens s'avancent dans la pièce, tandis qu'Elland lutte pour ne pas céder à la panique. Arrivés devant un fauteuil en bois, trop simple pour être anodin, ils s'immobilisent. Avec des gestes efficaces, le même geôlier dénoue ses liens, d'abord les bras. Alors qu'il s'apprête à pousser violemment Elland sur l'assise du siège, ce dernier, dans un mouvement de panique, tente de fuir. Un geste d'esquive, rapide et vif. Un premier pas, loin des bourreaux. Un second. Un troisième, encore. Gêné par la courte chaîne, il s'effondre avant d'ébaucher le quatrième pas. Les gardiens sont déjà sur lui, matraque levée. Perdant toute retenue, Elland hurle à plein poumons. Recroquevillé sur lui-même, il crie sa douleur à chaque fois que la longue barre de bois s'abat sur ses bras, sur ses jambes. Il hurle sa terreur, à s'en arracher les cordes vocales. Mais ça n'apaise pas la fureur des cerbères, qui se défoulent sur lui avec un plaisir évident.
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  • Commentaires

    2
    Mercredi 19 Janvier 2011 à 10:07
    Blanche

    Merci beaucoup *o*

    Ce n'est pas facile de doser les sentiments et j'avais un peu peur de passer à côté >.<

    1
    Mercredi 19 Janvier 2011 à 02:44
    Anémone

    Ouah! L'angoisse d'Elland est tellement palpable!

    Tu as vraiment une belle plume et tu passes de la légèreté à la douleur avec une telle fluidité que le lecteur ne le réalise même pas!

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