• Aussi connue comme Loi de l'Emmerdement Maximum, ou Loi de la tartine beurrée, la Loi de Murphy est, avec le chaos, la relativité, et la mécanique quantique, une des plus grandes découvertes du siècle (rien que ça).

    Loi d’Invocation de Murphy
    Si vous invoquez Murphy contre vos ennemis, votre invocation se retournera contre vous.
    Et si vous essayez de ruser en invoquant Murphy contre vous-même, ce sera le seul cas où votre invocation sera exaucée.
    Supplément : Même si vous ne l’invoquez pas, Murphy se retournera de toute façon contre vous.


    La plus connue, et ses développements :



    Quand la tartine tombe, elle tombe du côté de la confiture.

    Développement de Manson :
    Une tartine de pain beurrée qui tombe sur le côté non beurré rebondit autant de fois qu’il le faut pour trouver son point d’équilibre idéal : côté beurré contre la moquette.

    Lois de la Tartine beurrée de Barthe
    I. Plus le beurre est tendre, plus la biscotte est friable.
    II. Mettre deux biscottes une sur l’autre pour ne pas en briser une en la beurrant ne fait qu’augmenter les chances d’en briser deux d’un coup.
    III. Si on essaie de rattraper une biscotte beurrée qui tombe, on ne réussit jamais qu’à la briser, se mettre du beurre plein la main et agrandir la zone de moquette tachée par tous les morceaux tombés évidemment coté beurre.

    Mais cette loi peut se vérifier dans moults domaines. En voici un florilège :

    Loi du Café vivant de Thill
    Art. 1. Une tasse de café n’est pas morte.
    Art. 2. Une tasse de café reste généralement dans un état comatique.
    Art. 3. Une tasse de café ne se réveille que sur un bureau plein de documents très importants.
    Art. 4. Une tasse de café qui vient de se réveiller n’a pas encore l’habitude de marcher et tombe facilement en faisant gicler son sang brun sur les documents importants.

    Loi de Bonux
    Dans les produits qui offrent des cadeaux dans leurs paquets pour attirer les gogos (Bonux, Nesquik...), le cadeau est TOUJOURS au fond du paquet.

    Loi de Miller
    Il est impossible de savoir la profondeur d’une flaque d’eau tant que l’on n’a pas marché dedans.
    Addition d’O’Toole à la Loi de Miller : Il est impossible de savoir la profondeur d’une bouche d’égoût ouverte tant que l’on n’est pas tombé dedans.
    Généralisation de l’Addition d’O’Toole à la Loi de Miller : Les trous sont fait pour tomber dedans.

    Loi de Shoes-Laces

    C’est toujours quand on lace sa chaussure que le lacet casse.
    Corollaires : Le risque de rupture du lacet est inversement proportionnel au temps qu’il nous reste avant d’être en retard. La probabilité que l’on ait un lacet de rechange est inversement proportionnelle au retard déjà engrangé.

    Loi de Rohrhust de la Chaussure taquine
    La chaussure planquée sous le lit est à une distance égale à la longueur de votre bras + 1 cm.

    Lois de la Fin de Journée
    Si un soir vous rentrez complètement crevé chez vous après une dure
    journée de travail intense, alors l’une des propositions suivantes au moins (et la plupart du temps plus d’une) aura lieu :
    i) Si vous avez envie de vous coller sans rien faire devant la télé, les piles de la télécommande seront mortes.
    ii) Si vous voulez vous faire un petit casse-croûte sympa, le frigo sera vide.
    iii) Si vous voulez vous couchez tout de suite, vos voisins du dessous choisiront ce jour là pour faire une fête (mettre la musique à fond, rigoler très fort, crier), déménager leur meubles ou planter des clous pour accrocher des tableaux.
    iv) Si vous avez un chien, il sera très content de vous voir et vous tournera autour comme un fou pour jouer.
    v) Si vous avez un chien et une femme, alors elle vous demandera de sortir le chien.
    vi) Si vous avez une femme et pas de chien, alors elle vous demandera de sortir les poubelles.
    vii) Si vous avez des parents, ils téléphoneront juste au moment où vous rentrez pour vous « ordonner » de venir chez eux voir votre arrière-grande-tante qui est de passage chez eux et qui demande de vos nouvelles.
    viii) Si vous avez une petite amie, elle choisira ce moment pour traverser une période de grande angoisse existentielle que seul vous pouvez résoudre.
    ix) Si vous avez deux petites amies (indépendamment l’une de l’autre), elles vous attendront de pied ferme, bien décidées à obtenir des explications sur cette situation.
    x) Si vous avez un banquier, il y aura un message sur le répondeur vous annonçant le montant faramineux des agios pour votre découvert.

    Théorème de Find
    La probabilité de retrouver un objet égaré est nulle.
    Elle croît de façon exponentielle dès qu’on n’en a plus besoin, sans qu’il soit nécessaire de chercher.

    Loi du Truc Vert
    La durée de vie d’une plante verte varie inversement proportionnellement à son prix et proportionnellement à sa laideur.

    Lois du Jardinier amateur de Jeg
    1. Si vous arrachez une mauvaise herbe, ce n’en est pas une !
    Corollaire :
    Si vous arrosez et mettez de l’engrais sur une plante, c’est une mauvaise herbe, en fait...
    2. Les plantes ou arbustes que vous n’aimez pas poussent vite et reviennent d’année en année, alors que celles que vous aimez végètent ou meurent l’année suivante.
    Moralité :
    Plantes et arbustes n’aiment pas qu’on les aime.
    Les plantes n’aiment que la haine.

    Loi de la Sieste de Mougenez

    C’est quand on choisit de faire sa sieste que le téléphone sonne.
    Énigme de Kovac
    Quand on fait un faux numéro, ça ne sonne jamais occupé.

    Lois d’Archimède-Bell
    I. Quand on plonge un corps dans une baignoire, le téléphone sonne.
    II. Il sonne jusqu’à ce que vous vous précipitiez pour répondre et arrêtera généralement au moment où vous saisissez le combiné.
    III. Sauf si c’est un démarcheur.

    Loi du Zippo
    La seule fois où une superbe fille vous demande du feu à la sortie d’un cours, votre briquet tombe en panne...
    Celui du connard de l’amphi, qui est sorti en même tant que vous, marche parfaitement.
    Exception : Vous n’aurez du feu que si vous êtes déjà casé.

    Lois du Fumeur de Firwirr

    I. Quand le prof est en retard à son cours et que vous vous allumez une cigarette en l’attendant, il choisit toujours cet instant pour apparaître et vous faire signe de rentrer dans l’amphi.
    II. C’est toujours lorsque vous fumez la dernière cigarette de votre paquet, qu’une jolie fille vient vous en demander une.
    III. Quand par politesse, vous demandez à la fin d’un bon repas si cela gêne quelqu’un que vous fumiez, il y en a toujours un qui dit oui.
    IV. Quand vous êtes énervé et que vous avez besoin d’une cigarette, votre briquet ne s’allumera jamais du premier coup...
    ni au deuxième... (il est sans doute vide)
    V. Si vous avez une nouvelle copine, elle sera non fumeuse convaincue et vous demandera d’arrêter de fumer pour elle.
    VI. Fumer provoque le cancer... (pas de bol, Murphy tu n’as vraiment aucune pitié )

    Don Météorologique de Miod
    Par temps variable, il suffit de prendre un parapluie avec soi pour qu’il ne pleuve pas, et de l’oublier pour qu’il pleuve.

    Loi des Parapluies de Moine
    Le jour où vous oublierez de prendre votre parapluie, la pluie ne vous oubliera pas.

    Troisième Corollaire de la Loi de Gumperson
    Vous pouvez jeter une allumette brûlée de la fenêtre de votre voiture et allumer un incendie de forêt, mais vous pouvez utiliser deux boîtes d’allumettes et une édition dominicale d’un journal sans pouvoir allumer un feu avec les bûches sèches dans votre cheminée.

    Loi de Parée des Ampoules

    Si une ampoule électrique vient à rendre l’âme, vous ne trouverez pas de modèle identique dans votre réserve.
    S’il en existe une, elle est grillée aussi.

    Loi des Caisses de Supermarché

    La personne devant vous est toujours la plus molle du monde.
    Extension : Et elle a pris le seul article qui ne porte pas de code barre.
    Seconde Extension : Et sa Carte Bleue, son seul moyen de paiement, ne marche pas.
    Loi de Scheiner
    Quelque soit la caisse choisie, le client d’avant vous, ou même tout simplement vous, causera un problème (code barre manquant ou problème technique) qui vous fera perdre votre temps.

    Les Théorèmes du Supermarché de Maurice
    I. On se retrouve toujours derrière la vieille dame à moitié sourde qui a oublié de peser ses légumes.
    II. Si par hasard elle y a pensé, par contre elle oublié de vous dire que la caisse fermait juste après elle.
    III. Si vous avez échappé aux deux théorèmes précédents, c’est que l’un de vos articles n’a pas de prix et vous serez obligé d’attendre que « Monsieur Bernard » aille le vérifier (le prix).
    Corollaire du Troisième Théorème :
    Monsieur Bernard est toujours aux toilettes quand on l’appelle.

    Loi des Grilles télévisuelles

    Alors que la veille il n’avait rien de potable à regarder à la télé, le soir où il y a un bon programme sur une chaîne, une autre aura décidé de passer aussi un bon programme à la même heure.
    Addendum : Si vous avez un bon magnétoscope (avec tout ce qu’il faut et qui marche), Murphy programmera de bonnes émissions sur TOUTES les chaînes.

    Piège des Grilles Télévisuelles

    Si en feuilletant le magazine télé vous vous écriez « Chic, je rève de voir ce film ! », alors :
    - C’est sur une chaîne que vous ne captez pas ;
    - Vous n’avez plus de cassette de magnétoscope disponible et les magasins sont fermés ;
    - Vous devez sortir (soirée avec votre douce), un autre film génial passe à ce moment, et vous n’avez qu’un magnétoscope ;
    - Vous faites une soirée télé avec votre douce, vous savez qu’elle n’aimera pas ledit film, mais il n’y a rien d’autre à la télé, donc vous sortez une cassette (et vous n’avez toujours pas de second magnétoscope) ;
    - Il va y avoir une panne d’électricité ;
    - Le relais d’antenne de la région va péter, et s’il n’est pas mort il y aura un orage qui brouillera tout ;
    - Le programme sera interrompu par une information tellement importante que l’antenne sera reprise par les journaliste (quelle idée de déclencher des guerres pendant les films !) ;
    - Vous serez appelé sur un plan ORSEC (et vous êtes un gentil secouriste) ;
    - Vous avez décidé de changer l’aménagement de votre intérieur et une minute avant le film vous vous rendez compte que la prise d’antenne (ou péritel) est trop courte ;
    - C’était le programme d’hier et ce film ne sera pas rediffusé avant une génération.

    Loi radio-réveillatoire matinale de Rehby
    Un radio-réveil ne capte distinctement la station que vous voulez que :
    1) s’il est à l’autre bout de la pièce par rapport au lit
    ou :
    2) si vous gardez la main dessus.

    Loi de Skyrock / Fun-radio-réveil / Jeg

    Quelques animateurs très excités et très bien réveillés, qui hurlent dans votre radio-réveil alors que vous êtes encore assoupi, peuvent très facilement vous mettre de mauvaise humeur dès l’aube.

    Postulat du Chat
    Si le courant passe bien sur IRC avec une fille c’est sûrement un thon.
    Corollaire du Chat
    Si elle est carrément chaude, cherchez pas, c’est un mec !!!!

    Loi de l’Élève studieux de Vranckx
    Un élève studieux qui apprend ses leçons tous les jours n’est jamais interrogé par le prof, sauf le jour où matériellement il n’aura pas eu le temps de les apprendre.
    Réciproque de la Loi de l’Élève studieux de Vranckx
    Un élève systématiquement interrogé bien qu’il ne sache jamais ses leçons ne sera pas interrogé le jour où il la saura parfaitement.

    Loi des Absences des Professeurs
    La probabilité qu’un professeur soit présent est directement proportionnel à son indésirabilité.
    Ajout : Il suffit de dire « Le prof est pas là » pour le faire apparaître comme par enchantement.
    Addendum à l’Ajout : Dire « Le prof est là » dans le but de le rendre absent ne le rend pas absent.

    Effet rétrochronologique de Bernadat
    Le meilleur moyen de vous forcer à faire un travail la veille au soir du jour où vous devez le rendre est de vous le donner au moins un mois auparavant.

    Handicap étudiant de Bain-Cornu
    Tout devoir devant impérativement être rendu N jours plus tard nécessite invariablement N+1 jours de travail.

    Lois des Révisions de Firwirr

    I. En période d’examens, le nombre de bons films qui passent à la télévision est inversement proportionnel à l’état davancement de vos révisons.
    Contraposée : Quand après avoir bossé 6 heures d’affilées vous faites une pause télé, il n’y a jamais rien d’intéressant (sauf si vous êtes un passionné de la technique de la pêche à la mouche en Haute-Garonne).
    II. Quand, après avoir tourné en rond pendant une heure autour de votre bureau, en retardant toujours le moment fatidique de se mettre au boulot, vous vous y installez enfin, le téléphone sonne, c’est généralement un ami qui lui n’a pas d’examens et vous propose une sortie.
    III. Quand, après une heure d’effort cérébral intense, vous finissez par comprendre le deuxième exercice de la matière, un ami vous téléphone pour lui expliquer justement cet exercice, et là vous vous rendez compte à ses questions pertinentes que vous n’avez en réalité rien compris.
    IV. Après le deuxième exercice, il y en a plein d’autres.

    Lois de la Capote anglaise
    I. Si par sécurité et protection vous achetez des préservatifs en vue d’une éventuelle future potentielle possibilité, la précaution sera absolue, et l’occasion annulée.
    II. Si l’occasion se présente, et que vous êtes équipé, l’objet sera poreux et finira en collier à la base du membre viril.
    III. Si le dernier préservatif est inutilisable, la dame ne prenait pas ses précautions.
    IV. En cas de relation stable, alors que vous pensez à vous en passer, la dame soit est affligée d’un virus, soit ne supporte pas la pilule, rendant le cellophane obligatoire.
    Exception fréquente : Si la routine permet de s’en passer, il arrivera cependant un événement nécessitant l’utilisation temporaire du latex. La probabilité de le voir éclater est alors fonction de la perte d’habitude de l’outil, et inversement proportionnelle au désir d’enfant.
    V. Une capote éclatée ne se remarque qu’après.

    Loi de la Démangeaison subite
    C’est à ces moments précis que votre œil vous démange :
    - Vous posez un joint de silicone dans la salle de bain.
    - Vous tapissez votre cuisine.
    - Vous êtes en train de préparer un plat érythréen aux mille piments.
    - Vous faîtes la vidange de la voiture.
    - Vous creusez un trou pour votre nouveau géranium.
    - Vous étalez de l’huile solaire sur le dos de votre moitié à la plage.
    - Vous faites la vaisselle.
    - Vous collez la pièce la plus minutieuse de votre plus belle maquette.
    - Vous êtes en finale d’une compétition de tir à l’arc.
    - Vous êtes sur une piste de ski avec des moufles énormes.

    Vous retrouverez toutes les lois de Murphy sur ce site : http://www.courtois.cc/murphy/

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  • http://www.willgoto.com/images/Size3/ile_La_Reunion_cascade_Niagara_89880b588c8a4d08bcf31c925e86c0ed.jpg

     

     

    Lorsqu'il se sent prêt, il escalade la façade, puis étale ses vêtements sur les tuiles d'ardoise, pour les faire sécher. Echidna n'est pas là, sans doute a-t-elle profité de son absence pour aller se remplir la panse. Il se faufile par la lucarne pour rentrer chez lui, et se change, enfilant sous sa chemise banale une autre chemise à poche, où il entasse soigneusement tous les objets compromettants. Cette nuit, aidé de sa gargouille, il ira les planquer en lieu sûr. Au cas où la milice viendrait.
    Il porte ses bottes souples habituelles, un pantalon et des chemises noires. Il passe son mouchoir, ébène lui aussi, autour du cou, prêt à être remonter sur le nez pour masquer son visage. Quant à ses cheveux mi-longs, couleur nuit, il les attache sur la nuque à l'aide d'un lien de cuir.
    Puis, au lieu de tourner en rond dans sa mansarde, il sort sur le toit pour attendre son amie. Qui est déjà là, en réalité. Il s'immobilise, les jambes encore dans sa chambre, en la voyant plier son linge à l'aide de ses grosses pattes griffues.


    - Depuis quand c'est dans tes attributions de t'occuper de mes vêtements ?

    Echidna lui lance un regard mauvais. Il s'extirpe enfin de la lucarne, observé par la gargouille, qui semble approuver sa tenue.

    - Laisse la lessive tranquille, Echidna, elle doit bien sécher. En attendant, on va aller faire un petit tour pour dissimuler tout ça.

    Le tout ça en question tintinnabule joyeusement dans ses poches. Echidna penche la tête sur la droite, les yeux fixés sur les siens, bienveillante.

    - J'ai une idée de planque, je te la dirais en cours de route.

    Il s'approche d'elle, et caresse longuement sa peau rugueuse.

    - Je rêve ou tu ronronnes ?

    Echidna se redresse vivement et lui jette un regard noir, avant de l'inciter, d'un geste sec de la tête, à grimper sur son dos. Et à peine est-il installé qu'elle lui lance, d'un habile coup de patte, ses vêtements dans les bras.

    - Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse de ça, tête de mule ? Ils sont encore trempés !

    Bien décidé à ne pas s'encombrer inutilement, il s'apprête à descendre pour aller les reposer quand soudain, elle prend son envol. Pestant à mi-voix, il tente de trouver son équilibre et s'accroche à elle tant bien que mal.

    - T'es infernale, Echidna ! Bon, pour les bijoux, on va aller les planquer sous les tuiles de la Grand Tour Célestis. Personne n'aura l'idée de chercher quoique ce soit là-bas. Et pour les vêtements... On pourrait les accrocher à tes pattes, pour qu'ils sèchent.

    Est-ce un reniflement méprisant qu'il entend ? Il ne peut en avoir la certitude. Mais ce dont il est sûr, c'est elle se fiche complètement de ses instructions, et part dans la direction opposée à la Grand Tour.

    - Mais où tu vas ? Echidna !! On va à la Grand Tour Célestis. Oublie l'idée de l'étendage !

    Les détails de l'itinéraire indifférent complètement la gargouille, qui augmente sa vitesse de vol pour faire taire son passager mécontent. Et bien qu'il tente autant que possible de la ralentir, de lui faire changer de cap ou de lui faire entendre raison, elle continue sur sa lancée.
    Sous ses yeux brillants de colère, il voit les rues chichement éclairées de Rivemorte défiler, puis les remparts imposants, masse sombre parmi les autres. Enfin, il devine dans l'obscurité les bois avoisinant la capitale.


    - Bon, d'accord, on peut les planquer sous une souche d'arbre. Ici, ça sera parfait !

    Mais elle ne l'écoute toujours pas et poursuit son vol. Et il a beau jurer comme un charretier, lui pincer la peau ou lui taper sur l'épaule, elle s'en contre-fiche.

    - Ça s'appelle un enlèvement ce que tu es en train de faire, Echidna. C'est illégal !

    Cette fois, c'est clairement un éclat de rire moqueur qui fend l'air nocturne. Réalisant l'énormité qu'il vient de proférer, et bien conscient qu'il est parfaitement impuissant, il se réfugie dans un silence boudeur.

    Le paysage continue à défiler pendant de longues heures sous ses yeux, à peine reconnaissable dans la nuit. Les premières lueurs de l'aube naissent déjà, lui permettant de mieux se repérer. Mais elles déclenchent également une panique incontrôlable : quand le soleil se lèvera, Echidna redeviendra un bloc de pierre. Et s'ils sont en plein vol...

    Ils arrivent près des montagnes, couvertes de verdure. Au loin, parfaitement visible, une magnifique cascade se déverse majestueusement dans un lac limpide. Mon Dieu ! S'il arrive à voir tous ces détails, c'est que l'aube est toute proche. Et de fait, les mouvements d'Echidna sont plus difficiles. Il sent bien qu'elle lutte de toutes ses forces pour activer ses ailes imposantes. Petit à petit, elle perd de l'altitude. Désormais, ils frôlent presque la cime des arbres, et se dirigent tout droit vers la cascade.


    - Echidna, pose-toi ! On va mourir si tu ne t'arrêtes pas !

    Mais elle ne l'écoute pas, et poursuit laborieusement son vol. Le tumulte de la cascade est clairement audible désormais. Le premier rayon de soleil traverse les brumes matinales, et sous ses doigts crispés, il sent la peau se solidifier. Ainsi s'achève la trépidante vie d'Elland le voleur, pense-t-il, amer. Dans un ultime effort, Echidna bat une dernière fois des ailes. Il sent désormais les projections de la cascade sur son visage. Sa complice est transformée en pierre. C'est la fin.

     


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  • Rivemorte, Chap.11

      
    Son premier réflexe est de détaler, mais ce serait bien trop suspect, aussi le réprime-t-il avec force. Poursuivant son labeur comme si de rien n'était, il entend les pas se rapprocher lentement, jusqu'à arriver vers lui. Du coin de l'oeil, discrètement, il les observe. Ils sont cinq, trois arborant fièrement l'uniforme de la milice et les deux autres portent les uniformes des demeures nobles. Thémus avait raison, ils se sont associés. Il lâche le savon en reconnaissant l'un des gardes. Celui de la demeure de Cabord. S'il le reconnaît, il est fichu. Le cœur battant la chamade, il essaie de prendre un air dégagé. Il récupère le pain de lessive, subissant sans broncher l'examen.

    - Nerveux ?

    Il réprime à temps un sursaut, et se redresse pour offrir un sourire factice aux miliciens.


    - Du tout, messire. Je ne suis simplement pas doué pour la lessive.

    Les miliciens plissent les yeux, méfiants. Pourtant, son mensonge était parfait, mais c'est dans leur nature de ne pas croire ce qu'on leur raconte. Pour enfoncer le clou, il rajoute :


    - La bougresse qui me sert de femme refuse de laver mon linge, tout ça parce que j'ai lorgné un peu trop longtemps les arguments d'une belle jeune fille.

    Ils ne tiennent pas compte de ses propos, qui pourtant, devraient faire écho dans leur cerveau atrophié.


    - Si vous n'avez rien à cacher, on peut vous fouiller.

    Elland déglutit mais acquiesce.

    - Rien à cacher !

    L'homme qui a parlé s'approche, tandis que les autres l'observent toujours, main sur la garde de leurs épées. Heureusement qu'il a enfilé une simple chemise aujourd'hui ! S'il avait porté celles à poches, ils se seraient douté de quelque chose. L'homme lui palpe les flancs, le creux des reins et les cuisses. Elland se mord les lèvres pour ne pas sourire victorieusement : son poignard est dissimulé dans sa botte droite, et le milicien ne se baisse pas. Bien qu'il déteste se sentir si proche d'un représentant de la loi, il ne bronche pas. Enfin, l'homme hoche la tête, ce qui détend tous les autres.

    - Vous devriez pas rester si tard dehors.
    - J'travaille toute la journée. Si cette bougresse me faisait la lessive, je pourrais être tranquillement attablé, à cette heure.
    - Fallait pas s'contenter de lorgner, messire. Au moins, elle aurait eu de bonnes raisons pour vous en vouloir.
    - J'y penserais la prochaine fois !

    Elland se force à afficher un sourire grivois, bien qu'il ait le cœur au bord des lèvres. Ce genre d'hommes lui donne la nausée. L'essentiel, c'est qu'ils repartent rapidement, persuadés de sa bonne foi. Le voleur retient un soupir de soulagement, essore rapidement ses vêtements, et rentre chez lui.

    La nuit est déjà tombée, et un silence mortel s'est emparé de Rivemorte. Dans les quelques rues qu'il a emprunté pour rentrer, il n'a croisé personne, pas un seul hors-la-loi. Comment a-t-il pu ne pas réaliser l'ampleur de la purge ? Les arrestations sont monnaie courante, que ce soit suite à des plaintes ou à des flagrants délits. Et la milice effectue de nombreuses rondes pour arrêter les mendiants et les filles de joie. Mais jamais ils n'avaient voulu s'en débarrasser définitivement. Étrangement, il se sent vaguement coupable d'avoir fait déborder le vase, même s'il chasse bien vite ce sentiment : après tout, si ça n'avait pas été lui, un autre vol aurait mis le feu aux poudres.
    Il s'adosse un moment au mur qu'il doit grimper. Cette rencontre avec la garde l'a marqué plus qu'il ne l'avouerait, et ses jambes sont encore trop flageolantes pour risquer l'ascension tout de suite. Se fondre dans la masse, ça, il sait faire. Mais tout arrêter, même temporairement ?

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  • Rivemorte, Chap.10

      
    Le colosse termine son verre cul-sec, comme pour se donner du courage, et se ressert de l'hydromel. Après une longue inspiration, il avoue :

    - Ton escapade, l'autre jour, n'est pas passé inaperçue. Les gardes de la demeure de Cabord n'ont pas leur langue dans la poche, et ils sont assez revanchards. Qu'une fripouille pénètre dans la bâtisse à leur insu, qu'elle pille leurs possessions, et qu'elle parvienne à s'échapper leur reste en travers de la gorge. Leur fierté en a pris un coup.

    La demeure de Cabord. Cette virée qui a failli tourner au fiasco à cause de cette maudite ombrelle. Elland hoche doucement la tête, pour signifier son attention, mais le cordonnier ne semble pas décidé à poursuivre.


    - Continue.
    - Ils sont furieux. Et ça a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Sur ordre du gouverneur, les gardes privés des nobles demeures, la milice et la garnison écument les rues pour se débarrasser de la lie de la société.. Ils organisent des rondes toutes les nuits. Les mendiants, les filles de joie, les assassins, les voleurs, ils n'épargnent personne. Ils les exilent à Terregrise. Ils fouillent les repaires des bandes. Ils arrêtent les suspects, et les font parler.

    Elland déglutit un peu trop bruyamment. Terregrise est une ville à l'extrême nord du pays, qui porte bien son nom. Enfouie sous la neige six mois par an, c'est une ville sinistre, où les exilés sont condamnés à extraire les ressources naturelles : charbon, minerais et bois. L'espérance de vie là-bas doit avoisiner les deux ans. Quant aux méthodes pour faire parler les indélicats qui ne respectent pas la loi, il les connait parfaitement. Et honnêtement, il ne tient pas à réitérer l'expérience. Sale temps, donc.

    - Ne t'inquiète pas, Thémus, je serais très prudent.
    - Voilà. C'est pour ça que je ne voulais pas t'en parler. Je ne te dis pas d'être prudent, Elland, mais d'arrêter. De te mettre au vert le temps que les choses se tassent.
    - Ils ne me font pas peur ! Ils ne m'attraperont pas.
    - Ne te sur-estimes pas, Elland, c'est le meilleur moyen pour finir à Terregrise.
    - Mais j'ai besoin de voler !

    Le voleur s'est exclamé un peu trop fort, et Thémus, d'un froncement de sourcils, lui fait réaliser son erreur. Bien que la boutique soit déserte, ce n'est pas le moment de se faire remarquer inutilement.


    - Je sais que tu as de l'argent de côté. Et au besoin, je peux t'en prêter exceptionnellement. Mais tu dois suspendre tes escapades.
    - Tu restes bien, toi !
    - Oui, je reste. Ma famille est ici, j'ai un métier convenable, et les objets compromettants sont en lieu sûr.

    Elland termine son verre. Il n'arrivera pas à avoir le dernier mot. Et il déteste ça.


    - Je vais faire une pause, alors. Tu as raison. Inutile de courir des risques inconsidérés.

    Thémus le dévisage, soupçonneux. Il n'est pas dupe, mais il sait également il ne pourra pas l'empêcher de faire ce qu'il veut. Il a fait son maximum.

    - Repasse ici de temps en temps, si tu veux des nouvelles.
    - J'ouvrirais les oreilles.
    - Je suis très sérieux, Elland. Tu es l'un de mes fournisseurs les plus rentables. Je ne veux pas que tu finisses tes jours à Terregrise.
    - Te fais pas de mouron, tout ira bien pour moi.

    Sur ces paroles, Elland remercie le receleur pour l'hydromel et quitte la boutique. Il ne tient pas à s'arrêter. S'il reste dans sa tanière pendant deux semaines, il va devenir complètement fou. Et puis, ils n'arrêtent que les incompétents qui ne savent pas être discret. Ce qui n'est pas son cas. Du moins, tant que les ombrelles maléfiques ne se mettent pas en travers de son chemin.

    Pour regagner son abri, il doit passer à nouveau par le marché. Un léger sourire aux lèvres, il s'empare d'une fleur sur un étal, suffisamment discrètement pour que la matrone qui le tient ne le voie pas faire, et s'approche souplement de la drapière. Il arbore son plus beau sourire charmeur, lui tend solennellement la pivoine pourpre avant de lui chuchoter :


    - Me ferez-vous l'honneur d'accepter, gente dame ?

    Le teint de la gente dame en question vire au rouge brique, et avant qu'elle n'ait eu le temps de baisser la tête, il a pu détailler son visage. En réalité, il l'a remarqué dès son premier jour de travail sur le marché. Parce qu'il y passe tous les jours, il en connait tous les chalands. Et ce n'est pas son genre de rater une charmante demoiselle fraîchement arrivée. Elle est jolie, très jolie même, avec son petit nez mignon, ses lèvres roses et ses yeux de biche. Mais ses longs cheveux blonds cachent trop souvent cette merveille. En attendant sa réponse qui tarde à venir, il observe sa robe, faite d'un tissu gris grossier et mal coupé. Elle n'est pas riche, ça se voit, mais le vêtement est propre et parfaitement rapiécé. Et malgré un ensemble trop large, on devine parfaitement des formes plus qu'attirantes sur lesquelles il …

    - Merci.

    Elle coupe court à ses fantasmes, mais il ne lui en tient pas rigueur. Sa voix est douce comme un pétale de fleur. D'une main tremblante et abîmée par les travaux manuels, elle s'empare de la pivoine. Elle n'ajoute rien, et lui, il préfère s'éloigner, non sans l'avoir complimenté une dernière fois. C'est indéniable, elle lui plait. Pourtant, même s'il lui faisait la cour et qu'elle répondait à ses avances, quelle vie pourrait-il lui offrir ? Une vie de dangers et d'illégalité ? Elle semble trop pure pour accepter de vivre avec un vulgaire voleur. Et son père a sans doute d'autres projets pour elle. Alors, il doit se contenter de la faire rougir. Et bien que la solitude lui pèse parfois, elle est nécessaire s'il ne veut pas terminer sa vie prématurément, suspendu par la gorge à une corde.

    Cette rencontre lui a presque fait oublier l'avertissement de Thémus, et il n'y repense qu'une fois arrivé dans sa mansarde. Se faire tout petit, laisser passer le temps. Il va devenir fou ! Pour s'occuper l'esprit autant les mains, il entreprend de ranger sa tanière, replaçant les pièges sur la porte pour s'assurer la tranquillité, tirant les draps de son lit. Sa logeuse se contente d'encaisser le loyer, elle qui, d'habitude, se charge du ménage. Mais il ne laisse personne entrer dans son repaire, et elle ne se plaint pas d'avoir moins de travail. Très vite, ces quelques rangements effectués, il tourne en rond. S'il savait qu'il pouvait voler quand il en a envie, il n'aurait pas ce problème. Sauf que ce n'est pas le cas, et il brasse l'air, angoissé. Avisant les reflets sanglants du soleil sur les murs de chaux, il décide d'aller au lavoir. A cette heure, les femmes sont parties. Fort de cette bonne résolution, il s'y rend, et frotte le tissu, perdu dans ses pensées. La drapière accepterait-elle qu'il l'invite à dîner ? Ou au moins à boire une tisane ? Tout dépend de son père, sans doute.
    Elland se réprimande à voix basse. Quel idiot. C'est inutile d'aller boire une tisane avec elle. Déjà, le goût est vraiment infect. Et puis, que ferait-il ensuite ? Elle n'est pas faite pour lui. Et lui n'a pas besoin de prendre plus de risques.
    Le bruit des bottes martelant le pavé le fait soudainement sortir de ses rêveries. La garde !

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    Le réveil est difficile, pour le jeune voleur. C'est avec un arrière-goût amer qu'il se prépare et qu'il traverse le marché habituel. Il ne saurait expliquer cet étrange sentiment qui l'habite depuis qu'il est rentré chez lui hier. La coïncidence des armoiries le trouble, évidemment. Mais il ignore comment trouver les réponses aux multiples questions : il ne peut tout de même pas aller dénicher les Clamadinis dans leur exil pour leur demander ce qu'ils savent d'une ombrelle maléfique ?
    Et puis, il y a cette femme, dans le médaillon, au regard troublant. Elle l'a poursuivi jusque dans ses rêves sans lui laisser une minute de répit. Et maintenant, alors qu'il se coule entre les badauds et qu'il salue la drapière qui rougit, comme d'habitude, il en viendrait presque à regretter son geste. Pourtant, il en a chapardé, des breloques, et certaines même plus précieuses encore. Il est entré dans l'intimité de nombreuses demeures, fouillant sans scrupules leurs possessions les plus personnelles. Alors pourquoi cette fois, il a tant de mal à le vivre ? Parce que ce sont les derniers fragments d'une vie noble et fière ? A cause du regard de la femme du médaillon ?

    L'Hermine Affamée est déserte quand il y pénètre. Alwin est égal à lui-même, et ne lui décroche pas un mot en le servant. Qu'importe, Elland n'est de toutes façons pas d'humeur à discuter avec lui. Il s'est installé à la table du fond, et s'est plongé dans ses souvenirs. Moerteg. Ce même goût amer lui avait serré la gorge après le vol d'une vieille femme, d'apparence riche et noble. Ils en avaient ri à gorge déployée, dans leur repaire, un simple passage souterrain que personne n'empruntait jamais. Ils étaient fiers d'eux car leur rapine avait rapporté pas mal d'argent. Pour le gamin des rues, ça signifiait plusieurs repas décents, et peut-être même quelques nuits au chaud dans une auberge. Et pour Elland, c'était un exploit de plus à accrocher à son tableau de chasse, et un sacré pied-de-nez au paternel, qui nourrissait l'espoir de voir ses fils suivre sa trace. Et pourtant, quand il avait pris le chemin du retour jusqu'à la garnison, ce fameux goût amer lui avait rempli la bouche jusqu'à sécher toute salive.
    Et à peine arrivé chez lui, il avait compris. Son paternel l'attendait devant la porte, furieux. Dire qu'il avait passé une abominable fin de soirée serait un euphémisme. Et ce n'était qu'un début.
    La vieille femme s'était plainte à la garde, en fournissant une description détaillée et terriblement précise de ses voleurs. Et le paternel n'avait pas tardé à faire le rapprochement avec les sorties de son rejeton. Le lendemain, Moerteg fut arrêté. Par peur des coups et des geôles, il avait rejeté toute la faute sur Elland. Après une correction dont il en garde encore les traces aujourd'hui, son père l'avait jeté à la rue, en le menaçant du pire s'il osait revenir. Ce fut son ultime pied-de-nez au paternel. Et la dernière fois qu'il se lia d'amitié à un être doué de parole.

    Alwin vient récupérer l'assiette désormais vide, sa manière polie de dire qu'il est temps pour Elland de libérer la table et d'aller traîner sa carcasse ailleurs. Maugréant, Elland sort de l'auberge, et se fond dans la masse de badauds et de chalands. Puis, flânant dans les ruelles, il se rend jusqu'à la minuscule boutique d'un cordonnier. Il en salue le propriétaire d'un geste de la tête avant de s'aventurer dans l'échoppe. Thémus, le propriétaire, est un solide gaillard de près de deux mètres, aux larges épaules. Son visage rude est en permanence plissé par des rides de mécontentement sur le front. Une épaisse moustache, aussi brune que ses cheveux courts, vient compléter l'image de cet avenant commerçant. A dire vrai, la première fois qu'Elland l'a vu, il a fait demi-tour. Parce qu'il fait vingt centimètres de moins que lui, et qu'il pèse sans doute une centaine de livres de moins, il ne se sentait pas de faire des affaires avec un tel colosse. Mais à l'époque, il était enfoui dans les problèmes jusqu'au cou, et il n'avait pas grand chose à perdre. Thémus fut une bonne surprise : peu commode, certes, mais aussi honnête qu'un receleur peut l'être. Confectionner des chausses n'est qu'un simple passe-temps pour lui, et aussi une excellente couverture pour dissimuler des activités moins honnêtes.

    Thémus l'entraîne dans l'arrière boutique, et l'invite à s'asseoir. Autour d'un verre d'hydromel, ils discutent un moment affaire, avant que le cordonnier ne lui annonce :


    - C'est la pagaille en ce moment. A cause de la guerre au Sud. Du coup, les gens sont plus frileux. J'arrive déjà pas à vendre les autres bijoux. Faudra attendre avant que je t'achète les tiens.

    Elland hoche doucement la tête, avant de prendre une longue gorgée liquoreuse. Il cache toujours l'origine exacte des breloques qu'il ramène, même s'il se doute qu'un connaisseur comme Thémus peut aisément la deviner. Mais aujourd'hui, il n'a rien amené, il s'est contenté de décrire les bijoux. Et finalement, ce refus, ça l'arrange plutôt. Étrangement, il n'a pas envie de s'en séparer. Mais c'est la mine vaguement contrite du receleur qui lui met la puce à l'oreille. Ce colosse qui ne craint rien ni personne se dandine en se grattant le crâne, comme un gamin pris en faute. Aussitôt, Elland prend son air suspicieux, les yeux plissés et le menton en avant, et se penche vers Thémus.

    - Baliverne ! Tu affabules ! Les habitants de Rivemorte se fichent bien de la guerre au Sud. Elle ne viendra jamais jusqu'à la capitale, ils le savent très bien. Et quand même, ça ne les empêchera pas d'acheter des babioles discrètes pour pouvoir placer leur argent en sécurité.

    Le cordonnier pâlit, découvert, et toussote, gêné. S'il n'était pas si furieux de s'être fait mener en bateau, Elland le trouverait presque touchant. Mais il insiste :

    - Tu m'as menti, Thémus. Moi qui t'estimais honnête !

    Piqué au vif, ce dernier réplique :


    - Je le suis. C'est toi, avec ton caractère de cochon, qui me force à te mentir, sinon tu ne m'aurais jamais écouté !
    - J'écoute toujours les conseils. Dis-moi la vérité !


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  • Rivemorte, Chap.8

     

     

    - C'est de l'arnaque !!

    Bougonnant, Elland parcourt la longue pièce, lâchant généreusement une litanie de jurons. Il s'est donné tant de mal pour si peu !

    Mais alors qu'il s'approche de l'extrémité du grenier, il repère un placard, encastré dans le mur. Echidna l'a suivi, et le regarde s'agenouiller devant une nouvelle serrure. Il avale sa salive, conscient que son honneur est en jeu et qu'il ne peut pas se permettre d'échouer encore une fois. Mais ce verrou-là n'est pas maléfique, et il ne lui faut qu'une poignée de secondes pour réussir à le déverouiller. Sans un grincement, la porte du placard s'ouvre et révèle ses richesses. Plusieurs boîtes à bijoux, de nombreux paquets de lettres soigneusement emballés, un peu d'argenterie, et tant d'autres trésors !
    Sourcils froncés, il observe l'écusson qui orne l'une des boîtes à bijoux.


    - Je connais ces armoiries, Echidna. Je les ai déjà vues quelque part. Mais pas ici. A Rivemorte. Sur un objet... l'ombrelle !! L'écusson qui ornait l'ombrelle portait exactement les mêmes armoiries !

    Il se tourne vivement vers elle et poursuit sa réflexion à voix haute :

    - Mais que faisait cette ombrelle si loin du manoir ? Ça fait au moins dix ans que les Clamadinis ont fuit la région ! Pourquoi apparait-elle maintenant ? Pourquoi à Rivemorte ? Crois-tu que c'est un signe du destin ?

    Le regard que lui renvoie la gargouille est pour le moins dubitatif. Effectivement, si l'ombrelle était venue le chercher pour l'amener à ce trésor, elle ne l'aurait pas agressé comme elle l'a fait. Et puis, pourquoi s'intéressait-elle à lui ? Il secoue doucement la tête, et vide prestement le contenu des diverses boîtes, qu'il range dans ses poches. Il aura le temps de réfléchir à tout ça quand il sera en sécurité chez lui. Sans perdre une seconde de plus, il s'empare de tous les objets qu'il trouve. Il conserve également une petite boîte magnifiquement ouvragée, mais laisse les autres, trop volumineuses, dans le placard. Puis il en referme soigneusement la porte, espérant que personne n'aura l'idée de braver les ''esprits'' pour explorer les lieux, et s'emparer de ce qu'il reste du trésor.
    Puis, chargé comme un animal de bât, il redescend rapidement dans le jardin, suivi de près par Echidna. En quelques battements d'ailes, ils s'éloignent déjà du lieu du crime pour rejoindre leur antre. Ce succès chasse définitivement l'humeur morose du voleur, qui ne cesse de remercier la gargouille durant tout le vol, visiblement indifférent aux facéties de son amie.

    Enfin en sécurité dans sa chambre mansardée, il dépose son butin sur le lit. Echidna est repartie avec la bénédiction d'Elland. Cette fois encore, elle lui a rendu un sacré service. Il trie rapidement les bijoux, séparant ceux ornés de l'écusson et les autres, plus facilement revendables. Curieux, il examine chacun d'entre eux avec admiration. Comment se fait-il que les Clamadinis sont partis sans ces trésors ? Et pourquoi ne pas les avoir revendus quand ils avaient des problèmes d'argent ? L'or, l'argent, les diamants, et une multitude de pierres précieuses sont étalées devant lui. Certes, ils n'auraient peut-être pas pu régler tous leurs problèmes, mais la vente de ces babioles rapporterait une fortune ! Ses explorations s'interrompent soudainement lorsqu'il ouvre un petit pendentif en médaillon : à l'intérieur se trouve un portrait, minuscule, mais parfaitement conservé. Et la femme qui pose, il la connait, il en est certain. Du moins, ce visage lui dit quelque chose. Mais il a beau fouiller dans sa mémoire, il n'arrive pas à se souvenir de qui elle est.

    Au loin, les cloches de la Grand Tour Célestis sonnent les quatre heures du matin, lui faisant soudainement prendre conscience de sa fatigue. Il soulève une latte du plancher, et y dépose son butin, au côté d'une bourse bien rebondie : il n'est pas dépensier, et ses rapines lui rapportent beaucoup d'argent. A vrai dire, il pourrait ne plus voler pendant des mois sans avoir à se serrer la ceinture. Mais voilà, sans maraude, il n'est rien. Sa récolte du soir bien planquée, il va se coucher. Il gardera les plus belles pièces pour lui, c'est décidé. Et avant qu'il ne puisse formuler une autre pensée cohérente, il s'écroule dans les bras de Morphée.


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    Comme par enchantement, il retrouve le sourire, et un long frisson d'excitation remonte sa colonne vertébrale : il va s'amuser ! Ce manoir appartenait à la riche famille Clamadinis, aujourd'hui ruinée et exilée. Bien qu'il n'y ait plus grand chose dans les pièces inférieures, il reste toujours le grenier. Lors de sa dernière visite, il avait passé un temps fou à essayer d'amadouer la serrure afin d'y pénétrer, en vain. Echidna sait que ce défi lui changera les idée, et c'est précisément pour cette raison qu'elle l'a amené ici.
    Il ne craint pas de trouver les lieux saccagé : une terrible rumeur court sur ce manoir, comme quoi il serait hanté. Et ça le fait doucement rire. Car, malgré les heures qu'il a passé là dedans, et malgré la quantité indécente d'objets qu'il a pris pour les revendre, il n'a jamais eut le moindre problème. Il fait un clin d'œil à la gargouille avant de s'introduire dans la demeure. Les lieux n'ont pas changé : les lourds tapis sont recouverts d'une épaisse poussière qui n'en cache pas pour autant le luxe. Les tâches plus claires sur les murs sont témoins des tableaux qui ornaient le vestibule, avant la fuite des Clamadinis. Seuls les craquements des planchers rompent le silence religieux qui règne. L'odeur de renfermé le prend à la gorge les premières minutes, mais il s'y habitue très vite. Dans le salon, il n'y a plus rien à récupérer. Il ne reste qu'une misérable chaise, esseulée, dont la paille est en trop mauvais état pour que le plus stupide des voleurs daigne s'en encombrer.
    Sans perdre son temps à explorer les autres pièces du rez-de-chaussé qu'il sait vides, il grimpe rapidement les escaliers jusqu'à la porte close du grenier. Rien n'a changé. La fine corde de coton, quasiment invisible, qu'il avait tendu au ras d'une marche est toujours intacte, signe que personne n'a tenté de venir jusque là depuis son dernier passage. La serrure est toujours là, intacte, et elle le nargue méchamment.


    - Fais pas ta mijaurée, ma belle. Je t'aurais, quoique tu fasses pour me résister.

    Il lui décroche son plus beau sourire, et extirpe de ses multiples poches ses instruments de douce torture. Accroupi devant la porte, ses crochets bien en main, il entreprend minutieusement de faire céder l'ultime barrage. En vain. Le sourire enjôleur a cède sa place à un rictus sadique. Il l'aura !
    Et pourtant... non, il n'arrive pas à déverrouiller cette satanée serrure, comme si quelque chose d'anormal bloquait. Et alors qu'il la fixe avec son air le plus menaçant, il croit percevoir un sourire moqueur face à lui. Les doutes ne sont plus permis : elle se fiche de lui. Les yeux plissés, il la toise et assène :

    - Tu vas déguster, saleté.

    Il prend une longue inspiration, un peu de recul, et se jette sur la porte, épaule en avant. Et retombe misérablement sur le derrière, sans avoir ne serait-ce qu'ébranler la porte. Une bordée de jurons suit cet échec lamentable. Elland se relève en se massant l'épaule douloureuse, sous le regard goguenard de la serrure. Il examine les lieux afin d'y trouver une arme quelconque. Rien. Rien du tout. Piqué dans sa fierté, il ne prend pas la peine de descendre, sachant les autres pièces désespérément vides, et se penche à nouveau sur la serrure. Non, il n'y a rien à faire. Mais il refuse de laisser un vulgaire morceau de métal mettre à mal sa réputation. Bon, s'il n'y a rien dans la demeure, il y aura peut-être quelque chose dans le jardin ?

    Après un dernier regard menaçant en direction de la serrure victorieuse, il descend les escaliers puis s'aventure dehors. La lune est toujours aussi lumineuse, et lui permet de deviner les objets qui parsèment ce qui fut un magnifique parc. Il n'y a rien d'utile, à part quelques statues de pierres vieillissantes, qui risquent de se briser contre... Pierre !!


    - Echidna ?

    Un grondement proche le fait sursauter. Il la dévisage un instant, hésitant franchement à lui demander encore un service. Mais elle connaît ses secrets les plus intimes, et il lui voue une entière confiance. Alors, penaud, il lui demande :

    - J'aurais besoin d'un coup de main, ma belle. La serrure est inviolable.

    La commissure des lèvres de la gargouille se relève dans un sourire heureux, et elle s'élance dans la demeure. Elland a mis du temps à s'habituer à la grâce et à la souplesse de cette imposante masse de pierre. Il se précipite à la suite d'Echidna, impressionné par sa délicatesse : alors qu'il s'attendait à ce que l'intérieur soit ravagé par son passage, tout semble intact.
    Elle l'attend devant la porte, défiant la serrure du regard, qui soudainement n'en mène pas large. Arrivé à ses côté, le voleur l'interroge :


    - On dirait que quelque chose bloque la serrure et la porte. Tu as une idée pour rentrer ?

    Il se masse machinalement l'épaule toujours aussi douloureuse. Et comme si elle avait deviné la vaine tentative d'Elland, la gargouille sourit, presque moqueuse. Avant de s'élancer, tête baissée, sur l'huis de noyer. Et cette porte qui le narguait il y a peu gît désormais de guingois sur ses gonds, le battant réduit en petit bois d'allumage. Elland pousse un cri victorieux, tandis qu'Echidna l'attend au milieu des combles, l'air perplexe. Et le voleur en comprend rapidement la raison : le grenier est vide.

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    La lune se reflète sur les tuiles d'ardoises encore humides de l'averse récente. Echidna plane paresseusement au-dessus de la ville, avant de se poser gracieusement sur le toit de la cathédrale. Elland descend souplement, laissant sa main caresser la peau rugueuse de sa complice. Ils échangent un long regard puis elle reprend son envol pour vaquer à ses occupations. Elland se doute bien qu'elle va massacrer du bétail, voire même un innocent imprudent, qui serait sorti en cette nuit glaciale. L'ombrelle a été dévorée il y a trois jours, et, bien que statue le jour, la gargouille demeure un être vivant la nuit, ayant besoin de se nourrir. A dire vrai, il préfère ne pas s'attarder sur cet aspect de sa complice. Tout le monde a le droit à un peu d'intimité, non ?

    Assis sur le faîte du toit, les genoux ramenés contre lui pour préserver sa chaleur corporelle, il observe rêveusement la ville endormie. Rivemorte... Qui aurait pu prédire qu'il vivrait ici ?
    Il est né dans une petite bourgade, des dizaines de lieues plus au sud. Jusqu'à ses quinze ans, il a vécu à la caserne, grâce, ou à cause, de son paternel garde de la ville. Entouré de ses frères et soeurs, sous le regard bienveillant de sa mère, il avait tout pour être heureux. En théorie. Car la proximité de cette fichue garde lui donnait des angoisses insupportables. L'autorité, la loi, l'austérité, la rigueur qui contaminaient jusqu'aux draps de chacun des appartements de la caserne lui pesaient. L'oppressaient. D'aussi loin qu'il se souvienne, il avait toujours eu besoin de courir, de se faufiler à l'insu de tous dans les lieux qui lui étaient interdits. Très jeune, il avait commencé à ''emprunter'' de menus objets. Ce n'était pas leur valeur qui l'intéressait, ni même leur beauté. Pour dire, il avait même ''emprunté'' le ceinturon du garde en chef. Quelle rigolade, le lendemain, quand ses jurons avaient réveillé toute la caserne ! Enfin bref. Il ''empruntait'' uniquement pour sentir l'adrénaline se déverser dans ses veines comme un torrent fougueux. Pour se sentir vivant.

    Les nuages se déversent à nouveau sur Rivemorte, comme le reflet des émotions du voleur. C'était à cette époque qu'il avait rencontré Moerteg, son premier ami hors de la caserne. Il fréquentait les autres enfants de gardes, certes, mais finalement, l'austérité et la rigueur avait déteint sur eux, et il n'appréciait pas vraiment leur compagnie. Il avait rencontré Moerteg dans les rues, bien loin de la caserne, un soir où il avait faussé compagnie à sa famille. Elland s'était aventuré dans les ruelles sombres de la vieille ville, où il avait croisé cet enfant, à peine plus âgé que lui mais bien plus chétif, qui dormait sous un porche.

    Un bruissement d'ailes l'extirpe sans ménagement de ses souvenirs. Echidna vient se poser devant lui, et l'observe un instant, sourcils froncés, avant de s'approcher. Parce qu'elle a deviné sa peine, elle pose sa large mâchoire sur l'épaule du voleur et lui souffle doucement dans le cou, comme pour lui montrer qu'elle est là, et qu'elle ne l'abandonnera pas. Dans le secret des ténèbres, il laisse son chagrin s'exprimer sans honte.

    La gargouille attend patiemment, laissant parfois échapper un geste affectueux. Lorsqu'il se calme enfin, il lui raconte d'une voix rauque, brisée par les sanglots, sa rencontre avec Moerteg, leurs premiers pas l'un vers l'autre. Leur complicité, aussi soudaine qu'inattendue. Et rapidement, leurs tribulations, toutes plus rocambolesques les unes que les autres. Comme si quelqu'un avait ouvert des vannes invisibles à l'oeil nu, ses souvenirs se déversent dans l'air nocturne sans répit.
    Echidna l'interrompt alors qu'il s'apprête à décrire les évènements qui ont mis fin à cette amitié. Elle a senti, dans sa voix déjà fragile, les prémices de futurs sanglots. Avec une douceur inouïe, elle l'attrape par le col, et le soulève pour l'installer sur son dos. Et d'un mouvement puissant, elle prend son envol.

    Cette fois, le vol n'a rien d'une promenade de santé. La gargouille prend un malin plaisir à raser les toits, à plonger de manière vertigineuse avant de se redresser lorsque le sol est si proche qu'il pourrait presque le toucher en tendant le bras. Tant qu'il se focalise sur son estomac, et qu'il lutte pour ne pas tomber, il ne pense pas aux mauvais souvenirs. Car elle les connait, ces mauvais souvenirs. Il lui raconte à chaque fois qu'il est mélancolique. Ce n'est certes pas fréquent, mais ce ne sont pas des histoires qu'on oublie. Elle ne le ménage pas un seul instant jusqu'à ce qu'ils arrivent devant un manoir qui semble abandonné, à quelques lieux de la ville. Elle se pose dans l'herbe humide, et le regard qu'elle lui lance semble rieur.


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  • La folie

     

     

     

    Douché, habillé, j'avais déjà pris mon petit déjeuner et j'avais fait mes exercices matinaux lorsque retentirent les premières notes de musique annonçant les informations de sept heures.
    La voix de la journaliste était grave et tendue. Je redoutais qu'elle nous annonce le pire depuis de nombreux jours. Inéluctable, la situation ne pouvait qu'empirer.
    D'une voix fêlée, elle annonça que les troupes ennemies marchaient en direction de notre ville. Elle poursuivit, d'un ton qui se voulait calme, mais qui n'y parvenait pas tout à fait, en nous faisant les dernières recommandations d'usage : se terrer à l'abri, avec des provisions, et se cacher. Il était trop tard pour fuir. Et fuir où ?

    Dans un grondement sourd qui fit trembler les fenêtres, des avions ennemis nous survolèrent.

    La suite de ses paroles se fondit peu à peu dans le vide : j'étais entraîné par un flot de souvenirs. La guerre s'était déclenchée des années auparavant, suite au manque de pétrole. Et les gouvernements avaient eu beau trouver des solutions alternatives, ce ne fut pas suffisant. Le pays voisin au nôtre nous avait toujours voué une haine féroce, et le fait qu'il nous restât un peu d'or noir avait été une raison suffisante pour déclencher les hostilités. La lutte avait été âpre et les morts se comptaient par milliers. Mais malgré tous les efforts de notre armée, l'ennemi s'avançait vers la capitale. Nos anciens alliés avaient bien trop à faire pour contenir leurs populations mécontentes, et se mêler à une guerre les auraient affaiblis. Nous étions seuls.

    Les chars d'assaut qui envahissaient notre ville faisaient trembler le sol, rendant palpable la menace qui pesait sur nous.

    “Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. “ William Faulkner. Cet homme avait vécu des décénies auparavant, mais la sagesse traverse le temps sans s'étioler.
    C'était la folie, la haine et la cupidité des hommes qui marchaient sur nous. Que pouvions-nous faire face à ce trio infernal ? Nous étions perdus, et bien malgré moi, un étau compressait ma poitrine.
    Je passais un doigt nerveux sous le col de mon pull, comme s'il menaçait de m'étouffer. Quel espoir nous restait-il ?

    Des cris se faisaient désormais entendre dans les rues, ponctués par des coups de feu. Ce qui restait notre armée luttait contre l'envahisseur, tant bien que mal.

    Je redressai le menton, me dressant face à la fenêtre aveuglée par les volets clos. Et alors que l'angoisse me serrait la gorge auparavant, je fus soudain presque apaisé. Nous ne pouvions les vaincre, mais leur montrer le meilleur de l'humanité, nous le pouvions. Oui, nous pouvions parfaitement leur montrer ce que signifie se battre pour la justice. Pour l'honneur. Pour ses frères. Pour sa patrie. Pour le droit de vivre libres.

    Tournant rapidement des talons, je m'habillais pour sortir, non sans avoir pris l'arme que m'avait offert un vieil ami lorsque les troubles avaient éclaté. Et, silencieux comme un murmure, je descendis dans la rue. Je me déplaçais dans les ombres, discret, invisible. A quelques mètres de moi passèrent les soldats à pied, lourdement armés de leurs mitraillettes. L'Histoire se répète, fous que nous sommes d'oublier les leçons du passé.

    Plus loin, le combat faisait rage. Et je devinais, non loin de moi, des familles entières cachées dans les caves. Pour être libres ! Je m'avançai au milieu de la chaussée, et d'un cri, interpelai nos ennemis, mon arme pointée sur eux.

    Surpris, ils le furent incontestablement, et c'était bien la raison de mon geste de folie. J'en profitai alors pour vider mon chargeur sur eux, et dans la confusion qui suivi, je vis plusieurs corps s'effondrer. Alors ils eurent une réaction cohérente, et leurs mitraillettes se tournèrent vers moi. Et ce fut le néant.


    Deux anges, tout de blanc vêtus, étaient penchés sur moi, soucieux. Je leur adressais un sourire hébété. Mon sacrifice n'avait pas été vain. L'un deux, de toute sa douceur, posa une main sur mon front.

    - Tout va bien, monsieur.

    L'autre s'éloigna légèrement, et je l'entendis parler dans une radio crachotante.

    - On a un vétéran de l'armée, en pleine crise de démence. Il vient de tuer trois hommes. Nous attendons des renforts.


    Des anges parlant dans une radio crachotante... Voilà de quoi tuer un mythe.


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