• Rivemorte, Chap.27

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    Un soir, comme d'habitude, les cerbères viennent le chercher. Il n'a plus la force de les supplier et sa voix s'est éteinte, usée par ses cris. Incapable de tenir sur ses jambes, ce sont les geôliers qui le traînent hors de la cellule, une main sous chaque aisselle. Mais ce soir-là, ils passent tout droit devant la salle du Comain. Elland se garde bien de s'en étonner, terrorisé à l'idée qu'ils inventent un nouveau moyen de le martyriser.
    Ils montent lentement les escaliers jusqu'à l'entrée de la prison, faisant cogner ses pieds traînants contre chaque marche puis contre chaque aspérité du sol inégal. Ce n'est qu'une fois hors de la prison, dans la rue déserte, que le plus jeune lui apprend qu'ils ont trouvé le coupable, le vrai cette fois, et qu'il doit rentrer chez lui pour oublier ce qu'il s'est passé. Ils dénouent ses entraves et l'emmènent jusque dans une ruelle adjacente : ça fait moins désordre que devant les geôles. Et ils le laissent là, plus mort que vif.

    Rentrer chez lui... Il grimace un sourire. Il lutte déjà pour lever la main, couverte de saleté et de sang, afin de la regarder, incrédule, vierge de toute entrave. La faible lueur de lune renforce l'aspect irréel de la situation. Libre. Il est libre. Il devrait ressentir une joie indicible, il est enfin lavé de tout soupçon. Mais il n'a plus vraiment la force de ressentir quoique ce soit. Se lever, avancer jusqu'à son immeuble. Grimper la façade. Se glisser à travers la lucarne. C'est tout simplement impensable. Echidna ! Elle pourrait peut-être l'aider... encore qu'il faudrait qu'elle entende son appel. Gisant sur les pavés glacés, il ferme les yeux, découragé.

    C'est alors qu'il entend un bruit d'ailes, puis un corps massif qui se pose non loin de lui. Ses lèvres gercées s'étirent dans un sourire douloureux. Il n'a pas la force d'ouvrir les yeux, mais il sait qu'elle est venue. Elle va le sauver. Elle lui donne un léger coup de nez, tiède et rugueux, sur la joue. Il gémit, incapable de parler ou de bouger, mais il veut lui faire savoir qu'il apprécie sa présence. Pour le coup, il espère qu'elle est perspicace.
    Avec la tendresse d'une mère, Echidna glisse ses pattes avant sous son corps supplicié. Il se sent quitter doucement les pavés et s'élever entre les hautes maisons. Rassuré, confiant, il s'abandonne à l'inconscience.

    Il n'ouvre pas tout de suite les yeux lorsqu'il reprend ses esprits. Sa première surprise est de se sentir enveloppé de chaleur. Il repose sur une surface douce et moelleuse. La puanteur de la paille moisie ne l'agresse pas. Alors lentement, ses paupières se soulèvent. Il est dans un lit. Un plafond aux poutres de bois apparentes est son unique paysage. Une lumière douce éclaire la pièce, provenant d'une simple fenêtre. Soudain, la douleur explose en des dizaines de parties de son corps et lui coupe le souffle. L'ignorer. Prétendre qu'elle n'existe pas le temps de découvrir où il est.
    Lentement, il tourne la tête sur la gauche, à la recherche d'indices. Une petite main émerge de la couverture, et il reste de longues minutes à l'observer. Qu'est-ce qu'elle fait là ? Est-elle sienne ? Comment le Comain aurait-il pu en réduire la taille ? Précautionneusement, il replie ses doigts contre la paume. La petite main n'a pas bougé. Soupir de soulagement.
    Alors seulement, il remarque la tignasse brune, posée sur le bord du matelas. Sous la tignasse, un visage mince, finement dessiné, des lèvres boudeuses. Ménandre ! Le gamin des rues s'est endormi, la main posée non loin de celle du voleur.

    Autour d'eux, la chambre est simple : le lit, une petite table accompagnée d'une chaise, un placard. Impersonnelle, c'est dans doute une pièce réservée aux visiteurs. A moins qu'il ne soit chez un médecin. Car sur la couverture, son bras gauche est bandé, et sa dextre, sous les draps, palpe de nombreux pansements sur son corps. Oui, il a été soigné, c'est certain.
    Lentement, il déplace sa main gauche, jusqu'à couvrir celle du gamin. Combien de temps l'a-t-il veillé avant de s'écrouler épuisé ? Comment a-t-il pu ...
    Sans même s'en apercevoir, il glisse dans l'inconscience.

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  • Commentaires

    2
    Vendredi 21 Janvier 2011 à 09:12
    Blanche

    Et merci beaucoup pour tes commentaires !

    Non non, je n'oublie pas Ménandre, certainement pas !

    1
    Jeudi 20 Janvier 2011 à 18:31
    Anémone

    Yeah! J'avais peur que Ménandre se fasse oublier dans l'histoire!

    Merci beaucoup pour cette suite! Et de l'avoir postée aussi vite! ^^

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