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Résumé :
Lorsque la licorne protectrice du royaume est assassinée, il ne reste plus rien pour défendre Setiladom des protégés du comte Zeldor de la Cité des Monts Damnés. Héribold, accusé à tort d’avoir occis l’animal, va finalement se voir confier la lourde tâche de ramener une autre de ces créatures sacrées à la citadelle.
Mon avis :
C'était un achat impulsif : j'ai été séduite par la couverture et par le résumé qui change un peu de l'ordinaire. Et ça m'apprendra à faire des achats impulsifs.
L'idée d'origine était bonne, je trouve : on apprend que la licorne est l'animal magique capable de défendre le royaume contre les méchants dragons qui veulent le raser. Là où le bât blesse, c'est pour tout le reste, quasiment.
Certains personnages ne sont visiblement là que pour servir le récit : la petite fille d'Héribold, par exemple, qui lance une expédition pour aller sauver son père, condamné à mort, au tout début du roman. Je ne vous spoile pas trop en disant que le père fini par être sauvé (trois pages plus loin). Il s'aperçoit bien que sa fille est là, mais, alors même qu'il déplorait le fait de ne pas l'avoir aimé suffisamment, il n'y a aucune mention de retrouvailles entre le père et sa fille. Et pas besoin de verser dans le sentimental guimauveux, il suffisait d'une allusion. Et ce travers, on le retrouve tout le long du récit. Certains personnages apparaissent clairement pour servir uniquement à l'avancée de la quête, et c'est tellement flagrant que ça en est énervant.
Et de plus, en terme de caractères, il y a de sérieuses incohérences. Héribold est en charge de la défense de la ville. Le grand chef donc. Et pendant la quête, à plusieurs reprises, l'auteur nous dit, grosso modo, qu'Héribold n'avait pas l'habitude de prendre des décisions qui pesaient si lourd sur le destin de sa cité. Hum. Et donc, en tant que chef des gardes ? Il faisait quoi ?
Un autre travers qui m'a agacé : la simplicité avec laquelle ils règlent les problèmes qu'ils rencontrent.
Pour l'un d'entre eux en particulier, des dizaines de chercheurs, des siècles durant, se sont cassé les dents sur une énigme insoluble, et eux, en quelques heures réussissent à percer le mystère. Les coïncidences sont vraiment trop grosses : le premier-venu qu'ils croisent peut systématiquement les aider.
Toute la quête est lancée sur une simple intuition, et si les personnages arrivent à se convaincre du danger, ce n'était pas mon cas.
Un autre détail qui m'a dérangé, c'est les ''copies'' du Seigneur des Anneaux. D'accord, le mot copie est un peu fort mais bon. Les personnages vont dans une auberge appelée Le Destrier Fringuant. Ils sont dans une tour, la plus haute du monde, et en son sommet, ils découvrent un immense globe rougeoyant. Alors qu'ils avancent plus au nord, il découvrent les Gardiens, deux statues immenses de guerriers jumeaux, qui annoncent l'entrée dans une terre. Ce n'est peut-être pas volontaire mais voilà, ça m'a fait tiquer.
La plume n'est pas désagréable à lire. Mais les personnages manquent de profondeur, de cohérence. Les difficultés rencontrées sont si vite résolues qu'on peine à adhérer à leur quête. La menace n'est pas franchement menaçante. Quant aux idées des ''scientifiques'', elles sont assez surprenantes d'immaturité.
J'admets que c'est un roman jeunesse. Mais nos chères têtes blondes méritent mieux. Une grosse déception, donc.
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L'image n'est pas à moi. Cliquez sur ce lien pour découvrir le blog de la dessinatrice : link
Son chez-lui, sa tanière, son refuge est totalement vide. Ses meubles, ses habits, ses quelques possessions ont disparus. Ne reste que la poussière et quelques toiles d'araignées. Fébrile, il se précipite vers ses cachettes : la troisième brique en partant du milieu, à hauteur d'épaule, est amovible. Et en la retirant, Elland découvre avec soulagement que ses trésors sont toujours là. A la hâte, il s'en empare, les fourre pêle-mêle dans son balluchon, puis se précipite vers son autre planque : la planche juste avant le seuil de la porte. Et là encore, son butin est intact. Dernière cachette, sur l'une des poutres de la charpente, creusée par ses soins. Oui ! Toujours là !
Dans un geste dérisoire, Elland serre précieusement son balluchon contre son torse, et tourne lentement sur lui-même au milieu de son appartement vide. Il n'y a définitivement rien d'autre à récupérer.
Incapable de rester plus longtemps entre ces murs, il se glisse par la lucarne, douloureusement conscient que c'est sans doute la dernière fois qu'il peut le faire. Puis, accroupi sur le toit mitoyen, il contemple la ville sans vraiment la voir, plongé dans ses pensées. Il n'a plus rien. Certes, il lui reste des bijoux volés, qu'il pourra revendre. Mais il n'a plus de refuge. Il n'a plus de meubles, ni le moindre objet de la vie courante. Ils lui ont volé sa vie.
Le regard fuyant de la vieille lui revient soudain en mémoire, et enfin, il met le doigt sur le détail qui le dérange. Les gardes n'emmènent rien d'habitude, si ce n'est le suspect. Et les connaissant, ils n'ont pas dû passer beaucoup de temps à fouiller, sinon, ils auraient trouver son butin. Ils cherchaient un coureur de jupons, capable de pervertir cette innocente femme. Ils ne cherchaient pas un voleur. D'accord, pour chez lui, ils ont dû se faire avoir par les pièges, mais ils ne s'amuseraient certainement pas à descendre les meubles, même par vengeance. Pour en faire quoi de toutes façons ? Ils n'ont pas trouvé de preuves, et c'est tout ce qu'ils cherchaient.
Par contre, sa logeuse... apprenant que son locataire ne reviendrait pas, elle a dû faire appel à des connaissances qui sont venues piller chez lui, poser leurs sales pattes sur ses affaires, et les emmener contre quelques pièces d'argent. Et la vieille peau s'est empressée de trouver un nouveau locataire, avant même de s'assurer qu'il était bien condamné.
Un cri de rage s'étrangle dans sa gorge. Qu'elle soit maudite ! Qu'elle brûle en Enfer !!
Mais la fureur s'efface rapidement alors qu'il observe sa main. Il ne peut plus plier complètement ses doigts et il en sent à peine les extrémités. Quant à saisir un objet et le porter, c'est devenu complètement aléatoire : parfois, il y parvient, parfois l'objet lui échappe, comme s'il était aussi glissant qu'un poisson dans une rivière. Pourra-t-il seulement reprendre ses activités comme avant ?
L'arrivée d'Echidna interrompt le cours de ses pensées. Avec tendresse, elle vient frotter son museau contre épaule, et il réalise, hébété, que la nuit est déjà tombée depuis longtemps. Sa gargouille s'assoit tout contre lui, et il fait reposer son front contre sa peau rugueuse. Elle n'a pas besoin de lui parler pour le réconforter. Sa simple présence suffit à lui remonter le moral : il n'a peut-être plus grand chose, mais il l'a, elle. Et c'est bien le plus important. Pourtant, bien malgré lui, ses pensées dérivent et il fait une liste des objets qu'il a perdu. Il sait bien qu'il est inutile d'aller parler avec sa logeuse : même si elle lui disait à qui elle a vendu ses possessions, il ne pourrait jamais les récupérer. Et même si ça lui revient de droit … il est fatigué de lutter.
D'un mouvement doux et pourtant ferme, Echidna suspend ses réflexions et l'invite à grimper sur son dos. Il rechigne et bougonne, satisfait de se lamenter sur son sort. Mais il comprend rapidement : s'il est toujours là quand le soleil se lèvera, il sera coincé sur le toit. Le goujat qui occupera sa tanière empêchera tout passage par la lucarne et il serait suicidaire de redescendre par la façade. Seulement, dans sa situation, il a juste envie de rester là et d'attendre que ça se passe. Echidna se fait insistante, et il s'exécute. Son baluchon solidement noué autour de la taille, il passe les bras autour de son cou. D'un mouvement puissant, elle prend son envol et s'élève au dessus des toits. L'excitation habituelle du vol, voire la nausée, n'arrivent pas. Il reste totalement amorphe malgré les efforts de la gargouille pour lui procurer des sensations. Ils survolent les toits tellement bas que quelques tuiles se détachent et vont s'écraser bruyamment sur les pavés. Et ils frôlent la Grand Tour Célestis de si près qu'Elland manque d'être jeté à terre. Mais rien. Pas la moindre nausée, pas la moindre peur. Il se sent aussi vide que son appartement.
Echidna s'éloigne peu à peu de la ville, jusqu'à survoler les bois environnants. Lorsqu'elle se pose souplement sur le sol humide, il est assailli par l'odeur d'humus qui lui rappelle son séjour à la cascade. Les lieux sont sinistres, à peines éclairés par l'astre nocturne. De sa démarche si particulière, Echidna l'entraîne jusqu'à un monticule de rochers et le désigne d'un large mouvement de la tête. Il la regarde un moment sans comprendre, et soudain, tout s'éclaire : puisqu'il n'a plus de refuge, il doit dissimuler une partie de son butin ici. A l'aide d'une pierre tranchante, il creuse un trou profond et se défait d'une chemise, dans laquelle il plie soigneusement les bijoux des Clamadinis : ce sont les plus dangereux, et plus compromettants. Il ne garde que le médaillon où la femme lui sourit, ainsi que des bijoux plus anonymes. Demain, il ira voir Thémus pour se faire un peu d'argent. Immobile, les genoux sur la terre fraîchement remuée, il a l'impression d'enterrer sa vie.
C'est Echidna, encore, qui le tire de ses pensées moroses. Réalisant que la nuit vieillit, il agit. Ses biens soigneusement recouverts de terre, de cailloux et de feuilles, il remonte sur le dos d'Echidna. L'aube fait pâlir le ciel, il est temps de rentrer. Et si Elland ignore où aller pour dormir, sa complice n'hésite pas. En quelques minutes, ils se retrouvent dans la petite ruelle derrière l'Hermine Affamée.
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Résumé :
En l'an 31, l'empereur Tibère, désabusé et las des intrigues de Rome, se retire à Capri.
Une fin de règne délétère commence, sur laquelle plane l'ombre du terrible Séjan, préfet du prétoire, à qui l'empereur a confié le pouvoir, et dont l'ambition est sans limites ... Personne n'ose s'opposer à ses hommes de main. Personne? C'est oublier Kaeso, jeune centurion du corps des prétoriens impériaux, une tête brûlée, qui a le courage de s'insurger. Expédié à Pompéi comme chef de la police, il y découvre un climat de tourmente et plonge dans l'œil du cyclone.
Devant l'urgence, Kaeso se lance à corps perdu dans une enquête serrée et tente de déjouer un complot qui pourrait bien viser l'héritier du trône, un certain Caligula. Le jeune homme a heureusement de précieux alliés : Io, son fidèle léopard ; les gardes germaniques - ses frères d'armes; Hildr, sa mère, guérisseuse le jour et magicienne la nuit ; et enfin sa propre cousine, la ravissante Concordia, très bien informée des secrets de la Cour...Mon avis :
C'est un peu par hasard, au gré de mes pérégrinations sur le net, que j'ai découvert cet auteur. Et je ne le regrette pas du tout.
Cristina Rodriguez est romancière mais également historienne, spécialiste de l'antiquité Gréco-Romaine. Et de ce fait, la plongée dans la Rome Antique est parfaitement plausible, sans incohérences et historiquement exacte. Elle place ses fictions dans cet univers avec brio, faisant renaître sous nos yeux une époque pas forcément très bien connue, tout en restant à la portée de chacun. C'est bel et bien une fiction que nous avons devant nous, pas un cours magistral, et c'est nettement plus intéressant.
L'intrigue est très bien menée, les événement s'enchaînent sans temps morts, avec cohérence. Les mystères s'accumulent sans répit jusqu'au dénouement final, particulièrement surprenant.
J'aime beaucoup les personnages qu'elle a créé : il ont tous une réelle personnalité, une profondeur qui ne peut que nous toucher. Kaseo et ses blessures du passé, qui se retrouve dans une Pompéi « calme, où il ne se passe jamais rien », et qui découvre une police aussi incompétente qu'inefficace. Il s'avère qu'à peine arrivé, il est confronté une série de meurtres et d'évènements étranges. On comprend parfaitement son désarroi, et on tourne les pages en espérant que tout s'arrangera.
Il y a toute une galerie de personnages qui gravitent autour de lui et qui rendent ce récit vraiment prenant.
L'auteur fait preuve de beaucoup d'humour également : Concordia, piètre cuisinière, veut pourtant préparer le dîner à la Caserne... et verse dans le plat assez de piment pour assaisonner les plats de toute la ville. Kaseo est tout de suite appelé auprès de ses hommes qui se ruent vers le puits. Découragé, il pense que la situation ne pourrait pas être pire. Et la première phrase du chapitre suivant est : « Elle a mis le feu à la caserne ».
Une plume très agréable à lire, un récit fluide et prenant, une intrigue bien menée, et des personnages vraiment touchants : j'ai vraiment aimé cette lecture !
Bon à savoir : Kaseo revient pour une autre enquête dans le livre Meurtres sur le Palatin. Livre que j'ai lu avant celui-là (forcément) mais qui est tout aussi intéressant !
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Résumé :
Hiver 1953, Moscou.
Le corps d'un petit garçon est retrouvé sur une voie ferrée.
Agent du MGB, la police d'État chargée du contre-espionnage, Leo est un officier particulièrement zélé. Alors que la famille de l'enfant croit à un assassinat, lui reste fidèle à la ligne du parti : le crime n'existe pas dans le parfait État socialiste, il s'agit d'un accident. L'affaire est classée mais le doute s'installe dans l'esprit de Leo.Tombé en disgrâce, soupçonné de trahison, Leo est contraint à l'exil avec sa femme Raïssa, elle-même convaincue de dissidence. C'est là, dans une petite ville perdue des montagnes de l'Oural, qu'il va faire une troublante découverte : un autre enfant mort dans les mêmes conditions que l'« accident » de Moscou.
Prenant tous les risques, Leo et Raïssa vont se lancer dans une terrible traque, qui fera d'eux des ennemis du peuple...
Mon avis :
Le gros point fort de ce roman, c'est l'univers. L'auteur a su parfaitement retranscrire cette sombre période de l'histoire. C'est une chose de connaître les dates auxquelles Staline a été au pouvoir, de connaître ce qu'il s'est passé, c'en est une autre de plonger dans ce contexte et de suivre la vie quotidienne.
C'est donc dans un climat de famine que s'ouvre le roman. Dès les premières pages, les évocations sont très fortes et m'ont noué la gorge. Les faits sont énoncés simplement, sans sur-jouer, et n'en sont que plus difficiles. Puis, viennent la paranoïa et la terreur. L'omniprésence du gouvernement, les arrestations arbitraires, la délation, tout est évoqué sans concession.
Au milieu, nous avons les personnages, qui survivent tant bien que mal. Ici encore, pas de concessions : ce sont des personnages durs, froids comme le climat, totalement dénués de la moindre naïveté. La paranoïa, la moindre action savament réfléchie pour ne pas attirer l'attention. Mais pourtant, l'auteur parvient à les rendre attachants : ils luttent envers et contre tout, au péril de leur vie, pour trouver cet assassin d'enfants. Alors que le gouvernement, qui se targue d'avoir éradiqué toute criminalité, se contente de coupables "faciles", là un handicapé mental, ici un marginal. Qu'importe, la théorie du serial killer n'est tout simplement pas acceptable.
L'intrigue policière en elle-même n'est pas très développée. Trouver le meurtrier est presque « facile » mais ce n'est pas ce qui compte réellement, tant nous voulons la survie des héros.
C'est un livre très fort, très marquant. L'auteur a parfaitement intégré son récit dans la réalité historique de l'époque, et c'est là toute la force du roman à mon avis. A lire !
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Dès le lendemain, une confortable routine s'installe. Ménandre, fraîchement promu garde-malade, vient lui apporter son petit-déjeuner. Avec sa bonne humeur, et les ragots de la soirée, il l'aide involontairement à chasser les dernières traces de ses cauchemars. Le premier jour, il raccourci ses cheveux couleur nuit, devenus trop longs. Et avec mille précautions, passe la redoutable lame du rasoir sur sa barbe naissante.
Puis c'est le médecin qui vient pour changer les pansements, appliquer encore les onguents, vérifier la cicatrisation.
Il s'accorde une petite sieste après le déjeuner, mais même là, le Comain est présent, et il revit chaque instant passé en sa compagnie. Et c'est encore Ménandre qui l'aide à s'en extirper, en lui faisant faire des exercices. Théoliste l'a autorisé à se lever, mais il doit faire très attention car il a perdu beaucoup de forces. Le gamin, la mine concentrée et la voix docte, le guide et le soutient tout au long de sa convalescence. Chaque geste est douloureux, mais la perspective d'aller voir Echidna lui donne des ailes. Et quand ça ne suffit plus à repousser la douleur, c'est Ménandre qui, d'une simple phrase, le pousse à avancer : '' Encore un peu, Elland, allez, s'il te plait ! ''.
Le temps poursuit sa course. Ses plaies cicatrisent, sauf la longue coupure sur son avant-bras gauche, qui en fait presque toute la longueur. Malgré toute sa panoplie d'herbes, le médecin ne parvient pas à assainir la lésion et redoute l'infection. Sa main gauche a perdu beaucoup de sensibilité et en dépit de ses efforts, il ne parvient pas à récupérer ses facultés. Théoliste craint que les nerfs soient touchés, et le prépare doucement à l'idée qu'il ne pourra jamais plus s'en servir comme avant. Son genoux droit est plus douloureux, lui aussi, et le fait légèrement boiter. Là encore, le médecin est assez pessimiste : les sévices qu'il a subit ont profondément marqué sa chair, et son corps s'en souviendra toute sa vie.
Bien qu'ébranlé par ces nouvelles, Elland ne se laisse pas abattre. Il veut revoir sa gargouille. Il aura bien le temps de trouver des parades aux séquelles de sa rencontre avec le Comain.
Il use de toute sa force de persuasion pour convaincre le gamin de l'accompagner, à la nuit tombée, jusqu'à la porte arrière de la taverne. Ménandre, qui prend son rôle très au sérieux, craint qu'il nes'épuise, ou qu'il ne se blesse, et souhaite en parler d'abord à Pèire ou à Théoliste. Prenant alors un air de conspirateur, Elland lui propose un marché : s'il ne souffle mot à personne et l'aide, il pourra lui demander n'importe quel service en retour. En bon voleur, le gamin négocie durement les conditions, avant d'accepter. Et c'est avec la légère impression de s'être fait avoir qu'Elland le suit hors de la chambre.
Le couloir est désert, mais dans la salle commune résonnent rires et éclats de voix. Discrètement, et aussi rapidement que possible, ils descendent l'escalier de service jusqu'à la cuisine. C'est le coup de feu, et la cuisinière, une petite femme épaisse comme un fil de fer, se démène devant les fourneaux. Leur sortie passe inaperçue et ils se retrouvent rapidement dans la ruelle derrière la taverne. Seul un filet de lune, et une lanterne éloignée, dispensent un peu de lumière.
Ils n'attendent pas plus de cinq minutes dans l'air frais du soir avant qu'une lourde silhouette ne se pose devant eux.
La nuit s'est immobilisée autour d'eux et semble retenir son souffle. Les deux complices sont figés dans une contemplation silencieuse. Avec avidité, ils se scrutent mutuellement, cherchant à savoir comment va l'autre. Echidna n'a pas changé, elle est toujours aussi impressionnante, même si Elland, en toute subjectivité, la trouve magnifique. Seuls ses iris sombres ont gagné en gravité.
Puis tout semble se remettre en mouvement en même temps : au loin, un fracas laisse deviner une maladresse volumineuse. Le vent, d'une virevolte capricieuse, charrie jusqu'à eux le fumet des fourneaux de la taverne. Et Echidna, d'un bond puissant, se projette vers le voleur, s'arrêtant à quelques centimètres seulement de son corps fragile et meurtri.
Elle le renifle maintenant, s'attardant son genou, puis sur son avant-bras. Elle ne semble pas avide d'affection, plus préoccupée par les changements de son ami. La gorge nouée, Elland pense au pire : il est diminué, et le restera sans doute toute sa vie. Avec sa main gauche handicapée, pourra-t-il toujours la guider comme avant ? Avec son genou douloureux, tiendra-t-il toujours sur son dos, sans perdre l'équilibre ? Et elle... acceptera-t-elle un maître diminué ?
Son museau s'attarde sur le bandage qui orne son bras, se frottant dessus jusqu'à le faire grimacer.
- Arrête Echidna, tu me fais mal.
Elle lui jette un regard glacé, et poursuit de plus belle. Les larmes au bord des yeux, Elland défait le bandage pour lui montrer la blessure. Elle souhaite sans doute constater par elle-même l'étendue des dégâts, avant de prendre la décision de l'accepter à nouveau comme partenaire. L'entaille est profonde, boursouflée et brûlante. Echidna la renifle longuement, avant de river ses yeux dans ceux, désespérés, du voleur. Ses iris rougeoient de colère.
Puis sa langue râpeuse parcourt la longueur de sa plaie, encore et encore. La douleur lancinante est insupportable, et envoie des ondes jusqu'à son cœur, qui s'affole. Il chancèle sur ses jambes, et Ménandre vient à sa rescousse pour l'accompagner dans sa chute.
Elland reste assis sur les pavés froids et humides, mortifié par la honte, paralysé par la douleur. Echidna cesse alors de lécher sa plaie, et vient poser sa tête massive sur l'épaule du voleur. Il replie son bras blessé contre son torse, dans un geste dérisoire de protection, et passe son bras valide autour du cou de sa complice. Un sentiment d'affection puissant émane de la gargouille, mêlé au soulagement et à la joie. Elle l'aime toujours, et il a la certitude qu'elle l'aimerait quoiqu'il arrive. Qu'importe les séquelles, ils sont partenaires. Le visage enfoui dans son cou, il laisse libre cours aux émotions qui le bouleversent. Jusqu'à ce que ...
- Qu'est ce qu'il se passe ici ?
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