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    Résumé :

     

    Tandis qu'il rentre du collège en un jour londonien pluvieux, Jake Djones, quatorze ans, est enlevé par des ravisseurs peu communs. Ils prétendent agir pour sa propre sécurité et l'emmènent au quartier général de leur organisation, en Normandie au XIXe siècle ! Ils connaissent bien les parents de Jake, et veulent comme lui les retrouver. Mais ça ne va pas être facile : ces derniers sont perdus... quelque part dans le passé.

     

    Mon avis :

     

    Je dois bien avouer que la couverture, tout en relief, n'est pas totalement étrangère à ma décision d'adopter ce roman. Je sais bien qu'une couverture ne fait pas le roman, mais je suis si faible :(

    Le résumé avait l'air prometteur également, même si je redoute toujours un peu les voyages dans le temps, à cause de cette fichue cohérence qui me perturbe à chaque fois.Le livre terminé, difficile d'avoir un avis tranché. Pour plusieurs raisons.

     

    C'est un livre jeunesse. Je sais, je sais, à chaque fois, je remets ça sur le tapis, et à chaque fois, j'en lis d'autres, mais quand même. Autant il y a d'excellents livres jeunesse, qui manient les sentiments avec subtilité et qui réservent leurs lots de surprises, autant il y en a qui semblent cousus de fil blanc, avec des émotions trop faciles et trop convenues. Ce roman, à ma grande déception, fait partie de la seconde catégorie.

     

    Bon, sans trop spoiler, on a un jeune ado qui se fait enlever, à qui on  raconte qu'il peut voyager dans le temps (sans surprise, il s'avère qu'il a des capacités hors du commun pour ce genre d'aventure), et qu'il doit sauver ses parents perdus dans le passé. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que Jake ne fait pas trop de difficultés pour accepter tout ça. Bon, il rechigne un peu, doute, s'interroge, mais pas plus que le minimum syndical. Dommage.

     

    Bien sûr, il veut sauver ses parents, et là, pour le coup, on sent bien toute l'affection qu'il leur porte. Au point de foncer tête baissée à Venise, pour les retrouver, malgré les mises en garde et les conseils de l'organisation qui lui conseillent de rester à l'abri. Et ce n'est que du bon sens : l'ado n'a jamais voyagé dans le temps, et s'attaque au plus méchant des méchants.

     

    Parce que là aussi, le bât blesse. Les gentils sont très gentils, pétris de bonnes intentions, brillants, débrouillards, et chanceux. Les méchants, eux, sont très méchants, habillés de noir, très moches ou très beaux et ont pour animaux de compagnie des chiens hargneux ou des serpents. Sans parler de l'enchaînement d'évènements, où tout se déroule pour le mieux pour nos jeunes héros. Et c'est là que ça me pose souci. Je ne nie pas les capacités d'ado de 14 et 15 ans, pas du tout, mais ce côté "je débarque, mais je suis super fort en fait, je m'infiltre chez les méchants sans que personne ne remarque rien et je déjoue un complot mondial", ça me perturbe. Un peu. Beaucoup.

     

    Et puis, il y a ces fameux voyages dans le temps. Toujours très délicat, car modifier le passé modifie le présent et le futur, non ? Et quid de ces méchants qui veulent assombrir l'Histoire, encourager les mauvais penchants humains pour déclencher des apocalypses ? L'auteur prend le partie de déclarer que les voyageurs sont "acteurs" de l'Histoire et qu'il peuvent parfaitement choisir l'époque à laquelle ils souhaitent vivre, sans que ça leur empêche de vieillir normalement. Soit. Mais lorsque le méchant souhaite, grosso modo, tuer tout le monde, ça va profondément changer l'Histoire. Et donc, potentiellement, empêcher ses parents de naître, et donc lui aussi de naître, non ?Et ça ne dérange pas ses projets ?

    Bref, voilà le pourquoi du comment de mes réticences à lire des histoires de voyage dans le temps.

     

    Ce fut cependant une lecture agréable, car fluide et relativement prenante : on a envie de savoir comment ça va se terminer, même si ça ne réserve pas de grandes surprises. Une lecture détente, sans prise de tête, où il ne faut pas chercher la petite bête si on veut en profiter.

     

     

     


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  • 1hsppwsl

     

    Le regard de Pèire est éloquent. Pas méchant, non, mais Elland sent bien toute l'absurdité de sa déclaration. Se frottant durement les tempes, comme pour mettre en ordre ses pensées trop rapides et trop confuses, Elland prend une longue inspiration et débite :

    - Ils ne se connaissent pas suffisamment pour vouloir s'exiler ensemble. Et pourquoi seulement les plus puissants ? Je pense qu'ils ont un but bien précis. Ils ne seraient pas partis sans rien dire, sinon. On a libéré des monstres, Pèire, ivres de vengeance et de pouvoir. Ils vont ravager le pays !

    Pèire secoue doucement la tête mais ne répond rien. Finalement, les idées d'Elland ne sont peut-être pas si farfelues qu'elles y paraissent. Si les mages ont été mis à l'écart, c'est à cause de leur possibilité de faire beaucoup de dégâts.
    Tandis que le tavernier fait les cent pas, plongé dans ses réflexions, Elland ne peut s'empêcher d'observer Maelenn et Ménandre. Deux êtres qui lui inspirent bien plus que de l'amitié. Il veut les protéger. Il veut les rendre heureux, les voir rire. Après tout ce qu'ils ont vécu, ils le méritent amplement. Il souhaite leur offrir la chaleur d'un foyer, la sécurité d'avoir toujours le ventre plein et un toit sur la tête. Et même s'il ne peut plus voler, même s'il ignore encore comment il pourra bien subvenir à leurs besoin, il trouvera une solution. Il a toujours son butin planqué dans la forêt, qui lui permettra de s'offrir une petite bicoque et de voir venir. Il trouvera une solution. Enfin, si ils sont d'accord.

    Portant machinalement ses doigts à la bouche, il se mordille les ongles. Pourquoi voudraient-ils venir avec lui ? Ménandre voudra certainement aller avec des mages, pour en apprendre plus sur ses pouvoirs et les exploiter à l'envi. Ou alors, il voudra aller avec Pèire et Jehanne, deux personnes qu'il aime beaucoup. Et Maelenn, elle, elle voudra sa liberté. Faire ce qu'elle veut, quand elle veut. Être libre, sans se retrouver avec un quasi-inconnu, balafré et doté d'une main capricieuse. Qu'est-ce qu'il pourrait bien avoir à leur offrir ? Il y a bien son butin, mais croire qu'on peut s'approprier les gens avec de l'argent ferait de lui un de ces bourgeois prétentieux et irrespectueux. Il a Echidna, bien sûr, mais elle est un être à part entière, et certainement pas un outil pour convaincre les deux de l'aimer.
    Il va leur laisser le choix. Voilà. Et s'ils refusent, eh ben, tant pis. Il ne va pas les contraindre. Il les laissera aller à leur guise et lui, il repartira avec Echidna. Et il trouvera une solution pour survivre. Seul avec sa gargouille. Après tout, c'est pas comme s'il...

    Une main épaisse et douce à la fois se pose sur son épaule, le faisant brusquement sursauter. C'est Pèire qui, avec son sourire triste, semble avoir lu dans ses pensées. Il lui serre légèrement l'épaule et lui annonce :

    - Je me suis permis d'envoyer Echidna en mission. C'est juste pour vérifier une idée.
    - Quelle idée ?
    - Je t'en parlerais en fonction de ce qu'elle découvre.

    Le regard ébène d'Elland plonge dans celui, gêné, de Pèire. L'ancien voleur n'a pas besoin de mots pour lui faire savoir ce que lui inspire ces cachoteries. Lui n'hésite pas à partager ses idées les plus improbables et Pèire manigance dans son coin ?

    - Très bien.

    Le ton est sans doute un peu trop sec, et son mouvement pour se dégager de la poigne du tavernier, trop brusque. Elland s'éloigne du campement sans se retourner, le visage fermé. Voilà ce qu'il reste de leur belle amitié. Une belle illusion, oui !
    Un sourire taquin vient effleurer son esprit. Echidna. Elle a senti son trouble et refuse de le laisser glisser dans les méandres de la suspicion et de l'apitoiement. Il s'immobilise, sourit. Elle est là. Sa complice de toujours, à ses côtés, envers et contre tout. Un paysage défile dans son esprit, survol de cette forêt majestueuse. Pèire ne veut rien lui dire mais Echidna, elle, lui fait profiter en temps réel de sa mission. Un ricanement s'échappe de ses lèvres. Cette nourrice à gargouille se croyait maline, à vouloir cacher des choses. C'était sans compter sur le lien indestructible qui lie Elland et Echidna. Bien fait !

    La vision est tellement réaliste qu'il sent l'air fouetter son visage et qu'il perçoit l'odeur si particulière de la forêt. Une odeur fraîche d'humus, bien éloignée de celle, putride, des bas-quartiers de Rivemorte. Le vent siffle à ses oreilles. Il vole, libre, puissant, invincible. Il survole la forêt, aperçoit une clairière au milieu de cette immensité verte, distingue tous les détails comme s'il était en plein jour. Et puis, les arbres se font plus rares, plus chétifs. Déjà, il survole les champs de blé mûr, qui n'attendent que les hommes pour la moisson. Une poignée de bestiole somnole dans des prairies, vaches ou moutons, la différence n'est pas flagrante. A quoi bon les distinguer, de toute façon : ça se mange et ça fait du lait. Manger ! Il a soudain conscience d'une faim dévorante, comme si son estomac s'était transformé en abîme avide de proie. Il perd de l'altitude. Il s'approche, toutes ailes déployées, de son casse-croûte. Non ! Pèire lui a donné une mission, il doit l'accomplir. Il grignotera ensuite, sur le chemin du retour. Quoique. Il pourrait peut-être manger en cours de route. Ce ne serait pas la première fois. Ni vu ni connu, il ne perdrait pas de temps. Sauf que ça lui donne des gaz. Au retour. Il mangera au retour.


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    Résumé :

     

    Natan est un sportif surdoué, membre d'une étrange famille. Shaé possède, tapie au fond d'elle-même, une Chose qu'elle ne maîtrise pas. Les deux adolescents sont séparés par des kilomètres, mais lorsqu'ils se rencontrent, ils se découvrent un héritage commun fascinant et dangereux. Suffira-t-il à combattre l'Autre, terrifiante incarnation du Mal ?

     

    Mon avis :

     

    Quand on y regarde de plus près, ce roman n'a rien d'original : un jeune garçon, surdoué, rencontre une jeune fille dotée, elle aussi, d'étranges pouvoirs, et se retrouvent à lutter ensemble contre le Mal incarné.

    Sous la plume de bon nombre d'auteurs, ce résumé aurait pu laisser présager peu de rebondissements et, au final, une impression de déjà-lu.

     

    Sauf qu'il s'agit de Pierre Bottero. En quelques lignes, on est happé par cette histoire, suivant le parcours pour le moins chaotique de Natan. Avec juste ce qu'il faut d'émotion, l'auteur sait nous présenter l'élément déclencheur de cette folle aventure. Et jusqu'au premier tiers du roman, difficile de lâcher le livre tant le suspens est haletant.

    Bien évidemment, après un tel démarrage, difficile de ne pas sentir quelques longueurs ensuite, quand tout s'explique enfin et qu'on a quelques clefs pour comprendre ce qu'il se passe.

    Mais la plume de Pierre Bottero est toujours là, vive, évocatrice, et on suit avec grand plaisir la découverte de Natan.

     

    Ce n'est pas ma saga préférée de cet auteur. J'ai trouvé quelques longueurs, quelques traits caractères et quelques personnages un peu trop forcés, quelques passages un peu attendus.

     

    Mais c'est également l'occasion pour l'auteur de nous présenter de nouvelles créatures, issues de son imaginaire et qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. Une légende, des hommes et des actes qui ne peuvent pas laisser indifférent, le tout savamment saupoudré de fantastique.

     

    Ce fut une lecture particulièrement agréable, pas celle que j'ai préféré de cet auteur mais qu'importe : j'ai passé un excellent moment à la lecture!


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  • 943hn8e1

     

     

    La nuit tombe sur le campement. La journée a passé doucement. La pression est enfin retombée alors ils en profitent pour se reposer, manger, panser leurs plaies. Théoliste aborde enfin une mine un peu plus avenante : Anthelme s'est réveillé. Les nouvelles ne sont pas bonnes pour autant : même s'il est un peu tôt pour l'affirmer avec certitude, le blessé semble avoir des séquelles. Osvan est toujours inconscient.

    Les mages s'affairent, chuchotent entre eux et préparent déjà leur avenir, décidant de leur lieu d'exil. Thémus passe entre eux, à grands pas rageurs, un pli soucieux sur le front. Sa femme et ses hommes sont sans doute encore aux mains des gardes de Rivemorte et avec la fuite des mages, Thémus préfèrerait les savoir en sécurité auprès de lui.

    Ménandre s'amuse comme un petit fou, faisant léviter tout ce qui croise son regard, sous la surveillance de Pèire et Elland. Les deux hommes essaient, eux aussi, de donner vie à un semblant d'avenir, à Rivemorte ou ailleurs. Ailleurs, de préférence, le temps que les choses se calment. Mais il reste la femme de Thémus, entre les murs de la ville, et ils ne peuvent pas l'abandonner à son sort.

    La douceur de Maelenn aide Jehanne à garder un semblant de contrôle sur son esprit torturé, tandis qu'elles s'affairent autour du feu. Mais la créatrice des gargouilles s'est enfoncée trop loin dans la folie pour que de simples paroles puissent la ramener.

    C'est Pèire qui, le premier, apprend le problème. Echidna est revenue à la vie et a repris sa surveillance. Il ne lui a pas fallu bien longtemps pour réaliser l'ampleur des complications. Une bonne vingtaine de mages a disparu. Pour en avoir le cœur net, Pèire se met à la recherche de Saens, qui pourrait l'aider à les identifier et, peut-être, donner les raisons de leur absence. Mais Saens est introuvable.

    Soudain, le campement est en état d'alerte. Les soldats ont sans doute réussi à les trouver et se sont emparé de certains d'entre eux, ne laissant que les femmes et les blessés. Car ils découvrent bien vite que seuls les mages les plus puissants se sont envolés. Thémus reprend aussitôt les choses en main. Ils se rassemblent autour du feu, avec interdiction absolue de s'éloigner. Ils sont tous aux aguets, prêts à défendre chèrement leur liberté et leur vie. S'ils sont bien plus vulnérables qu'à leur sortie de la Tour, amputés de leurs plus forts alliés, ils ne se laisseront pas reprendre sans lutter. Ils ont expérimenté la liberté et ils y ont pris goût.

    Echidna survole le campement, prête à les informer de la progression des soldats. C'est elle qui remarque les deux mages, en faction devant la sortie du labyrinthe. Somnolents, certes, mais bien vivants et presque alertes. Aussitôt averti, Thémus, Elland et Pèire vont les rejoindre. Ils ont besoin de savoir s'ils ont vu quelque chose d'anormal.
    Aucun soldat n'est passé par là. Les mages n'ont rien remarqué, aucun mouvement suspect. Mais Elland devine, dans le regard fuyant de l'un et dans le mutisme de l'autre, qu'ils ne disent pas toute la vérité. Sa voix se fait dure quand il les interroge :


    - Ils vous ont demandé de fermer les yeux, c'est ça ? Qu'est ce qu'il vous ont promis, en échange de votre trahison ? Une cellule plus confortable ?

    Les deux mages pincent les lèvres et s'absorbent dans la contemplation de leurs bottines. Le grondement de Thémus les fait frémir. Et l'un d'eux avoue :


    - Aucun soldat n'est venu. Je vous le jure. Personne. Mais certains mages sont partis. Ils étaient menés par Saens.
    - Tu veux nous faire croire qu'ils seraient partis comme ça ? Sans prévenir personne ? Et pour aller où ?
    - Je... Je ne sais pas. Saens nous a juste demandé de taire leur départ jusqu'à ce que vous le remarquiez. Il a dit qu'ensuite, il serait trop tard.
    - Trop tard ? Mais trop tard pour quoi ?
    - Ils ne nous ont rien dit ! Je vous le jure ! On ne sait rien.

    Les trois amis se concertent du regard. Bien sûr que les gardes ne sont pas dans les secrets des mages renégats. Que la disparition n'ait rien à voir avec les soldats ne les soulage que temporairement : le problème, désormais, c'est de savoir où ils sont partis et pour quelle raison les ont-ils abandonnés. Perdus dans leurs pensées, ils regagnent le camp. C'est une nuée de visage affolés qui scrute leurs visages à la recherche d'information. Thémus, de sa voix puissante, les rassure tant bien que mal. Mais difficile à faire quand on ignore tant de choses.

    Une douce tranquillité émane d'Echidna, qui survole les alentours du camp. Ils sont seuls, perdus au milieu de cette forêt. Loin de tout ennemis mais amputés de leurs meilleurs mages. Indifférent à l'agitation générale et au brouhaha que suscite l'annonce de Thémus, Elland réfléchit. Les mages renégats n'ont pas pu partir comme ça, pour aller s'installer dans une autre ville. Illogique. Ils les auraient prévenus. Et puis, pourquoi tous ensemble ? Pourquoi les plus puissants d'entre eux ? A moins... à moins qu'ils soient partis dans l'intention de former une sorte de clan, une secte de mages ivres de pouvoir. Voire de vengeance. Oui, ils pourraient bien s'isoler du reste du monde pour peaufiner leurs plans, maintenant qu'ils sont libres. Attendre leur heure en s'armant, en s'entraînant, en recrutant. Et quand ils seront prêts, déferler sur le continent et réduire les habitants en esclavage. Perpétrer le plus grand massacre de tous les temps et régner sur le monde tout entier. C'est bien possible, oui.

    Un frisson d'horreur lui parcourt l'échine et il redresse vivement la tête. Il croise le regard inquiet de Pèire, qui réalise immédiatement le trouble d'Elland et qui, d'un geste, l'invite à le suivre à l'écart des mages. Fébrile, le voleur s'empresse de le rejoindre. Il doit lui faire part de ses doutes. Ils doivent empêcher les mages de mettre le continent à feu et à sang.
    La voix grave et rassurante de Pèire le calme suffisamment, lorsqu'il lui demande les raisons de son trouble, pour qu'Elland puisse partager ses craintes :

    - Seuls les mages les plus puissants sont partis. Je ne t'apprends rien. Je pense que c'est parce qu'ils veulent dominer le monde.


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  • L'apprenti d'Araluen, T.1 - L'ordre des rôdeurs

     

     

    Résumé :

     

    Will rêvait de devenir chevalier, comme son père. Mais c'est un tout autre destin qui lui est réservé : le voici apprenti auprès de Halt, un rôdeur aux pouvoirs extraordinaires, défenseur du royaume. L'apprentissage de l'art du combat s'avère difficile mais passionnant. Il ne va d'ailleurs pas tarder à servir car Will et Halt ont pour mission d'empêcher l'assassinat du roi, menacé par Morgarath et ses créatures diaboliques.

     

    Mon avis :

     

    Pendant de terribles minutes, lors de la lecture des premières pages, j'ai eu l'impression d'avoir déjà lu ce livre. Des orphelins, qui se retrouvent face à des Maîtres, attendent qu'on les prenne en apprentissage.

    Et puis, cette sensation s'est effacée, et j'ai profité pleinement du roman.

     

    Un roman bien écrit, à l'écriture fluide et prenante. Un roman où il ne se passe cependant pas grand-chose : on sent bien que c'est un premier tome et qu'il est là pour mettre en place l'univers et les personnages.

    Le roman n'est pas follement original, mais il se laisse lire avec plaisir, sans surprise mais sans déception non plus. Si une grosse partie du roman est plutôt lente, l'action intervient vers la fin du roman, et les choses bougent enfin. Mais bien sûr, c'est le premier tome, et si une bataille est menée, la guerre ne l'est pas, loin de là.

     

    Je reproche souvent aux romans jeunesse, bien que je ne fasse plus partie du public visé depuis un bon bout de temps, d'être trop simples, trop caricaturaux, trop manichéens.

    Ce roman ne fait pas vraiment exception : les méchants sont très méchants et les gentils très gentils (parfois un peu trop pour être crédible). Les relations humaines sont bien dessinnées, mais sans réelle originalité ni complexité.

     

    Quelques pointes d'humour, à travers le regard de Will, quelques passages prenants apportent un petit plus appréciable. En réalité, ce fut une lecture plaisante, sans plus, mais pas décevante. Un roman honnête, ni excellent ni mauvais, qui permet de s'évader et de passer un bon moment de détente .


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  • Fantasy 1229

     

    Il garde la bouche entr'ouverte, prêt à dire quelque chose avant de se raviser. Et de chercher désespérément un argument, une assertion qui pourrait la convaincre que ça a de l'importance pour lui. Mais comme faire pour que ça ne paraisse pas hypocrite ? Ni d'une curiosité malsaine ? C'est vrai, quoi, après tout, il ne la connaît quasiment pas. Et voilà qu'il voudrait qu'elle lui raconte le plus personnel de sa vie. Il cesse de se tordre les doigts, referme la bouche et incline la tête, vaincu.

    C'est l'image d'un idiot fini qui s'impose dans son esprit et il comprend alors qu'Echidna est de retour. Quelques instants plus tard, les joues rouges, il la voit slalomer gracieusement entre les arbres jusqu'à venir se poser devant eux.
    La lumière se fait toujours rare, mais les prunelles de la gargouille sont parfaitement expressives. Elland peut y lire la joie des retrouvailles, de le savoir sain et sauf. La joie, évidemment, d'avoir retrouvé Ménandre. Et puis, il y a cette petite lueur, là, qui clame qu'il est un imbécile et qu'il n'est décidément pas doué avec les femmes. Il n'en demeure pas moins qu'elle s'approche lentement de lui, de sa démarche si particulière, et qu'elle vient coller sa grosse tête sous son bras.
    Quelques caresses au creux de l'oreille remplissent les sous-bois de l’écho de ses ronronnements. Maelenn approche une main timide et il l'encourage avec un large sourire.
    Un sentiment de bonheur à l'état brut émane d'Echidna, si fort que la jolie drapière pourrait presque le ressentir.
    Mais l'instant leur semble trop court : les premières lueurs de l'aube éclaircissent lentement la forêt, figeant la fidèle complice dans sa prison de pierre.


    - Vous êtes un homme plein de surprises, décidément...

    Ce sont les rayons du soleil qui embrasent ainsi ses joues, c'est la seule explication logique. Non qu'il puisse vraiment l'expliquer, lui qui semble avoir perdu toute faculté de parole. Il bafouille, bêtement, et ça la fait rire. De ce rire qu'il aimerait entendre jusqu'à la fin de ses jours. Et soudain, elle devient grave et murmure :

    - Les gens pensent que les Clamadinis ont fuit et vivent reclus, tous ensemble, dans quelque endroit secret du continent. Ils ont tort. Les descendants sont nombreux et disséminés aux quatre coins de la terre. Et puis, la vie n'est pas si simple, vous savez. Il suffit de parents qui partent trop tôt pour que le secret disparaisse avec eux dans leur tombe.
    - C'est votre cas ?

    Toute statue qu'elle soit, Echidna lui lance un grondement désapprobateur pour son manque de tact. Alors il essaie de se rattraper :


    - Enfin, je veux dire... Bon, ça n'a pas vraiment d'importance. Enfin, si, bien sûr, mais voilà, c'est... enfin … c'était stupide. Je me tais.

    Maelenn lui lance ce sourire amusé qu'il aime tant mais qui ne parvient pas à estomper sa gêne. Il garde pourtant les lèvres closes, bien conscient qu'il est incapable de se rattraper. Elle secoue doucement la tête, faisant danser les mèches folles qui encadrent sur visage et poursuit, d'une voix douce :

    - Je ne les ai jamais connus. J'ai grandi chez des paysans, dans un petit village près de Fiermont. J'ai compris assez jeune que je n'étais pas comme les autres enfants. Mais là-bas, la peur de la magie est encore plus ancrée qu'à Rivemorte. Alors j'ai appris a contrôler, de toutes mes forces. J'ai appris à la garder inactive, à ne la libérer que lorsque j'étais seule, loin de tout témoin potentiel. Et puis, une fois adulte, j'ai eu envie de rejoindre Rivemorte. La Ville. Je m'ennuyais, dans ce petit village, et je m'y sentais mal à l'aise. Pas vraiment à ma place. Alors je suis venue à Rivemorte, et j'ai été engagée chez les Monrand comme drapière. Ils n'étaient pas vraiment aimables, ni généreux, mais j'avais un toit, un travail. Et je me sentais enfin à ma place.

    Elland ne peut que sourire de l'entendre ainsi se confier. Il comprend parfaitement l'aspect rassurant des murs, des pavés et des ruelles animées, lui qui s'angoisse lorsqu'il se retrouve en pleine nature. Se fondre dans la masse, c'est depuis toujours son mode de fonctionnement, sa survie. Pas vraiment pour les mêmes raisons qu'elle, mais il la comprend et lui fait comprendre d'un petit signe de la tête, les yeux brillants d'entendement. Elle lui sourit, elle aussi, si tendrement, si joliment. Et poursuit de sa voix douce :


    - C'est à Rivemorte que j'ai appris l'histoire des Clamadinis. Et que j'ai enfin compris qui j'étais. Mais ça ne m'autorisais pas pour autant de me servir de mes dons à la vue et au su de tous. Le secret était ma seule arme pour lutter contre la méfiance et l'incompréhension des gens.
    - Mais ils vous ont quand même trouvée.
    - Mais ils m'ont quand même trouvée, oui. Ils devaient m'espionner, je suppose. Je n'en sais rien, à vrai dire. Je rentrais du marché quand ils m'ont acculé dans une ruelle peu fréquentée. Et je me suis réveillée dans la Tour.

    Les mots meurent sur ses lèvres, trop fragiles pour terminer l'histoire. Elland lui prend doucement la main, préférant garder le silence. Sa maladresse ne ferait qu'empirer les choses.
    Elle essuie du bout de ses manches ses joues sèches, secoue doucement la tête tout en gardant précieusement la main du voleur dans la sienne. C'est elle qui, une fois remise de ses émotions, propose qu'ils retournent au camp pour se reposer. Elle ne se plaint pas, mais des cernes noirs entourent ses jolis yeux. D'un simple hochement de tête, Elland accepte et se lève lentement.

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    Résumé :

     

    En cet été 1478, Roger le colporteur espérait profiter des joies paisibles de la vie de famille, mais il lui faudra remettre ce projet à plus tard. Alors que la ville de Bristol s'apprête à célébrer la Fête des Moissons, un boulanger est poignardé dans sa boutique. L'enquête s'annonce délicate : ce répugnant personnage, escroc et brigand de la pire espèce, était détesté par une grande partie des habitants. Fin limier, Roger se lance avec passion dans cette enquête malgré l'opposition de l'adjoint du shérif local... Il va pourtant falloir faire vite car les crimes, bientôt, se multiplient.

     

    Mon avis :

     

    C'était un roman offert pour l'achat de deux polars, alors il était bien évident que je n'allais pas ne pas céder.

    J'ai déjà dans ma PaL l'un de ses romans, mais je peine à dépasser les dix premières pages. Ce nouvel opus m'a clairement réconciliée avec la série, et je pense que le premier ne restera pas longtemps dans ma PaL.

     

    Parce que ce fut un vrai plaisir que de lire les aventures de Roger le Colpoteur. Nous sommes plongés dans l'époque de manière parfaitement naturelle, sans cours d'histoire ni personnage devin.

    L'auteur, avec sa plume fluide et efficace, retrace la vie à Bristol, entre les coutumes et la vie quotidienne. Jalousie, méfiance, difficultés financières, mais aussi solidarité et amitié, tout est abordé avec subtilité.

     

    J'ai beaucoup aimé le personnage de Roger, contraint de loger sa petite famille dans une toute petite maison d'une seule pièce. Avec pudeur, l'auteur nous dresse le quotidien de cette famille de trois enfants, où les parents ne peuvent pas avoir la moindre intimité : et Roger ronchonne à cause de ça, pour notre plus grand plaisir.

    Un roman plein d'humour également, qui m'a souvent fait sourire : Roger a beau être le chef de famille, quand sa femme décide quelque chose, il n'a plus qu'à filer droit... ou prendre la poudre d'escampette.

     

    J'ai également beaucoup aimé le fait que Roger s'incruste dans l'enquête sans que quiconque lui demande : malgré ses talents d'enquêteur, il n'est pas indispensable, du moins aux yeux des autorités. Et du coup, nous avons un personnage principal qui enquête par conviction, sans avoir l'égo flatté par des autorités désespérées.

     

    L'enquête est très bien menée, et elle m'a réservé quelques surprises, même si j'avais deviné le coupable un peu avant le colpoteur.

    Mais qu'importe, ce fut une lecture vraiment très agréable, et je vais de ce pas me lancer dans la bibliographie de Kate Sedley pour choisir mes futures lectures !


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  • imagef10

     

     

     

    - Mais tu savais faire ça, avant ?
    - Ben non ! C'est trop bien, hein ?
    - Ben...

    Elland jette un regard désespéré à Maelenn, qui hausse les épaules :

    - Ils ont... enfin, ils avaient un garde doué de magie. Il était capable de détecter les pouvoirs endormis, à condition d'examiner sérieusement la personne, et de les activer. Ménandre a sans doute eu des signes avant-coureurs, mais il devait être incapable de les identifier. C'est le cas de la plupart des mages. Et puis, à vrai dire, je ne suis pas convaincue qu'il s'agisse d'une coïncidence, cet enlèvement. Ils savent énormément de choses, ils ont beaucoup d'espions dans Rivemorte. Ils repèrent très rapidement les personnes capables de magie et font en sorte de les faire disparaître de la circulation. Ménandre était peut-être surveillé comme mage potentiel.

    Le jeune homme acquiesce machinalement. Il a vu ces dizaines de mages retenus dans la tour, et la ville qui s'agite autour sans se douter de rien. Les instigateurs sont capables de tenir tout ça secret, c'est un sacré prodige. Et ils raflent régulièrement de nouveaux mages. Alors oui, il est plus que probable que des espions errent dans les ruelles à la recherche de toute personne présentant de quelconques capacités.

    Mais pour l'heure, un autre soucis l'accapare. Ménandre, télékinésiste. Et l'enfer se déchaîna.

    Mais le gamin semble tellement content de lui, et Elland s'est tant inquiété...
    Il ne parvient plus à penser correctement. Tout s'enchaîne trop vite. Alors il se lève doucement, sous le regard intrigué de ses amis. Et prétexte une envie pressante pour s’éclipser quelques minutes.

    Le prétexte n'est pas fallacieux, et il interrompt sa marche le temps de se soulager. Mais ile ne retourne pas au camp. Il s'en éloigne encore un peu et s'assoit sur large pierre plate, couverte de mousse.
    Rivemorte est loin. Ils ont réussi à sortir vivants de la Grand Tour Célestis, libérant par la même occasion une nuée de mages aux pouvoirs aussi divers qu'effrayants. Et parmi ses mages se trouvaient sa drapière, connue par Ménandre sous le nom de Maelenn. Et le gamin. Sain et sauf. Bien qu'il soit doté, à présent, de pouvoirs dont Elland se serait bien passé.

    Un bruissement attire son attention. La jeune drapière s'approche lentement de lui, un timide sourire aux lèvres. D'un mouvement de la tête, elle désigne la pierre et demande :


    - Je peux m'assoir ?
    - Bien sûr.

    Elle fouille un instant dans les replis de sa robe et en sort un médaillon. Malgré la pâle lueur de la lune, il reconnaît sans mal le bijou. Celui qu'il a volé, il y a si longtemps, dans le manoir des Clamadinis, et dont le portrait à l'intérieur lui rappelait quelqu'un.

    - Je suis navrée. Pour vous soigner, Théoliste a du enlever votre chemise et c'est tombé de votre poche. Je ne voulais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas. Mais je connais ce médaillon. Puis-je vous demander où vous l'avez trouvé ?

    Elland fixe le médaillon, pétrifié. Peut-il lui avouer qu'il a pillé la demeure de ses ancêtres ? Bien sûr que non. Il comprend soudain pourquoi le portrait, à l'intérieur, lui rappelait quelqu'un. Maelenn est une descendante des Clamadinis, et c'est sans doute son aïeule qui est représentée. Son regard remonte jusqu'à la main qui tient le médaillon, aux doigts encore marqués par les travaux manuels. Puis il glisse jusqu'au poignet découvert, où la peau semble si douce qu'il brûle d'y poser les lèvres. Il ne peut pas lui avouer la vérité. Et il ne peut pas mentir.

    - C'est une longue histoire qui n'a pas grande importance. Gardez le médaillon, c'est le vôtre.
    - Elland ! Certainement pas ! Ce n'est absolument pas pour vous le réclamer que je vous posais la question. J'espérais juste pouvoir en apprendre un peu plus sur l'histoire de ce bijou.
    - Il vous revient de droit, Maelenn. La femme, sur le portrait, fait partie de votre famille. Ce médaillon serait bien mieux autour de votre cou que dans ma poche.

    Elland s'empourpre soudain en imaginant le bijou s'aventurer dans le décolleté de Maelenn, et remercie le ciel d'être si obscur.

    - C'est un magnifique présent, Elland. Je ne sais comment vous remercier.
    - Racontez-moi comment une Clamadinis a pu se retrouver drapière. Et comment vous vous êtes retrouvée dans la Grand Tour.
    - C'est une longue histoire qui n'a pas grand importance...

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    Résumé :

     

    Des années plus tard, Ellery Queen se rappelait encore tous les détails de cette nuit extraordinaire passée dans une maison pleine de mystère, sur un pic battu par les vents. en pleins monts Tepee. » Contraints d'y chercher refuge pour échapper à un incendie qui gagne de toutes parts, Ellery et son père découvrent des hôtes pour le moins étranges, sur lesquels plane une menace de mort. Des bagues disparaissent, une ombre monstrueuse hante les couloirs, l'inquiétant Bones s'affaire dans un jardin où il ne pousse rien... Une nuit l'assassin frappe. Les Queen mènent l'enquête, non sans confusion. L'inquiétude s'accroît à mesure que les suspects se disculpent et que le feu progresse. encerclant la maison. La peur d'une mort collective n’efface pas la terreur qui rôde, et chacun guette dans le silence du soir les mystérieux déplacements de l'assassin et les lueurs de la forêt qui flambe au loin.

     

    Mon avis :

     

    J'avais entendu parler de cet auteur sans jamais le lire. Ma meilleure amie, en me le prêtant, me l'a donc fait découvrir, pour mon plus grand plaisir.

     

    J'ai été assez bluffée par le contexte de l'histoire : un huis-clos dans une maison isolée, cernée par une forêt en feu. La tension monte au fur et à mesure que le feu se rapproche, incontrôlable. Les liaisons téléphoniques sont coupées, et il n'y a aucun autre moyen de communiquer.

    Le roman a été publié pour la première fois en 1933, mais hormis l'absence de technologies, le roman n'a pas vieilli.

    Nous avons donc nos deux héros qui trouvent refuge dans cette maison isolée et qui découvrent ses habitants. Et comme pour en rajouter une couche, dès la première nuit, un crime est commis.

     

    Si j'ai été bluffée par l'ambiance du roman, sombre et oppressante, l'enquête m'a moins convaincue. Ils ne disposent que de leur capacité de réflexion, et l'interrogatoire des habitants, pour découvrir le meurtrier : oubliez les analyses ADN et autres moyens d'enquête modernes. Ils n'ont rien et ils tâtonnent, désignant parfois un coupable sur un coup de tête.

    Je n'ai pas été spécialement convaincue précisément à cause de ça. J'aime sentir que les enquêteurs cherchent, fouillent, et avancent leurs conclusions qu'au moment où ils sont sûrs d'eux, avec des preuves à l'appui. Or là, même la découverte de l'assassin ressemble à un formidable coup de chance.

     

    Il n'en demeure pas moins que c'est un roman fort plaisant à lire, avec une atmosphère assez impressionnante, et j'ai dévoré chaque page pour connaître le fin mot de l'histoire !


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  • 327532798

     

     

     

    Le gamin a le bon goût de paraître contrit. Elland s'en veut un peu, de cette remontrance, car c'est l'un des qualificatif qui lui vient à l'esprit quand il pense à ce que lui a fait subir cet homme. Les autres qualificatifs étant encore moins à prononcer devant un enfant. D'un geste, il lui fait signe de poursuivre.

    - Je m'a réveillé dans un lit qui sentait mauvais. Avec un mal de tête, je te dis pas !
    - Ils t'ont fait mal ?
    - Ben pas vraiment. Ils m'ont dit qu'ils le feraient si je leur obéissais pas. Alors j'ai préféré obéir, tu vois, parce que j'avais pas très envie qu'ils me font mal.
    - Fassent.
    - Si tu veux. Et pis, c'est là que Maelenn est arrivée.

    Les yeux d'Elland se rivent immédiatement sur la drapière, qui rougit à nouveau. La drapière. Maelenn. Ils cherchaient la même femme. Devant son regard interrogatif, elle lui raconte :

    - Ça faisait déjà plusieurs semaines que j'étais là-bas. Quand j'ai su que Ménandre avait été amené dans la tour, je me suis débrouillée pour avoir à m'occuper de lui. Les gardes préféraient, quand on s'occupait des derniers arrivés. Et j'ai fait en sorte qu'ils ne le touchent pas.
    - Mais vous n'êtes pas mage ? Vous êtes drapière.

    Elle explose d'un rire cristallin qui fait instantanément rougir Elland. Et qui agit aussi sûrement qu'un baume de Théoliste. Voyant son malaise, elle se reprend et poursuit avec un sourire espiègle :

    - L'un n'empêche pas l'autre, jeune homme.
    - Vous avez vraiment des pouvoirs ?

    Elle acquiesce doucement. D'un mouvement du menton, elle lui montre une bassine, tout près de la rivière. Les torches permettent de voir le battoir et le pain de savon qui s'affairent sur un linge aux teintes carmines. Sorcellerie ! Pourtant, depuis qu'il a mis les pieds dans la Grand Tour Célestis, plus rien ne devrait l'étonner. Devant l'air stupéfait d'Elland, Ménandre rit à gorge déployée, attirant l'attention des autres blessés. Ils attirent même l'attention de Pèire qui arrive, les bras chargés d'un plateau. Elland se redresse un peu, essayant de reprendre contenance. S'il ne ressent aucune douleur, il est toujours un peu déphasé et a du mal à saisir ce qu'il se passe. Et Pèire le comprend d'un regard. Il dépose le plateau et leur propose des bols de ragoût. Si l'apparence n'est guère plus appétissante que l'odeur qui s'en dégage, personne ne tord le nez. Ils sont affamés. Ils se jettent donc sur la nourriture et la dévorent en silence. Ménandre jette des regards à la ronde, tandis qu'Elland, lui, observe Maelenn à la dérobée. Ce n'est qu'une fois l'estomac rempli qu'Elland se souvient de son savoir-vivre et qu'il demande à Pèire :

    - Tu vas bien ? Et les autres ?
    - Je vais bien, oui. Quelques égratignures, mais rien que Théoliste ne puisse soigner. Thémus se repose, on a presque dû l'assommer pour qu'il ferme enfin les yeux. Ses blessures sont plus sérieuses, mais il ne voulait pas nous laisser à la merci des soldats. Jehanne se repose aussi : elle n'a pas été touchée, mais elle est épuisée. Osvan n'a toujours pas repris connaissance et je crois bien que ça inquiète Théoliste.
    - Et Anthelme ?
    - Toujours inconscient. Un coup à la tempe peut être très dangereux.

    Les regards se perdent dans le fond des bols. Dire l'angoisse de Théoliste serait inutile. Et ils ne peuvent rien faire pour guérir Anthelme. Alors Elland essaie de changer de sujet.

    - Maelenn et Ménandre m'expliquait comment ils s'étaient retrouvés. Même si je ne sais toujours pas ce qu'ils font ici.

    Pèire esquisse un sourire amusé et la drapière, de bonne grâce, poursuit son récit :

    - J'ai donc pris Ménandre sous mon aile. J'aurais préféré qu'il ne se retrouve jamais dans cette tour et qu'il reste libre, mais puisqu'il y était, autant le protéger.
    - Mais je ne comprends pas pourquoi ils ont enfermé le gamin dans la tour. Je veux dire, on les gênait, clairement, à fouiller Rivemorte à votre recherche. Ils ont essayé de se débarrasser de moi alors pourquoi avoir enlevé Ménandre et l'avoir gardé …

    Il s'interrompt soudain, réalisant ce qu'il est en train de dire. S'il est évident que personne, autour du lit improvisé, ne souhaite la mort du gamin, s'étonner de le voir vivant lui semble … inconvenant. Déplacé. Un coup à attirer le mauvais oeil. Mais Ménandre, dans ce qu'il lui reste de candeur, répond d'une voix enjouée :

    - Ben c'est ce que je me suis dit aussi. J'ai bien cru qu'ils allaient m'occire. Mais non. Je crois bien que le coquin a paniqué. Z'étaient pas contents, de le voir revenir avec un colis supplémentaire à la tour. Pis y'a un drôle de messire qu'est venu. Il m'a regardé sous toutes les coutures. Et il a dit que ma place était à la tour.

    Elland jette un regard alarmé à Maelenn, qui lui adresse un sourire désolé. Un mouvement attire l'oeil d'Elland, qui assiste, interdit, à la lévitation d'une feuille. Si les premiers centimètres sont plutôt chaotiques, Ménandre parvient à la stabiliser et à lui imprimer un mouvement fluide jusqu'à ce qu'elle chatouille le bout du nez du convalescent, le faisant à la fois loucher et éternuer. L'éclat de rire du gamin est tout simplement machiavélique et lui donne des sueurs froides. Ménandre a toujours été doué pour arranger la vérité à son avantage et pour monter des coups en douce. S'il est à présent capable de ce prodige...

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